Edgar Quinet (1803-1875) et l histoire des religions - article ; n°2 ; vol.144, pg 151-171
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1953 - Volume 144 - Numéro 2 - Pages 151-171
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1953
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madeleine David
Edgar Quinet (1803-1875) et l'histoire des religions
In: Revue de l'histoire des religions, tome 144 n°2, 1953. pp. 151-171.
Citer ce document / Cite this document :
David Madeleine. Edgar Quinet (1803-1875) et l'histoire des religions. In: Revue de l'histoire des religions, tome 144 n°2, 1953.
pp. 151-171.
doi : 10.3406/rhr.1953.6002
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1953_num_144_2_6002.
Edgar Quinet (1803-1875)
et l'histoire des religions1
La science des religions, lorsqu'elle prend son départ, aux
environs de 18502, tient de près à la philosophie : non point à la
seule pensée hégélienne3, mais au large ensemble de réflexions
sur l'homme et l'histoire, qui Га précédée. Edgar Quinet
— dont la présente année marque le cent cinquantenaire —
est à placer au milieu d'une suite de générations qui, commenç
ant avec Herder, au xvnie siècle, conduit en France jusqu'à la
fin du siècle dernier, avec Renan : dans l'Avenir de la science,
où le jeune Renan notait observations et espoirs, sont ment
ionnés Herder4 et Quinet, le traducteur des Idées sur la philo
sophie de l'humanité. Dans la vie de ce dernier5, s'impose
aujourd'hui à notre particulière attention la période antérieure
au fameux enseignement du Collège de France, et, dans cette
période, deux œuvres : l'Examen de la Vie de Jésus du
Dr Strauss (1838) et le Génie des religions (1842). Avant
d'aborder le contenu de ces travaux, il importera d'esquisser
une revue des conditions dans lesquelles s'est développée la
pensée de Quinet, en son application aux problèmes de
religion.
1) Communication (augmentée de notes et références) présentée le 28 fé
vrier 1953 à la Société Ernest Renan.
2) Voir R. Dussaud et H.-Ch. Plech, Introduction à l'histoire des religions et
bibliographie, Mana, t. I.
3) Voir Chantepie de la Saussaye, au Manuel (trad, française,
1904 ; et Introduction de H. Hubert).
4) E. Renan, Œuvres complètes, t. III (1949), p. 837; cf. H. Tronchon,
Ernest Renan et Г 'étranger, chap. VI.
5) Voir entre autres A. Valès, Edgar Quinet, et J. Boudout, Edgar Quinel,
Extraits. 152 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
I
Ce fut dans un climat peu favorable à la spécialisation
qu'Edgar Quinet vécut, durant sa jeunesse. L'un de ses pre
miers protecteurs fut de Gérando, l'un de ces idéologues qui, à
travers l'Empire, maintinrent le lien entre le xvine siècle et
l'époque romantique : profondément opposé au système napol
éonien, le parti idéologiste croyait discerner, dans l'essor, non
seulement des sciences exactes, mais aussi de l'érudition, une
diversion, destinée à servir la restauration de la pratique
religieuse1. A la « sécheresse » des idéologues — ainsi qu'à leur
libéralisme — s'opposent religiosité et lyrisme de Chateaub
riand. Edgar Quinet, dans sa génération, est sans doute celui
qui, le plus fortement, symbolise la conciliation entre le xvnie
et le xixe siècle. Le libéralisme — son credo de toujours — est
incompatible avec l'ancien ordre théologico-politique ; mais,
vers 1840, il s'unira au messianisme néo-chrétien. Quinet,
protégé de Gérando, jouira également de l'attention et de la
sympathie du groupe de Mme Récamier : l'on pensa même voir
se révéler, en certaines de ses œuvres, un « nouveau Chateau
briand ». L'on se bornera à noter ici combien, en effet, il veille a
l'harmonie du style, paraissant même parfois plus oratoire que
son modèle littéraire ; et l'on rappellera la règle, longtemps
dominante jusque sur le plan des universités, qui était de
plaire à un public nombreux et divers. Trop visible est sou
vent, chez Quinet, le souci du « beau style ». Il est délicat de
dire à quel point l'écrivain fut poète et orateur ; et dans quelle
mesure il voulut être en même temps historien, dans l'accep
tion moderne du mot. L'indécision qui, à cet égard, ressort de
tant de ses pages, est souvent, pour nous, déconcertante.
Edgar Quinet eut — la chose ne semble guère douteuse —
l'ambition de parler, d'écrire, d'agir surtout, en Pascal du
xixe siècle. En lui s'observe la sincérité d'une vie personnelle
constamment tendue en une exigence de salut, où se rejoignent
l'historique, le politique, le religieux. D'une même vue de
1) Voir É. Bréhier, Histoire de la philosophie, t. II, p. 600 et suiv. EDGAR QUINET ET L'HISTOIRE DES RELIGIONS 153
l'esprit, il veut embrasser présent, passé, avenir de l'humanité,
tout homme étant impliqué, ici-bas, dans le drame d'une vaste
lutte. Par l'unité du dynamisme des âges, est fondée une sorte
de philosophie du religieux, plus moralisante, semble-t-il
d'abord, que capable de favoriser une psychologie ou une étude
historique des religions. Mais cette position de Quinet ne se
confond aucunement avec la religiosité mise en vogue par Le
génie du christianisme ; et c'est elle qui sera le trait commun
entre Quinet et d'autres rénovateurs, impatients comme lui, 1840 et 1848, d'un avenir de justice et de liberté1.
Souvent, chez Cousin et chez Guizot, le débutant ren
contrait Benjamin Constant, dont se publiait alors le mémor
able ouvrage2. Or, c'est en vain que, d'une pensée à l'autre,
l'on chercherait trace de contact : opposition fort instructive à
notre sens. Si la force d'Edgar Quinet est d'avoir appréhendé le
problème « religion et civilisation », le sujet principal de
Benjamin Constant était formulé en termes différents. Carac
téristique des deux auteurs est, il est vrai, une méfiance à
l'égard de tous les sacerdoces ; ils ont, d'autre part, l'un et
l'autre, approché les pensées de Herder3 et de Creuzer ; tous
deux enfin, ils entendirent innover en matière de comparat
isme. Mais frappantes sont les divergences. Constant scin
dait, comme l'on sait, sentiment religieux et formes de
religion4, se refusant à pousser ses investigations sur le déve
loppement du théisme, et à scruter le présent des grandes
religions ; Quinet, au contraire, vole au devant de telles ques-
1) Sainte-Beuve {Nouveaux lundis, VI, 7 sept. 1863) discerne dans ce mou
vement une « disposition théologique ou semi-théologique ». Sur le saint-simonisme,
antérieur et, à bien des égards, différent, Quinet s'était exprimé, dès 1831, avec
quelque dédain ; cf. Premiers travaux, p. 279 (nous nous référons, ici et dans la
suite, sauf indication contraire, à l'édition Germer-Baillière des œuvres de Quinet).
2) De la religion considérée dans sa source, ses formes et son développement,
vol. I à V (1824-1831). Ce fut avec les recommandations conjointes de Chateau
briand, de Constant et de Creuzer que le jeune Quinet put mettre à exécution son
projet de voyage en Grèce.
3) Voir citation du Journal intime de Benjamin Constant, relative à Herder,
dans Tronchon, La fortune intellectuelle de Herder en France, p. 318.
4) Cf. R. Maunier, Benjamin Constant historien des sociétés et des religions,
Revue de l'histoire des religions, 1930 ; et G. Van der Leeuw, La religion dans son
essence el ses manifestations, p. 674 et suiv. REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 154
tions. Surtout, la vision de l'humain n'est pas la même,
Constant faisant fond sur l'état le plus primitif, état dans
lequel tout, quant au sentiment religieux, est, en principe,
donné ; là où Constant parle de « raison ю1, Quinet, lui, parlera
d'intelligence et de personnalité, et d'œuvres. Corollairement à
tout ceci, le respect du mystère auquel parvint Constant, ne
saurait satisfaire l'exigence de lucidité et d'action personnelle
d'un Quinet, enclin à découvrir, à l'instar de Herder, le « plan
de Dieu »2, c'est-à-dire à déchiffrer la grandiose aventure de
l'humanité, dans le dessein de mieux y coopérer. Tandis que
Benjamin Constant entrevoit une loi de la marche des rel
igions, au travers de formes successives3, chez Edgar Quinet se
découvre l'ébauche d'un progrès de la conscience. En aspirant,
l'un non moins que l'autre, mais si diversement, à une syn
thèse des faits religieux, Quinet et C

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