George Sand, le Christ et le royaume - article ; n°1 ; vol.28, pg 243-262
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1976 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 243-262
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Frank Paul Bowman
George Sand, le Christ et le royaume
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1976, N°28. pp. 243-262.
Citer ce document / Cite this document :
Bowman Frank Paul. George Sand, le Christ et le royaume. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1976, N°28. pp. 243-262.
doi : 10.3406/caief.1976.1120
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1976_num_28_1_1120GEORGE SAND, LE CHRIST
ET LE ROYAUME
Communication de M. Frank Bowman
(Philadelphie)
au XXVIIe Congrès de l'Association, le 30 juillet 1975.
Les évocations de Jésus dans les écrits de George Sand
sont nombreuses, riches, profondément liées à ses préoccu
pations sociales. Ces évocations tantôt suggèrent adhés
ion, tantôt hésitation devant la figure du Christ, à
laquelle elle a recours surtout dans ses rêves d'une nouvelle
Église, ses espoirs d'une nouvelle société, et dans ses efforts
pour donner un sens à la douleur. Sa pensée religieuse
évolue jusque vers 1836, puis de là jusqu'en 1855 il y a
approfondissement des thèmes et des ambiguïtés. Faute
de temps, je me concentre aujourd'hui sur cette période,
laissant de côté la grand-mère voltairienne, les crises rel
igieuses au couvent, l'invention du dieu Corambé à la fois
syncrétiste et androgyne, sa « déconversion » à travers la
lecture de Chateaubriand et de l'Imitation, puis l'influence
des rencontres avec Lamennais et Leroux et le pro
blème de la première Lélia, admirablement étudié par
M. Reboul (1).
sur (1) la MarcMoret, jeunesse, se Le centre Sentiment surtout religieux sur Léha, chez George Spindion, Sand, et 1936, Mne excellent la Quin-
tinie ; il remplace pourtant la courte étude de Henry Dartigue, « La
religion de George Sand », Revue chrétienne, 1904, p. 137 sq. Et il y a
toujours le mystique de la passion du baron Seilhère. Sur
Léha, voir la préface de Pierre Reboul à l'édition Gamier, i960, et aussi
son étude, « George Sand's thought m 1835 », University of Toronto
Quarterly, XXV (1955-6), 82-95, surtout sur l'influence de Nodier et les
parallèles avec Ballanche. Sur Leroux et Sand, voir la belle étude de
J. P. Lacassagne, L'Histoire d'une amitié, Pierre Leroux et George Sand, FRANK BOWMAN 244
Dans sa pensée religieuse, Sand est marquée par trois
pôles d'attraction : d'un côté l'Imitation, puis la « doc
trine cachée » des Jésuites telle qu'elle l'a comprise chez
son directeur Prémord, et enfin le rêve d'une Nouvelle
Église où le Royaume deviendrait de ce monde. L'Imit
ation, c'est la doctrine du renoncement, du sacrifice, de
l'humilité de l'esprit, où l'individu refuse le monde et le
moi pour se tourner vers Dieu (2). Le monde n'offre que
déceptions dans notre quête de l'Idéal, et seul l'amour
pur de Dieu peut nous satisfaire. Notion qui exerce une
indéniable attraction sur elle et qu'elle défend dans Spi-
ridion (3). Mais cette religion ne peut se pratiquer qu'au
couvent ; et si le rêve de la vie conventuelle est fo
rmulé dans Lélia et Spiridion, sa réalisation semble vouée
à l'échec. Sand ressent trop le besoin d'agir dans la vie.
Elle est incapable du refus qu'exige l'Imitation, bien que
ce refus l'attire. On pourrait s'étonner qu'elle n'évoque
jamais la doctrine selon laquelle il y aurait, après le
dépouillement impliqué par le pur amour, un retour vers
le monde, création de Dieu et donc objet d'amour. Pour
elle comme pour Michelet, l'amour pur s'identifie au quié-
tisme, au refus du monde.
Il y a, selon Sand, une méthode de « pactisation » entre
morale chrétienne transcendante et l'être dans le monde,
celle de la doctrine « cachée » du jésuitisme, qui offre à
chacun la voie qui lui est propre, qui est « la seule religion
praticable pour ceux qui ne veulent pas rompre avec Jécus-
Christ Dieu » et pourtant refusent de se retirer au couvent.
Le Jésuite dit : « Va comme tu peux et selon tes forces. La
1973. La thèse de M. T. Rouget, George Sand socialiste, 1931, p. 141, que
Sand à travers Leroux aurait ^surtout retrouvé Rousseau, me semble
insoutenable (v. G. Lu bin, « L'Évolution des idées politiques de George
Sand jusqu'en 1848 », Revue des travaux de l'Académie des sciences morales
et politiques, 123 (1970), p 61-76, mise au point sur les relations de Sand
avec Lamennais et Leroux).
(2) Histoire de ma vie, VII, 132-150 ; texte de 1854-5 ; ici et ailleurs
mes citations renvoient à l'édition Lévy frères, 1856, et années suivantes.
(3) Sauf indication contraire, les renvois à la correspondance sont à
l'édition Lubm, indiquée CL, avec le tome, la page, le correspondant,
la date. Ici, CL, III, 792, Michel de Bourges, 20 avril 37. Spiridion,
p. 218. G. SAND, LE CHRIST ET LE ROYAUME 245
parole de Jésus est éternellement accessible à l'interpré
tation de la conscience éclairée » (4). Sand y voit un retour
au Jésus qui a dit, « l'esprit vivifie, la lettre tue », qui
condamne le jeûne et la pénitence extérieure. Or, cette
morale de l'intention, elle la rejette aussi. Pascal a eu rai
son de flétrir Escobar, car la doctrine d'intention, « qui
eût pu être si généreuse et si bienfaisante », est devenue
« athéisme et perfidie entre les mains de certains hommes ».
La morale de l'intention montre une malhonnêteté pro
fonde dans son effort pour garantir au fidèle le meilleur
des deux mondes ; elle amène l'abandon des prérogatives
et des responsabilités de l'individu. N'empêche que pen
dant la campagne anti- jésuite menée par Michelet et Qui-
net, Sand « ne dit rien ou semble même vouloir les épar
gner » (5).
Le troisième mouvement domine chez elle, le refus du
refus du monde et du moi, qui s'exprime souvent par une
attaque contre l'Imitation (6) ou contre l'austérité et
l'indifférence au monde du christianisme. « Se sacrifier,
s'abaisser et s'annihiler comme les premiers chrétiens du
désert, c'est neutraliser une force, c'est étouffer une
lumière que Dieu avait envoyée aux hommes pour les
instruire et les sauver ». Surtout, elle maintient que le
Royaume est de ce monde : « Jésus n'a pas dit explicite
ment, il est vrai, que l'humanité devait arriver au bonheur
sur cette terre, mais il l'a dit implicitement, lorsqu'il a
enseigné la nécessité du devoir » (7). Le refus du monde
dans la quête de l'absolu, ou l'effort pour pactiser entre
l'Évangile et le monde font place à l'exigence absolue de
réaliser ici-bas l'idéal évangélique. Un tel projet suppose
une réforme de l'Église, une redéfinition du christianisme
que nous aurons à analyser. Pourtant, il restera toujours
quelque chose des deux autres pôles. La « Nouvelle Église »
de Sand gardera un culte de la transcendance, un désir de
(4) Histoire de ma vie, VII, 149.
(5) V. Moret, op cit , p. 185.
(6) V. Questions d'art et de littérature, 1878, p. 86.
(7) Lettre à M Lermimer, in Jean Zyska, 1867, p. 333. 246 FRANK BOWMAN
communier avec le divin, un goût pour l'enthousiasme qui
la distingue de Leroux.
Le projet d'une Nouvelle Église présuppose une cr
itique de l'Église catholique établie, critique dont, chez
Sand, l'artillerie reste largement celle de la Réforme. Pas
sons sur les prêtres indignes et les papes avides de richesse
et de pouvoir pour souligner sa reprise des attaques de
Leroux contre la damnation éternelle, radicalement
contraire au message évangélique de miséricorde et
d'amour (8). Surtout, comme Benjamin Constant et les
Saint-Simoniens, elle reproche à l'Église son immobilisme
qui l'empêche de réaliser la révélation progressive de
l'Évangile (9). Elle n'est pas pour autant favorable au
protestantisme. Si elle apprécie la réforme du seizième
siècle, le protestantisme de ses jours lui semble aussi loin
des voies du Seigneur que le catholicisme (10). Son appré
ciation du a été ébranlée par un pasteur
de Genève qui expliquait la prospérit

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