Isaïe XIV, 12-15 et son arrière-plan mythologique - article ; n°1 ; vol.149, pg 18-48
32 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Isaïe XIV, 12-15 et son arrière-plan mythologique - article ; n°1 ; vol.149, pg 18-48

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
32 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1956 - Volume 149 - Numéro 1 - Pages 18-48
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

P. Grelot
Isaïe XIV, 12-15 et son arrière-plan mythologique
In: Revue de l'histoire des religions, tome 149 n°1, 1956. pp. 18-48.
Citer ce document / Cite this document :
Grelot P. Isaïe XIV, 12-15 et son arrière-plan mythologique. In: Revue de l'histoire des religions, tome 149 n°1, 1956. pp. 18-48.
doi : 10.3406/rhr.1956.7086
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1956_num_149_1_7086Isaïe XIV 12-15
et son arrière-plan mythologique
On connaît la qinâ ironique qui, en Isaïe XIV 12-15,
accueille le roi de Babylone à son arrivée au shéol :
Comment es-tu tombé des cieux,
Hëlel fils de Sahar ?
(Gomment) as-tu été jeté sur terre,
dompteur (?) de toutes les nations ?
Et toi, tu avais dit en ton cœur :
« Je monterai aux cieux ;
plus haut que les étoiles d'El
je dresserai mon trône ;
je siégerai sur la montagne de l'Assemblée,
à l'extrême cime de Saphôn ;
je monterai sur les hauteurs des nues ;
je me ferai l'égal d'Elyôn. »
Eh bien ! Tu es précipité au shéol,
à l'extrême fond de la Fosse.
Les commentateurs s'accordent à reconnaître là le démar
quage d'un ancien mythe. « Some Babylonian astral myth »,
opinait Skinner1, qui alléguait Ez. XXVIII 1-10. Et Gray,
se référant à Gunkel2 : « The Tyrant is half compared, half
identified with the radiant hero of some astral myth » ; et de
rappeler Ez. XXVIII 11-19, non sans ajouter cette réserve :
« Whence the myth came, whether from Babylon or Phoenicia,
and what was its exact form, is incertain3. » Les découvertes
de Ras-Shamra ont fait pencher la balance en faveur de la
1) Isaiah I-XXXIX, Cambridge Bible [1896], 122.
2) Shôpfung und Chaos, 132-34.
3) Isaiah I-XXVII, ICC [1912], 255. XIV 12-15 ET SON ARRIÈRE-PLAN MYTHOLOGIQUE 19 ISAÏE
Phénicie, comme l'ont rappelé à l'envi tous les chercheurs1.
« Le mythe lui-même, nous ne le connaissons plus, notait
en 1944 A. Bentzen, mais ses principaux personnages sont
maintenant connus par les textes de Ras-Shamra, celui qu'on
nomme l'hymne de Nikkal, et. Danel II2. » Ignorance du
mythe, soit, mais non de son thème, que Bentzen retrouvait
dans l'histoire des Titans foudroyés3. M. H. Pope fait un pas
de plus vers la reconstruction du mythe perdu4. A la suite de
Morgenstern5, il allègue, lui aussi, les Titans6 et trouve un
autre parallélisme dans le mythe hourrite de Kumarbi, connu
dans sa version hittite : « We believe that the ultimate mythol
ogical background of this allegory, as also in the case of the
prince of Tyr in Ez. XXVIII, is a theomachy or titanomachy,
similar to the Human and Greek versions, in which El and
his champion (Prince Sea) and his consorts were defeated and
banished to the netherworld7. » Cependant, quant au héros
auquel Is. XIV fait allusion : « We pass over the problem of
the identity of the mythological Helel ben Shahar8. » C'est
sur ce dernier point que nous ferons porter ici notre principal
effort, sans négliger, bien entendu, le contenu du mythe, insé
parable de la personnalité de son héros. Pour éclairer le pro
blème, nous chercherons à la fois du côté de la mythologie
grecque et dans les textes d'Ugarit.
I
Avant d'entreprendre l'enquête, il est utile de rappeler les
contacts certains d'Is. XIV 12-15 avec la mythologie ugari-
1) Par exemple R. de Vaux, RB XLVI [1947], 546-47. R. de Langhe, Les
textes de Ras-Shamra-U garit et leurs rapports avec le milieu biblique de V Ancien
Testament, II, 239, 241 suiv.
2) Jesaja fortolket I [1944], 114-16.
3) Ibid.
4) M. H. Pope, El in the Ugaritic texts [Leiden, 1955], 96 suiv.
5) HUCA XIV [1939],. 109.
6) Op. cit., 97.
7) Ibid., 103. Texte du mythe de Kumarbi dans Pritchard, ANET1, 120 suiv.
La synthèse de M. H. Pope suppose une interprétation de certains textes d'Ugarit
que nous aurons à examiner plus loin.
8) Loc. cit. REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 20
tique. Sahar est la divinité masculine de l'Aurore1. Dieu ou
déesse, on en retrouve la trace dans quelques noms théophores
phéniciens2 et plusieurs passages bibliques où l'Aurore est
poétiquement personnifiée s'expliquent au mieux si l'on y
reconnaît l'écho assourdi de cette ancienne mythologie, par
exemple Am. IV 13, Job III 9, XXXVIII 123. On peut donc
éliminer comme superflue la conjecture de quelques comment
ateurs qui proposaient de lire « Hilâl ben Sahar », Sahar
désignant la lune (ou le dieu-lune) en aram., syř., mand.,
sab., ar., eth., et Hilâl étant en arabe le nom du croissant
lunaire (ainsi Winckler ; cf. les comm. de Gray et Bentzen
in loco). Elyôn ne semble pas attesté à Ugarit4, mais il figure
avec El sur la stèle de Séfiré-Soudjin5 et dans les généalogies
divines de Philon de Byblos6. El est apparemment à la tête
du panthéon ugaritique7. Saphôn désigne la montagne sacrée
spécialement associée à Baal8. Nous traduisons TÍD22 Т)ЭТ
1) ŠIIR, déesse de l'aurore, écrivait Jirku en 1935 (ZDMG, 1935, 383).
Mais à Ugarit Šhr est une divinité masculine, cf. Gordon, Ugarilic Handbook,
18, 226 ; texte 52 : 52, 53. Pour une bibliographie plus ample jusqu'en 1939, voir
les tables de Schaeffer, Ugaritica I. [Cette étude était déjà rédigée quand nous
avons pu prendre connaissance de YUgaritic Manuel de С H. Gordon. Nous
regrettons de n'avoir pu l'utiliser. Nos conclusions n'en auraient pas été substan
tiellement modifiées.]
2) Z. Harris, A grammar of the Phoenician language, lexique 149.
3) Cf. L. Kóhler, Lexicon..., 962.
4) R. Dussaud en admet l'existence [Les textes de fí-5 et VAT2, 170).
H. L. Ginsberg a conjecturé la présence du mot Elyôn à la ligne 3 du poème sur
la naissance des dieux [UH, texte 52), mais le contexte est trop abîmé pour
appuyer solidement l'hypothèse. Gordon n'inclut pas le terme dans le lexique
de son Ugarilic Handbook. Enfin, M. H. Pope (op. cit., 55 suiv.) estime que
Elyôn n'est pas mentionné dans les textes, mais que le qualificatif Чу est proba
blement en rapport avec son nom.
*5) Mélanges de V Université Saint-Joseph de Beyrouth, XV [1930-31], 235 suiv.
(Ronzevalle), Aa, ligne 11.
6) Philon de Byblos II, 12. Cf. les tableaux de R. Dussaud dans Les religions
de Babijlonie et ď Assyrie, etc.1, Mana II, 358-59. M. H. Pope a montré (op. cit.,
56-7) que la généalogie divine de Philon de Byblos est corroborée par celle des
mythes hourrites : Elyôn (Alalu) n'est pas le père de El (Chronos-Kumarbi),
mais son grand-père, distinct par conséquent de l'Ouranos d'Hésiode (Anu des
textes hittites). Quoi qu'il en soit, Elyôn représente la première génération
divine.
7) O. Eissfeldt, El im ugaritischen Pantheon, 1951, Berlin. — M. H. Pope,
op. cit.
8) Gordon, UH, 18, 1744 ; cf. O. Eissfeldt, Baal-Zaphon ; R. de Langue,
op. cit., II, 217 suiv., 239-41. XIV 12-15 ET SON ARRIÈRE-PLAN MYTHOLOGIQUE 21 ISAÏE
par « la cime de Saphôn », comme, en Is. XXXVII 24,
T\yib = « la cime du Liban », en parallèle avec « le haut des
montagnes »x. La montagne de l'Assemblée (1S7ÍU) rappelle
l'assemblée plénière des dieux (phr . m*d), qui se tient sur la
montagne de Ы2. Les étoiles d'El nous paraissent identiques
aux étoiles filles d'El dont la naissance est racontée au texte
UH, 52 : 543 ; une autre allusion à cette mythologie se ren
contre en Job XXXVIII 7, où les « étoiles du matin » sont en
parallèle avec les « fils d'Elohim ». Enfin, les « hauteurs des
nues » (DS7 ГПйП) ne sont pas sans rappeler l'épithète de
Baal : « chevaucheur des nuées »4, bien que Hělel ben Sahar
ne soit sûrement pas Baal. Tant de références mythologiques
rassemblées en si peu d'espace laissent supposer une étroite
dépendance du passage par rapport à son modèle phénicien.
Aussi, de divers côtés, a-t-on voulu aller plus loin en iden
tifiant Hëlel avec un dieu hll attesté à Ugarit5. Mais ce point
prête à discussion. Le mot hll se rencontre exclusivement dans
1) Nous nous rallions ainsi à l'opinion de Eissfeldt et de Langhe (Id.,
ibid., 241), écartant la traduction assez courante : « Les profondeurs (ou extré
mités) du Septentrion. » J. de Savignac (Vêtus Testamentům III [1953], 95-6)
a pr

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents