L'illuminisme dans un protestantisme de constitution récente (Brésil) (premier article) - article ; n°1 ; vol.141, pg 26-83

Emile G. Leonard

Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1952 - Volume 141 - Numéro 1 - Pages 26-83
58 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Philosophie et théologie

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• Publié par: REVUE_DE_L-HISTOIRE_DES_RELIGIONS0
• Publié le: 01 janvier 1952
• Nombre de lectures: 23
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

Émile-G. Léonard
L'illuminisme dans un protestantisme de constitution récente
(Brésil) (premier article)
In: Revue de l'histoire des religions, tome 141 n°1, 1952. pp. 26-83.
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Léonard Émile-G. L'illuminisme dans un protestantisme de constitution récente (Brésil) (premier article). In: Revue de l'histoire
des religions, tome 141 n°1, 1952. pp. 26-83.
doi : 10.3406/rhr.1952.5848
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1952_num_141_1_5848L'illuminisme dans un protestantisme
de constitution récente
(Brésil)
Le protestant se définit volontiers comme l'homme de la
Bible, et l'opinion publique admet cette définition, en en
tirant parfois chez nous le trait essentiel de caricatures plus
ou moins bienveillantes. Des trois voies d'accès au divin que
la religion chrétienne ouvre aux fidèles, la révélation écrite,
le sacrement, l'inspiration, c'est la première que le protestant
suit le plus souvent. Mais, de même que beaucoup d'âmes et
plusieurs Églises ont donné de tout temps dans le protes
tantisme une grande place au sacrement (il s'agit ici de la
pratique de la piété et non de la doctrine, où cette place ne lui
est presque jamais disputée), de même le contact direct avec
la divinité, que le commun des fils de la Réforme recherche
surtout dans la prière, a été demandé de tout temps par
d'autres à une intervention de l'Esprit dont ils font parfois
la raison d'être et le thème essentiel de mouvements religieux
et d'organisations ecclésiastiques. A côté du protestantisme
de la Bible il y a ainsi un protestantisme de l'Esprit, qui va
des prophètes de Zwickau et des anabaptistes au pentecôtisme
d'aujourd'hui, en passant par les quakers, les inspirés des
Cévennes, Swedenborg, les illuminés germaniques et bien
d'autres.
L'histoire de détail s'en trouve dans les monographies
consacrées à ses manifestations les plus visibles et dans les l'illuminisme protestant au Brésil 27
historiques où les communautés de cette tendance ont raconté
leur passé. Mais l'histoire d'ensemble en a été peu faite,
spécialement dans les pays de langue française. Elle s'y heurte
à trois sortes d'incompréhensions et de préjugés : chez les
protestants, une pudeur inquiète et parfois malveillante à
l'égard de « sectes » susceptibles de déconsidérer les Églises
spirituellement « établies », et qui souvent leur font une active
concurrence et leur enlèvent de nombreux et excellents fidèles ;
chez les catholiques, une assurance de pathologistes au dia
gnostic déjà fixé ; chez les autres, une curiosité superficielle
qui, se bornant à l'extérieur, classe (et confond) les manifes
tations spectaculaires voisines en apparence, sans s'attacher
aux messages très différents qu'elles peuvent recouvrir.
De telles dispositions n'ont pas facilité la compréhension
de la lutte menée par les grands Réformateurs contre un
« spiritualisme » dont les dangers qu'il présentait alors sont
méconnus du fait que son histoire est peu connue. Elles ne
permettent guère de suivre l'évolution des mouvements illu-
ministes protestants, et particulièrement cette remarquable
extension progressive de l'importance de la Bible dans leur
piété, qui les détourne des aberrances originelles pour les
rapprocher du type commun. Elles risquent de cacher ce qui
est peut-être, — bien plus que l'agitation de l'institutiona-
lisme ecclésiastique et les réactions qu'il a provoquées, — le
grand problème actuel posé aux Églises de la Réforme : la
réapparition singulièrement active d'un protestantisme où la
Bible n'a qu'une place diminuée, en un temps qui n'est plus
celui du livre mais de la radio, et où les habitudes générales
portent moins à méditer sur une révélation écrite qu'à « don-,
ner un coup de téléphone » à Dieu et à en attendre une réponse
qui ne soit plus liée à l'entremise désuète du papier imprimé.
Un séjour de plusieurs années au Brésil nous a permis d'y
étudier la naissance et le développement d'un protestantisme
qui, en une centaine d'années, a conquis une audience consi
dérable (plus de 1.600.000 membres au recensement de l'année
dernière), dans toutes les régions et dans toutes les classes. REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 28
L'étude que nous en avons faite en plusieurs publications1
nous a amené à constater que tout se passe comme si les nouv
elles Églises de la Réforme, nées et se développant dans de
jeunes pays eux-mêmes au début de leur évolution, refaisaient
les expériences de leurs « mères » européennes aux siècles
passés2. Examinons donc les vicissitudes de l'illuminisme pro
testant au Brésil, non point seulement pour lui-même, mais
afin de tirer de cet exemple limité, facile à étudier, des indica
tions pour une connaissance plus générale du phénomène.
CONDITIONS FAVORABLES
OFFERTES PAR LE BRÉSIL A L'iLLUMINISME
Les conditions spirituelles du Brésil dans la première moit
ié du siècle dernier étaient assez exactement celles de l'Europe
à la veille de la Réforme. La pénurie des prêtres est encore
aujourd'hui le « plus urgent problème » du catholicisme bré
silien, suivant le titre du livre que lui a consacré un clerc
français3 : la liste du clergé établie pour 1947 ne signale que
2.930 prêtres séculiers et 3.419 prêtres réguliers (dont, pour
ces derniers, environ 2.000 membres de congrégations et
d'Ordres étrangers)4. D'où des paroisses démesurées. On est
effrayé d'apprendre que le curé d'Itambacuri (diocèse d'Aras-
suai, État de Minas) a 150.000 paroissiens ; et, s'il s'agit là
très certainement de circonstances exceptionnelles, du moins
doit-on noter que, sur les 28 autres paroisses du diocèse,
11 groupent entre 20.000 et 50.000 âmes, et 11 entre 10
et 20.000 contre 6 seulement entre 6 et 10.000. La situation
était beaucoup plus grave il y a un siècle, alors que la renais
sance catholique n'avait pas encore débuté dans le pays et
1) L'Église presbytérienne du Brésil et ses expériences ecclésiastiques (Aix, 1949,
108 p., fasc. 1 du t. IX de la Revue de la Faculté de Théologie protestante ďAix-en-
Provence) ; Le protestantisme brésilien. Étude d'ecclésiologie et de sociologie
religieuses, publ. (en portugais) dans la Revisla de Hisloria de Sâo Paulo, pour
l'être ultérieurement en volume.
2) Voir notre article : Brasil terra de historia, Revista de Hisloria, 1950.
3) Pascoal Lacroix, О mais urgente problema do Brasil. O problema sacerdotal
e sua soluçâo (Petropolis, 1936).
• 4) О Brasil Catolico. 1947 (Juiz de Fora, 1947). l'illuminisme protestant au Brésil 29
que les Ordres, au lieu d'y être abondamment recrutés par
l'étranger, y étaient anéantis par le régalisme, pour ne pas
dire l'anticléricalisme, de la Cour impériale1. La conséquence
en était que les besoins religieux, très profonds, du peuple se
satisfaisaient comme ils le pouvaient. C'était parfois, dans des
cas privilégiés, par des dévotions familiales qui devaient
ouvrir la porte à la Réforme comme elles l'avaient fait en
Europe au xvie siècle2. C'était aussi par une piété supersti
tieuse donnant volontiers dans les égarements d'un grossier
mysticisme de foule.
Et sans doute faudrait-il faire ici quelque place à l'an
imisme des populations noire et indienne sous-jacentes. Mais,
si frappantes qu'en paraissent les manifestations souvent étu
diées, cette contagion n'eut d'action sur la masse du peuple,
de race portugaise, que parce que celle-ci lui offrait de remar
quables facilités. Le plus original et le plus ancien des mouve
ments illuministes au Brésil, le sébastianisme, est portugais
avant d'être brésilien. On sait qu'il s'agit, dans tous les pays
lusitaniens, de l'attente fervente et, par crises, dramatique
de la réapparition du jeune roi Dom Sébastien, disparu en 1578 <