L impeccabilité de l esprit, selon Plotin - article ; n°1 ; vol.143, pg 19-29
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1953 - Volume 143 - Numéro 1 - Pages 19-29
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1953
Nombre de lectures 27
Langue Français

Extrait

Jean Trouillard
L'impeccabilité de l'esprit, selon Plotin
In: Revue de l'histoire des religions, tome 143 n°1, 1953. pp. 19-29.
Citer ce document / Cite this document :
Trouillard Jean. L'impeccabilité de l'esprit, selon Plotin. In: Revue de l'histoire des religions, tome 143 n°1, 1953. pp. 19-29.
doi : 10.3406/rhr.1953.5933
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1953_num_143_1_5933L'impeccabilité de l'esprit, selon Plotin
C'est chose bien connue que, selon Plotin, l'esprit ne
pèche point, le vouç est áva^ápryjToc (I-1-913). La puissance
la plus haute de l'âme, celle qui participe à la pensée pure,
n'a aucune responsabilité dans les maux commis ou subis
par l'homme (I-1-91"2). La faute a pour origine notre comp
lexité interne. La puissance inférieure de notre âme ne peut
échapper à la partialité de la vie organique (1-8-14). Le
malheur est qu'elle séduit la partie moyenne (то [xéaov,
1-1-1 Ie), qui est déjà raison. Nous faisons le mal en tant que
nous laissons confisquer notre raison par le pire de nous-
mêmes. Nous n'usons pas alors de la libre contemplation.
Celle-ci demeure intacte, mais en sommeil (I-6-826). Notre
âme ne peut déchoir tout entière (II-9-29 ). Il y a toujours au
fond d'elle-même un principe de vie spirituelle qui la rend à
la fois intérieure à tout et singulière (V-7-1 et 2). Il y a même
en elle, au delà de toute essence et vision distincte, une
touche simple de l'Un qui est en l'esprit le germe des essences
et de la vision (VI-7-15-17, 35).
La faute est donc non pas totale dépravation, mais divi
sion et désintégration du moi. Elle est une méconnaissance
du meilleur de nous-mêmes par nous-mêmes, semblable à
celle que décrit M. Joseph Moreau à propos de la perte de
l'âme chez Spinoza : « Notre salut, en un sens, est assuré,
puisqu'il consiste dans notre éternité même ; mais, faute de
faire ici-bas, l'apprentissage de notre éternité par le progrès
de la connaissance, faute de prendre pleinement conscience
de nous-mêmes, notre propre salut nous demeure étranger ; .
revue ďe l'histoire des religions 20
il est ce qu'il y a de plus profond en nous, mais nous ne l'au
rons pas fait nôtre1. »
II est évident que si la puissance médiane est confisquée,
il y a en l'homme conflit, non entre la vie animale et la pensée,
mais entre une raison finalisée par l'animalité et une pensée
obéissant à ses propres exigences, entre des croyances subies
et une spontanéité spirituelle autonome (V-5-l63-5-218), entre
l'aliénation de l'action et l'intériorité de la contemplation.
« Dans la vie active, ce n'est pas le moi ni la raison qui don
nent le branle ; le principe de l'action vient de la puissance
irrationnelle et les prémisses de la passion »2 (IV-4-44).
Bien entendu, Plotin ne condamne pas l'action en elle-
même, puisque, pour lui, l'efficacité est d'autant plus pleine
que la contemplation est plus intense, comme l'a montré le
R. P. Arnou3. L'Alexandrin ne reproche à la vie active que son
faible rendement sortant d'une âme insuffisamment maîtresse
d'elle-même. Le mal est dans le jugement qui se laisse fasciner
par le prestige de ses apparentes créations (IV-4-44). Illuminer
le corps n'est pas une faute — puisque l'âme universelle le
fait sans dommage — mais bien se mélanger avec le corps
jusqu'à en devenir le complice, se solidariser avec lui au
point de tout voir à travers lui, s'incliner vers la matière
(1-6-5,- 1-8-14, III-6-5).
En quoi consiste donc ce voûç qui, à la différence de la
raison, demeure inaltérable ?
Assurément, ce n'est pas simple a priori. Ce n'est pas
seulement la présence illuminatrice de l'Infini qu'admet
Malebranche. C'est véritable conversion au Bien, accueil et
initiative latentes mais effectives. Chez Plotin, en effet, l'âme
pense toujours ; elle pense la vérité, et la vérité est identique
à la rectitude en un sens plus radical que celui de saint Anselme.
1) Spinoza et la philosophie de l'existence, dans Rivista filosofica, Coïmbra,
4, 1952, p. 28. .
2) Illic non agit animus quod suum est neque ratio praebet exordium, sed initium
ibi ab irrationali parte traditur, regulaeque agendi suni a passione propositae »
(Trad. Ficin).
3) ПРА012 et ©EňPIA, Paris, Alcan, 1921. l'impeccabilité de l'esprit, selon plotin 21
La droiture morale ne s'ajoute pas à la rectitude noétique :
celle-là n'est qu'une imparfaite dérivation de celle-ci ; l'âme
totale est moins que l'esprit pur.
Point ne suffît pour faire un esprit une présence métaphys
ique de l'Absolu qui ne serait pas une communication noé
tique, ou même une communication noétique qui ne serait
pas une conspiration constituante : ... r\ етерот/jç т) ànb тои
7гр(Ьтоо... opiÇsxai ôtocv rcpoç aÙTo етисттрасру) (II-4-532"34).
Dans le vouç, être et pureté s'identifient. L'esprit serait'
sans lumière, donc sans intelligence, s'il ne s'exposait à son
soleil intérieur (VI-7-6 ; V-2-1). Cette nécessité radicale écarte
de lui le mal. Pour que l'esprit puisse pécher, il faudrait qu'il
soit capable de demeurer esprit en se détournant de son
Principe. Une telle hypothèse est précisément absurde. Re
niant l'Un, ce ne serait pas « la mort spirituelle », mais la
dissolution que trouverait le coupable. Il ne perdrait pas
seulement l'intégrité, mais la consistance. Car il n'y a pas en
lui de nature primitive pour soutenir son choix et sa méchanc
eté. Structures, possibilités et normes proprement dites
naissent justement d'une active référence, d'un intime ratt
achement au Bien. Aucune vérité éternelle, aucun ordre ne
précèdent cette conversion fondamentale. On ne peut donc
parler de morale ni de libre arbitre, à ce point pur où aucun
critère n'est encore engendré ni aucun entendement pour
penser et imposer une loi à un vouloir distinct1. La démarche
constitutive de l'esprit est, pour ainsi dire, en deçà de la
dichotomie du bien et du mal, comme elle est antérieure à la
distinction du vrai et du faux. Le Bien supérieur à l'entend
ement n'est en effet, à proprement parler, ni norme ni vérité.
Il donne à ce qui procède de lui la puissance d'engendrer l'un
1) II serait intéressant de comparer à cette théorie qui fait naître les essences
dans les esprits la thèse cartésienne de la libre création par Dieu des vérités éter
nelles. M. Gilson pense que Descartes a subi sur ce point l'influence de Plotin
par l'intermédiaire du néoplatonisme bérullien et oratorien. L'indifférenciation
de l'intellect et du vouloir que Descartes pose en Dieu et Plotin dans l'esprit ne
permet pas l'antériorité d'une règle noétique. Cf. Et. Gilson, La liberté chez
Descartes et la théologie (Paris, Alcan, 1913). REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 22
et l'autre (VI-7-1518). Encore faut-il que l'altérité s'approche
de lui et pose ainsi les conditions de l'activité morale.
Tout cela serait confirmé par l'étude de la morale ploti-
nienne. On verrait que Yascèse éthique n'est qu'une propé-
deutique à la cathartique. S'opposer aux passions ce n'est pas
nous en libérer ni dépasser un conformisme raisonnable,
une vertu politique. Combattre un ennemi, c'est encore
l'estimer. C'est lui donner vie, en nous posant contre lui et
donc par lui. Il faut parvenir à comprendre la vanité des
passions en nous éveillant à un autre ordre que nous ferons
rayonner sur les puissances inférieures. Plotin distingue bien
de la tempérance qui mesure ((летроисга) les désirs celle qui
nous en débarrasse (ávoapouo-а) (I-2-718). Il faut critiquer non
seulement la conduite mais la conscience qui juge la conduite.
Et, pour ce faire, il est nécessaire de traverser la sagesse, qui
n'est pas qualité acquise mais la substance même de l'être
(I-4-917"19). En ce sens toute vertu est хабарочс1, c'est-à-dire
libération (1-2-1-4-9; 1-6-6).
La même thèse se dégage de l'exégèse donnée du principe
socrat

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