La démocratie : une invention à continuer - article ; n°1 ; vol.11, pg 6-21
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Description

Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1986 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 6-21
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Paul Thibaud
La démocratie : une invention à continuer
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°11, 1986. pp. 6-21.
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Thibaud Paul. La démocratie : une invention à continuer. In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°11, 1986. pp.
6-21.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1986_num_11_1_1094LE DEMOCRATIE
UNE INVENTION
À CONTINUER
Paul Thibaud
L'invention démocratique est le titre d'un livre de Claude Lefort avec
lequel je me sens assez en consonance. L'inachèvement démocratique, la
perpétuelle invention de la démocratie entrent dans un cycle sur les droits
de l'homme.
J'insisterai d'abord sur les droits de l'homme avant de vous présenter
cette idée dynamique, perpétuellement inachevée, créatrice de la démoc
ratie. L'idée de droits de l'homme représente une sorte de transcendance
ouverte par rapport à la pratique démocratique. Une sorte d'horizon
commun à la fois relativement défini et suffisamment indéfini pour être
toujours un objet de recherche et d'invention. C'est cet horizon commun
qui permet à la démocratie d'être plus qu'un système institutionnel, plus
qu'un procédé pour régler les affaires humaines, pour désigner les titulai
res du pouvoir et leurs rapports avec leur base, avec leurs mandants. La
démocratie est beaucoup plus que cela. C'est une recherche éthique per
manente, une interrogation sur ce que sont l'homme et les droits de
l'homme. Le droit, la question sur l'humanité et les droits de l'individu
sont au centre de la dynamique démocratique elle-même.
1. La redécouverte des droits de l'homme dans
la vie politique contemporaine
Les droits de l'homme sont devenus une référence commune et univers
elle dans le débat politique immédiatement contemporain. Nombreuses
sont les institutions qui s'en réclament : Amnesty International, la Ligue
des droits de l'homme, de multiples comités de défense, des cours consti
tutionnelles...
Conférence prononcée le 14 janvier 1983 à l'intérieur d'un cycle sur les droits de l'homme
organisé par le cercle Jean- Jacques Rousseau, à Paris. Une situation nouvelle
Une des nouveautés de la situation présente, c'est qu'il y a en France un
contrôle de la constitutionnalité des lois. Changement constitutionnel
considérable qui s'est produit par étapes et un peu par surprise. C'est une
des conséquences d'un changement des valeurs politiques.
Par exemple, les références aux droits de l'homme dans les médias : les-
boat people, Bokassa renversé par l'opinion publique internationale sur
des problèmes de droits de l'homme. Que des régimes politiques puissent
être sérieusement mis en difficulté sur une question pareille aurait paru
surprenant quelques années auparavant. Là, incontestablement, la mass-
médiatisation de la politique joue un rôle. Elle ne jouerait aucun rôle s'il
n'y avait pas une poussée beaucoup plus profonde qu'elle ne fait que
répercuter et peut-être amplifier. Je pense que c'est la nouveauté de la
situation qu'il faut mesurer. Autrefois, en politique internationale
notamment, les mots d'ordre étaient totalement différents : c'était la
décolonisation ou le développement. En politique intérieure, le
socialisme qui semblait une référence politique tout à fait suffisante sans
qu'il y ait besoin d'évoquer cette référence antique, solennelle, des droits
de l'homme. D'une façon générale, on préférait prendre ses références
politiques dans le futur plutôt que dans le passé.
Les droits de l'homme sont une vieille chose qui se réfère à notre passé
d'Européens modernes. Les dates sacrées sont 1776 : la Déclaration de
l'indépendance américaine; 1789 : la Déclaration française des droits de
l'homme. Je n'en cite que deux; il y en a évidemment bien d'autres avant
et après. L'important, c'est que, au lieu de faire de la politique au nom
d'un avenir à construire, on en fasse au nom d'un passé qui doit nous ins
pirer. Là, il y a quelque chose de tout à fait paradoxal. Il y a un renverse
ment du temps politique. Comment se fait-il que, tout à coup, on sélec
tionne dans ce passé européen des moments, ou plutôt un moment : la fin
du 18e siècle où on déclare qu'on a compris quelque chose d'essentiel et
qu'il faut fixer là notre identité ?
On croit assister à la naissance d'une religion avec cet événement qui
s'est produit, la latence, l'oubli et le souvenir qui se met à fonctionner
d'une manière normative. Ce sont les débuts du christianisme. Les Actes
des Apôtres nous racontent cela de façon analogue. Sans vouloir pousser
cette comparaison, il y a un travail de la mémoire qui est du même ordre.
Et là, on découvre que la mémoire peut être plus exigeante que le projet
d'avenir, qu'il y a peut-être plus de garantie pour la liberté à se référer à
un passé qu'à se référer à des promesses de liberté totale, comme l'était
autrefois le socialisme. Pas d'objectif
L'avantage des droits de l'homme, c'est de ne pas être opérationnels.
C'est quelque chose d'extrêmement vague, d'indéfini. Les déclarations
des droits comportent des contenus variés.
Aux Etats-Unis, parmi les premiers amendements à la Constitution
datant de 1801, il y a le droit de porter des armes. Ce que, personnelle
ment, je ne considère pas comme un droit de l'homme fondamental,
essentiel. C'est facile de ridiculiser les droits de en disant :
regardez-moi ces listes ridicules, le droit de propriété inviolable et sacré
dans la Déclaration de 1789 ! Mais justement, 1 important dans les décla
rations des droits de l'homme, ce n'est pas la liste établie, mais le fait qu'il
y en ait, tout simplement, des droits de 1 homme. Ça veut dire, tout sim
plement, qu'on ne peut pas tout faire avec les gens. Il y a un endroit où il
faut s'arrêter, qu'il s'agisse de la porte de l'appartement qu'on n'a pas le
droit de perquisitionner ou du droit de propriété... En tout, il y a quelque
chose, une barrière qui fait obstacle. On a beau promettre la lune, dire :
« Vous serez heureux si vous abandonnez telle ou telle liberté...», les
déclarations des droits disent : Non, on ne peut pas rendre tout opéra
tionnel !
Les droits de l'homme ne permettent pas de gouverner. Ils permettent
malaisément de gouverner, alors que les programmes permettent de gou
verner.
Le discours politique traditionnel est un discours finalisé qui propose
des objectifs. Les droits de l'homme ne proposent pas d'objectifs. Ce ne
sont que des phrases, des expressions balbutiantes. Un irréductible non
maniable, dont on découvre qu'il est extrêmement important qu'il soit là.
Ceci est nouveau parce que, dans la période précédente, il existait des cr
itiques très classiques des droits de 1 homme qui ont semblé longtemps
faire autorité. Il y a la critique conservatrice, notamment aux Etats-Unis,
qui fonctionne toujours et qui s'inspire essentiellement du fonctionne
ment de l'ONU et qui dit : Pourquoi faire une déclaration de droits uni
versels alors qu'il y a une hétérogénéité culturelle extrêmement pro
fonde ?
Que signifient les droits de 1 homme pour un Bantou ? Qu'est-ce que ça
signifie pour un musulman, pour Khomeiny, etc. C'est un faux universa-
lisme. En réalité, il n'y a pas d'universalité de 1 humanité. Les droits de
l'homme sont donc un leurre; il y a des zones culturelles hétérogènes, et
les droits de l'homme sont réservés aux Européens et à leurs cousins
d'au-delà des mers.
Ce sont les thèses défendues par Patrick Magnane, ancien représentant
des Etats-Unis à l'ONU sous Ford, qui maintenant milite dans la droite
néo-conservatrice américaine. Ceci parce que, à l'ONU, les principes de
droits invoqués gênent la politique américaine, tend un rapport avec cette
critique conservatrice relativiste des droits de l'homme qui peut s'inspirer de l'ethnologie ou du pluralisme culturel. Peut-être plus important : le <

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