La laïcité à la française et la minorité protestante - article ; n°1 ; vol.10, pg 5-14
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Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1986 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 5-14
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 11
Langue Français

Extrait

Jean Baubérot
La laïcité à la française et la minorité protestante
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°10, 1986. pp. 5-14.
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Baubérot Jean. La laïcité à la française et la minorité protestante. In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°10,
1986. pp. 5-14.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1986_num_10_1_1079LA LAÏCITE
À LA FRANÇAISE
ET LA MINORITÉ
PROTESTANTE
Jean Baubérot
La démarche socio-historique de cet article traverse deux siècles et cher
che à montrer les grandes lignes des rapports entre la société civile et
l'Etat d'une part, la minorité religieuse que constitue le protestantisme de
l'autre1.
La méthode adoptée s'apparente à celle des types-idéaux wébériens. Le
type-idéal est un instrument de mesure destiné à pouvoir évaluer et comp
arer certains éléments de la réalité empirique. Le type-idéal construit est
ici la notion de double-seuil de laïcisation.
Le premier seuil de laïcisation
Le Concordat de 1801, complété par les Articles Organiques de 18022,
instaure une situation socio-religieuse nouvelle en France. La période
1802-1905 va plus ou moins correspondre à un premier seuil de laïcisa
tion, s'en rapprochant ou s'en éloignant suivant les moments et les
domaines.
Trois caractéristiques marquent ce premier seuil à partir de l'idée que
l'Etat n'a pas à assurer le salut des Français, mais doit s'occuper de leurs
intérêts communs, terrestres. L'Etat s'estime donc incompétent au niveau
du dogme proprement dit.
1. Ni l'Etat, ni la société civile ne peuvent être cependant indifférents en
matière de religion. Il existe des besoins religieux dont la prise en charge
est assurée par des « cultes reconnus ». Et la religion, fondement de la
morale, est utile à la société.
Communication présentée lors d'un Congrès à Rome portant sur les relations Eglises-Etat
dans plusieurs pays (février 1986). Cependant, la société religieuse n'est plus coextensive à la société 2.
civile; elle n'est plus qu'une des institutions qui la structurent. Les
« besoins éducatifs » et les « besoins de santé » prennent une (progres
sive) autonomie par rapport aux « besoins religieux » et sont assurés par
des institutions spécifiques. Il existe une fragmentation institutionnelle
avec des interférences entre les différentes institutions.
3. L'Etat n'impose pas une religion aux dépens d'une autre. Plusieurs
religions peuvent coexister dans la société et contribuer à cimenter le tissu
social. L'Etat garantit la liberté des différents cultes. Il est même possible
de se passer des « secours de la religion ».
Cette logique constitue, pour le protestantisme français, un immense
progrès sur celle qui avait prévalu sous l'Ancien Régime, jusqu'à la Révo
lution de 1789 où l'Etat, compétent en matière de dogme, imposait à ses
sujets une seule religion : le catholicisme, coextensif à la société civile
(avec une dérogation pour les membres de la « religion prétendue réfo
rmée » lorsque PEdit de Nantes fut appliqué).
Persécuté jusqu'aux années 1760, plus ou moins toléré ensuite, le pro
testantisme prend place, au XIXe siècle, parmi les « cultes reconnus ».
Ceux-ci sont au nombre de quatre : le culte catholique, deux cultes pro
testants (réformé et luthérien) et le culte israélite. Le clergé de ces quatre
cultes est payé par l'Etat, et leurs représentants ont une place officielle
dans les cérémonies publiques. L'Etat réglemente assez étroitement le
fonctionnement des cultes reconnus et le modèle, en fait, sur celui qu'il
veut instaurer pour la religion « de la majorité des Français » (1830) : le
culte catholique. Ainsi les pasteurs sont « confirmés » par le gouverne
ment et doivent prêter, comme les évêques, serment de fidélité. Les syno
des sont soumis à l'autorisation du gouvernement et, pour la période con
sidérée, un seul pourra se tenir dans l'Eglise Réformée de France, en
1872. Comme l'écrit l'historien Daniel Robert : « La raison principale de
l'exclusion des synodes était surtout la crainte de voir les catholiques
demander des « assemblées du clergé », comme avant 1789 : en d'autres
termes une incompréhension complète du principe de l'organisation des
Eglises réformées »3.
Groupant officiellement plus de 95% de la population, le culte catholi
que voit un pourcentage à peu près semblable du budget des cultes lui être
attribué. Le budget des cultes non catholiques n'est donc pas considérab
le. Cependant, pour la plupart des protestants, le soutien financier de
l'Etat qui, outre le traitement des pasteurs, comporte une aide pour la
reconstruction des temples et la réparation des édifices existants, apparaît
vital. Ils ont tendance à considérer, d'ailleurs, qu'il s'agit d'une répara
tion d'un préjudice commis par la Révocation de l'Edit de Nantes (départ
des pasteurs et démolition des temples).
Mais, peu à peu, le « cadre concordataire » va se trouver dépassé. Ce cadre a tendance, en effet, à concevoir le pluralisme religieux sur le mode
du statu quo : les protestants de naissance doivent pouvoir satisfaire leurs
besoins religieux dans un des deux cultes reconnus par l'Etat, au moyen
des services religieux assurés dans les temples. Mais la persécution a eu
des conséquences, et le temple n'est pas le seul lieu où s'opère la néces
saire reconquête des protestants par le protestantisme. Si les protestants
vont dans des écoles ou des hospices catholiques, ils y subissent des attein
tes à leur liberté religieuse. Le cadre concordataire, dans une perspective
de fragmentation institutionnelle (et donc de laïcisation de l'école, de la
santé, etc.), n'a rien prévu dans ce domaine. Mais ce n'est que très pro
gressivement que l'institution scolaire et l'institution médicale vont pren
dre une réelle autonomie par rapport au catholicisme qui, sous l'Ancien
Régime, les englobait. D'où la nécessité d'œuvres protestantes éducati
ves, sanitaires et sociales. Oeuvres qui se situeront hors du cadre concor
dataire et dont les fondateurs et les personnes y travaillant ne recevront,
bien sûr, aucun traitement de l'Etat, mais devront compter sur des dons.
Ce n'est que dans la mesure où une certaine laïcisation sera effective que
la situation évoluera (la loi Guizot de 1833 sur l'enseignement primaire est
très importante à cet égard, mais, pour les protestants, la loi Falloux de
1850 marquera un retour en arrière).
Face au pasteur concordataire, plus ou moins notable dont le trait
ement est assuré par le gouvernement, le fondateur ou l'animateur
d'œuvres est donc un personnage marginal, possédant souvent des traits
charismatiques, dont les ressources financières sont instables. Mais la
création de multiples œuvres par le protestantisme français du XIXe siècle
(ainsi que la fondation de sociétés d'évangélisation) marque sa volonté de
s'inscrire de façon dynamique dans la perspective du premier seuil de la
ïcisation. L'importance donnée à la mise en œuvre de méthodes éducatives
nouvelles et la valorisation de l'instruction en tant que telle — en polémi
que vis-à-vis du souci catholique de la « bonne doctrine » — , l'insistance
sur l'hygiène et le savoir sanitaire profane — en polémique vis-à-vis du
culte des saints guérisseurs — constituent des moyens de lier l'utilité
sociale du protestantisme à la modernité et aux valeurs de 1789, et de les
différencier d'un catholicisme considéré comme obscurantiste et facteur
de conservatisme social.
De fait, schématiquement, au XIXe siècle, plus le « parti de l'Ordre »
est au pouvoir en France, plus le catholicisme apparaît comme un allié de
l'Etat. Les « idées de progrès » vont de plus en plus être considérées
comme inséparables de la République. Une République qui arrive au pou
voir à la fin des

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