Le syncrétisme religieux d un village mɔg du Territoire de Chittagong - article ; n°2 ; vol.141, pg 202-237
37 pages
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1952 - Volume 141 - Numéro 2 - Pages 202-237
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1952
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Claude Lévi-Strauss
Le syncrétisme religieux d'un village mg du Territoire de
Chittagong
In: Revue de l'histoire des religions, tome 141 n°2, 1952. pp. 202-237.
Citer ce document / Cite this document :
Lévi-Strauss Claude. Le syncrétisme religieux d'un village mg du Territoire de Chittagong. In: Revue de l'histoire des religions,
tome 141 n°2, 1952. pp. 202-237.
doi : 10.3406/rhr.1952.5869
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1952_num_141_2_5869Le syncrétisme religieux
d'un village msg
du Territoire de Chittagong1
Au début du mois de septembre 1950, nous avons pu
participer pendant quelques jours à la vie et aux travaux
d'un village mog du Territoire de Chittagong (Chittagong Hill
Tracts), dans le Pakistan oriental, non loin de la frontière
birmane. Bien que des observations aussi rapides offrent
inévitablement un caractère fragmentaire, nous croyons utile
de les publier en raison du manque presque total de documents
relatifs à cette importante population indigène. Les Mog
s'élèvent au chiffre de 70.000 environ ; ils habitent la partie
méridionale du Territoire de Chittagong, principalement la
région comprise entre Cox's Bazar au bord de la mer et Ban-
darban dans l'intérieur. Venus il y a quelques siècles d'Arakan,
province de la Birmanie du Sud, ils ont conservé les croyances
et le genre de vie archaïque de leur contrée d'origine. En
dehors d'excellentes informations remontant à la période 1850-
1870, dont on est redevable à un officier de l'armée des Indes,
T. H. Lewin, et que nous aurons souvent l'occasion de citer,
1) Nous tenons à exprimer notre reconnaissance à tous ceux qui ont permis
ou facilité les recherches dont cet article présente les premiers résultats. D'abord
le Département des Sciences sociales de l'Unesco qui a fourni l'occasion de notre
voyage au Pakistan. Ensuite MM. Aziz Ahmed, secrétaire général du Gouverne
ment du Bengale oriental, Asgar Ali, District Magistrate de Chittagong, le colo
nel L. H. Niblett, District Commissioner des Chittagong Hill Tracts, et surtout
M. Rai Bahadur Kumar Birupaksha Roy, frère cadet du regretté chef des Çakma
qui, pendant toute la durée de notre enquête dans les Hill Tracts, a bien voulu être
pour nous un compagnon attentif et un interprète incomparable. LE SYNCRÉTISME RELIGIEUX D'UN VILLAGE MOG 203
les Mog n'ont fait l'objet d'aucune enquête ethnologique,
systématique1. On peut en dire malheureusement autant des
autres populations de race mongolique qui partagent le
même habitat avec une distribution plus septentrionale :
Kuki de Chittagong, négligés au profit de leurs frères d'Assam,
Sakma au nombre de 125.000, Tippra venus du nord (compre
nant 40.000 personnes réparties en deux groupes, Riâyjg et
Ufuï), et plusieurs groupes de moindre importance dont
l'identification est douteuse : Mro, Khiàvjg, Khumi, Sak. Au
total, la circonscription administrative connue sous le nom
de Chittagong Hill Tracts s'étend sur plus de 5.000 milles
carrés, et sa population, non-musulmane dans la proportion
de 97 % et officiellement bouddhiste dans .celle de 70 %,
atteint environ 300.000 personnes. Il faut espérer que le recen
sement national pakistani, entrepris au début de l'année 1951,
permettra de préciser et de rectifier ces estimations.
Dans tout le territoire de Chittagong, le bengali est utilisé
comme langue de culture ; et les Sakma, qui constituent près
de la moitié de la population, ont perdu jusqu'au souvenir
d'une langue propre, parlant un dialecte bengali qui comporte
un certain nombre de termes d'origine inconnue. Ils ont même
élaboré un alphabet particulier2. Le deuxième groupe en
importance, les Mog, parlent un dialecte birman du sud,
l'arakan, dont l'alphabet — différent de l'alphabet birman —
est toujours employé par leurs lettrés. Les Kuki parlent la
langue de leur groupe. On ne sait pas grand-chose des autres,
hors les vocabulaires de base recueillis pendant le siècle
dernier3.
Notre séjour dans les monts de Chittagong, rendu difficile
par la mousson qui était à son maximum en septembre 1950,
s'est partagé entre un village kuki et un village mog. Nous
1) On peut citer toutefois un ouvrage historique en bengali auquel nous
n'avons pu accéder : S. R. Chandra Baduya, Chattagramer Mager Itihas : History
of the Mags of Chittagong, Calcutta, 1906.
2) D. Diringer, The Alphabet, p: 408, fig. 186.
3) Dont on retrouvera la plupart dans : Sir George A. Grierson, Linguistic
Survey of India. 204 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
envisagerons le premier dans un autre travail1 pour nous
limiter ici aux observations recueillies dans le second.
Ce village était situé en bordure septentrionale de la
région principalement occupée par les Mog ; il était peu
représentatif de la culture indigène, en raison des influences
diverses auxquelles il était exposé tant de la part des Sakma
que de celle des gens des plaines. Ses caractères originaux n'en
sont que plus frappants et laissent bien augurer d'une enquête
qui pénétrerait au cœur du territoire.
Le village se trouvait à une heure de marche environ d'un
lieudit (en dialecte çakma) : dhuliiasuri : « ruisseau sablon
neux », sur la rive gauche de la rivière Karnafully et à deux
heures environ, par barque à moteur, en aval du centre admin
istratif de Rangamati. L'emplacement du village s'appelait,
en fakma : azdsuri, « ruisseau de la saline » (le terme aza,
« sel, saline », n'est pas bengali) ; les Mog le désignaient eux-
mêmes du nom du chef de village : Hladuârig. Le village
comptait 32 maisons distribuées de part et d'autre d'un
ruisseau, sur les pentes d'une petite vallée encaissée. L'habi
tat mog contraste ainsi avec celui de leurs voisins kuki dont
les villages sont toujours situés au sommet des monts escarpés
qui donnent sa physionomie caractéristique au territoire de
Chittagong.
La population du village se décomposait comme suit :
Adultes :
Hommes 63, dont 19 adolescents non-mariés
Femmes 62, — 14 adolescentes non-mariées
Enfants :
(de moins de 11 ans)
Garçons 32
Filles __26
Total 183
1) Kinship Systems of the Chittagong Hill Tracts, Southwestern Journal of
Anthropology, I, 1952. LE SYNCRÉTISME RELIGIEUX D^UN VILLAGE MO G 205
auquel il faut ajouter les deux moines du temple bouddhiste
et les deux nonnes installées dans une maison écartée.
Le léger excédent de la population masculine d'âge conju
gal sur la population féminine correspondante n'était peut-
être pas fortuit ; le même déséquilibre était apparent dans
d'autres villages de la région, notamment chez les Kuki.
Au moment de notre visite, le village était à moitié désert.
C'était, en effet, le temps du porôy\ : séjour dans la cabane
(boô) du jum (culture à flanc de colline laissée en jachère
quatre années sur cinq) pour la récolte et le battage du paddy
(sain). Certaines familles procédaient pourtant à ces opéra
tions dans le village. Le paddy était alors piétiné (saba-naré)
sur la plate-forme surélevée de chaque demeure (voir plus loin)
puis décortiqué (môt\-navè) à l'aide d'un appareil à main
composé d'un bras de levier muni à son. extrémité d'un pilon
vertical (môf] §щ) agissant dans un ^mortier (moi) khu mul)
enterré à ras du sol ; enfin vanné (sain tiré) à la main dans une
corbeille (sây\gu).
Toutes les maisons (hen) étaient conçues sur le même
type. Il suffira donc d'en décrire une, celle du chef de village
où nous résidions. Construite sur pilotis, elle comprenait les
parties suivantes :
1) La terrasse (prày\) planchéiée de deux couches per
pendiculaires de larges perches de bambou refendu, grossièr
ement assemblées avec des ligatures de même nature. Cette
plate-forme à claire-voie permet l'écoulement des eaux sales
provenant de la cuisine ou des ablutions ; elle pourrit rap
idement mais peut être remplacée en quelques heures ou
réparée au fur et à mesure des besoins. La terrasse commande
l'accès à toutes les autres pièces ; on l'atteint par une échelle
(kriga) faite d'un tronc sur un côté duquel ont été taillées
au dao des échancrures en f

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