Le Taureau aux trois grues et le bestiaire du héros celtique - article ; n°2 ; vol.169, pg 155-192
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1966 - Volume 169 - Numéro 2 - Pages 155-192
38 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Georges Charrière
Le Taureau aux trois grues et le bestiaire du héros celtique
In: Revue de l'histoire des religions, tome 169 n°2, 1966. pp. 155-192.
Citer ce document / Cite this document :
Charrière Georges. Le Taureau aux trois grues et le bestiaire du héros celtique. In: Revue de l'histoire des religions, tome 169
n°2, 1966. pp. 155-192.
doi : 10.3406/rhr.1966.8337
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1966_num_169_2_8337Taureau aux trois (jrues Le
et le bestiaire du héros celtique
En hommage à Paul Lebel f.
Le Taruos Trigaranus, c'est-à-dire le Taureau gaulois aux
trois grues, que représente de manière nominale l'autel gallo-
romain de Paris (fig. II), et anonyme une stèle de Trêves,
anime pour tous les spécialistes de la religion celtique, un des
rares mythes qui en soient parvenus jusqu'à nous. Et dans
les deux exemples1 un dieu anthropomorphe, Ésus, que
seul mentionne le monument parisien (fig. I), semble abattre
un arbre*, dans une forêt où se cachent les animaux, à
Lutèce, avec une serpe, à Trêves grâce à un outil rectiligne
de nature inconnue. Dans la capitale des Parisii, le feuillage
découvre le bovidé portant trois échassiers, trois grues, tandis
qu'à Trêves, en une seule représentation, le même thème ne
permet guère d'apercevoir, et pour mémoire, que la tête du
taureau et trois gros oiseaux perdus parmi les branches. Quant
à Ésus, aussi barbu dans sa représentation parisienne qu'im
berbe dans la germanique, il semble dans les deux cas être
rattaché aux grands dieux du panthéon romain qui l'entou
rent, à droite ou à gauche, en haut ou en bas. Parmi les masc
ulins de Lutèce, citons Jupiter, Mercure, Vulcain, Castor et
Pollux. Dans l'autre version, le bas-relief fait partie d'un
monument dédicatoire moins illustré, en l'honneur du seul
* Sa stylisation, à notre avis, ne permet guère de définir son essence.
1) Heichelheim, art. Taruos Trigaranus, dans RE2, IV (1932) ; E. Espé-
randieu, R. Lantier, Van Œst, Recueil général des bas-reliefs, statues el busies
de la Gaule (et de la Germanie) romaine.
11 156 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
Mercure, le plus important des dieux gaulois si l'on en croit
César.
D'une part directement ou non, l'Hermès latin apparaît
donc comme le divin dénominateur commun des deux monum
ents, puisqu'il figure dans chacun des deux groupes sculptés
selon une corrélation et un syncrétisme semblables qui restent
à préciser, plutôt que suivant une simple et fortuite enumerat
ion entraînant une incompatibilité foncière comme l'envisa
geait Salomon Reinach.
D'autre part, le taureau bénéficie d'un culte, d'un folklore,
d'une littérature, d'une patronymic et d'une toponymie ce
ltiques bien assurées grâce aux travaux, anciens ou récents de
Reinach1, d'Arbois de Jubainville2, Vendryes3, Lebel et
Colombet4. L'iconographie taurine de la Gaule indépendante
puis conquise, le nom de personne du chef helvien Donno-
taruos5 qui se retrouve dans celui du taureau Donn de la
littérature irlandaise, voilà entre autres, une filiation certaine*.
Selon d'Arbois de Jubainville, on peut aussi l'illustrer du fait
que le héros irlandais Guchulainn, en quête des vingt-quatre
vaches de Cooley en poursuit leur conducteur, le divin taureau
Donn, après avoir auparavant prouvé sa vigueur en abattant
un chêne énorme, donc en illustrant à la lettre les deux bas-
reliefs qui nous montrent Ésus coupant l'arbre du Taruos
Trigaranus. Car si la force de Cuchulainn est légendaire, celle
d'Ésus dans le monde gallo-romain ne l'était sans doute pas
moins, comme en témoigne le patronyme gaulois d'Esunertos
« Qui a la force d'Ésus »6. Le fait qu'on s'étende ainsi dans le
* L'archéologie prouve en outre que dans le sanctuaire celtique tie Libenice
(Bohême centrale) un nombre important de taureaux a ť-té sarrifié.
1) S. Reinach, (Nulles, mythes et religions.
2} D'Arbois de Jubainville, L'enlèvement des vaches de Cooley, Hev.
celtique, 28, l'J07 et suiv., ainsi que dans Les druides el des dieux celtiques à forme
d'animaux, Paris, 1906, ou dans Rev. archéologique, 1900.
3) J. Vendryes, La religion des Celles, coll. « Maria », Paris, 1948, Presses
Universitaires de France, édit., p. 248 à 289.
4) P. Lebel et A. Colombet, Les taureaux à trois cornes, R.A.E.,p. lus à 1.35,
t. IV, avril-juin 195.3.
5) J. César, B.G., VII, 6Г>, 2. Commentaire, de Vendryes dans op. cil,, p. 281.
6) J. Vendryes, op. cil., p. 26.3. TAUREAU AUX TROIS GRUES 157 LE
récit, comme dans les sculptures susdites, sur les exploits des
deux héros affirme déjà la proche parenté de leur geste.
La thèse a pourtant été critiquée, car dans le mythe irlan
dais la gent corvidée (et non des grues) intervient et avertit le
bovidé des entreprises de Cuchulainn. Enfin l'épithète de
Trigaranus, qui appartient à la langue gauloise, paraît insister
sur une triade, un peu moins systématique dans la légende
d'outre-Manche.
Ainsi s'explique le but de la présente étude : chercher à
élucider dans le mythe et l'iconographie les rôles essentiels ou
accessoires des trois grues et de la corneille, préciser le rapport
éventuel entre Ésus et Mercure pour aiï'ermir ou rejeter une
hypothèse séduisante, insuffisamment étayée selon certains.
Abordons donc, en premier lieu, la correspondance qui a
pu s'établir entre Ésus et un dieu romain de rencontre, pas
toujours le même d'ailleurs, puisque les principes du syncré
tisme religieux ne retiennent parfois, comme trait commun,
que l'un ou l'autre des attributs mineurs, mais identiques, de
divinités appartenant à des panthéons différents. Les scholies
médiévales1 traduisent ces errements : elles ont tour à tour
associé le divin bûcheron à Mars ou à Mercure.
Certes, les représentations gallo-romaines de Mars, d'une
facture académique et monotone, ne nous fournissent guère
d'éclaircissements. Par contre, celles de Mercure illustrent de
leur originalité la faveur d'un dieu en quelque sorte national.
Son aspect typiquement autochtone, en Gaule, est alors celui
d'un homme en pleine force, vêtu d'une tunique, tantôt
barbu (fig. Ill), tantôt imberbe2. A Bordeaux, un bronze
nous le montre avec quatre faces différentes opposées deux
à deux, deux fois avec, deux fois sans sa barbe (fig. IV). Cet
accessoire viril, par sa présence ou son absence, rellète la
même incertitude qui caractérise le menton de l'Hermès grec3,
1, P. -M. Duval, Les dieux de la ('mule, Presses Universitaires de. France,
edit., 1957.
2) Ibid., p. f)7 à 70.
.T) Daremuekg et Saglio, Dictionnaire, des aniiquilés yrecques et romaines,
art. Hermès. ;
Ešus élaguant ou abattant un arbre 'Monument «les Nautes parisiens). — II. Le Taureau I.
aux trois grues 'Monument des Nautes parisiens ■. — III. Mercure gaulois de Lezoux. — IV. Mercure
aux quatre faces. — V. Hermès grec archaïque, barbu et criophore, opposé à un Hermès
combattant. — VI. Le dieu Smertrios tuant un anguipêde (Monument des Nautes parisiens).
— VII. Couple belliqueux avec le serpent criophore (Pilier de Mavilly). — VIII. Menhir de Kernuz :
Mercure, un enfant et Hercule levant sa massue. — IX. Les taureaux altiers et tricornus de la
Gaule. — X. Bouclier gaulois avec deux grues ou aigrettes en épisème. LE TAUREAU AUX TROIS GRUES 159
auquel les figurations archaïques donnent la barbe (fig. V)
comme trait dominant, tandis que les classiques la lui
ôtent (fig. V). Mais remarquons combien le portrait vest
imentaire et physionomique du Mercure gallo-romain, par ses
détails systématiques ou incertains correspond déjà à celui
du bûcheron figuré sur l'autel parisien et la stèle trévire.
En comparant Esus à Guchulainn, la ressemblance n'est
pas moins frappante. Dans le Rapt des vaches de Cooley, le
jeune héros n'ayant pas de barbe est la risée des femmes et du
camp ennemi. Aussi a-t-il recours à un subterfuge : il se
pourvoit d'une barbe postiche1. Cette dualité dans le visage
de Cuchulainn suggère aussitôt le rapprochement avec
l'Hermès quadricéphale possesseur de mentons si divers pour
une seule représentation. Et c

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