Le trio des Macha - article ; n°1 ; vol.146, pg 5-17
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1954 - Volume 146 - Numéro 1 - Pages 5-17
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Georges Dumézil
Le trio des Macha
In: Revue de l'histoire des religions, tome 146 n°1, 1954. pp. 5-17.
Citer ce document / Cite this document :
Dumézil Georges. Le trio des Macha. In: Revue de l'histoire des religions, tome 146 n°1, 1954. pp. 5-17.
doi : 10.3406/rhr.1954.6992
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1954_num_146_1_6992trio des Macha1 Le
Dans une étude toute récente2, il a été possible de mettre
en lumière à la fois un procédé formulaire et un type de divi
nités ou de héros communs aux Indo-Iraniens et aux Ita-
liotes : Agni kavir grhápatir yuvâ dans l'Inde ; Arddvï Sûrâ
Anâhiiâ, Yima asavâ suro pouru.vqbwô et les Fravaši vaňuhlš
sûrâ spdnía dans l'Iran ; dans le Latium enfin la Junon
Seispes Mater Regina de Lanuvium, relèvent, pour la forme
et pour le fond, d'une même conception, d'une même tradi
tion : dans tous ces cas — auxquels on peut joindre celui de
la triple Athéna des petites Panathénées, 'Tyřeta,- IloXiaç,
Nix-/)3 — il s'agit d'une figure divine ou épique conçue comme
agissant aux trois niveaux fonctionnels, aux trois étages de
cette structure cosmique et sociale (souveraineté magico-
religieuse ; force physique et guerrière ; fécondité et richesse)
qui formait un des cadres principaux de l'idéologie des Indo-
Européens4. Quand ces vieux théologiens et historiens vou
laient dire d'un dieu ou d'un homme qu'il était « omnivalent »,
ils disaient qu'il était « trivalent », et ils exprimaient volontiers
cette trivalence, dans la titulature liturgique, par trois épi-
thètes jointes, chacune relevant d'une des fonctions.
Cette trivalence signifiant omnivalence est particulière-
1) Conférence faite au Collège de France, le 11 février 1954.
2) « Juno S. M. R. », parue dans la revue suédoise Eranos, lu (1954), p. 105-119,
et qui donne la matière de deux conférences faites au Collège de France, les 21
et 28 janvier 1954. On trouvera là, justifiée dans le détail, l'interprétation fonc
tionnelle de chacune des épithètes des formules triples rappelées dans le texte.
3) F. Vian, La guerre des Géants, le mythe avant V époque hellénistique (1952),
pp. 257-258 ; cf. mon article : Les trois fonctions dans quelques traditions grecques,
Éventail de Vhistoire vivante (= Mélanges Lucien Febvre), 1953, II, p. 26.
4) V. en dernier lieu le premier chapitre des Dieux des Indo-Européens (1952). REVUE DE L HISTOIRE DES RELIGIONS 6
ment le fait des déesses1 : presque dès le début des recherches2
sur la structure des trois fonctions, il a été noté que, en
regard de la liste canonique des dieux ou héros mâles dont
chacun représente l'un, et un seul, des niveaux fonctionnels,
éventuellement même une des modalités d'un des niveaux, on
rencontre souvent une déesse qui, bien que rattachée parfois par
son origine ou son nom à l'un de ces niveaux, le déborde pour
tant et s'établit, activement, dans tous les trois. M. S. Wikan-
der a découvert dans le Mahábháraia une remarquable appli
cation de cette différence entre les natures « féminine » et
« masculine » et a su expliquer ainsi pour la première fois
d'une manière satisfaisante le fait que l'unique Draupadî est
collectivement la femme des cinq Pândava : du roi pieux
Yudhisthira, fils de Dharma (la loi morale personnifiée) ; du
brutal cogneur Bhïma et du chevalier Arjuna, respectivement
fils de Vâyu et d'Indra (les dieux incarnant les deux types
de guerriers indo-iraniens) ; des charmants et humbles Nakula
et Sahadeva, fils jumeaux des jumeaux Asvin (dieux cano
niques indo-iraniens de la troisième fonction)3. Des réflexions
faciles permettent de comprendre cette tendance des figures
féminines à « l'omnivalence ». L'important est que, dans le
monde indo-européen, la notion d'omnivalence ne reste pas
globale et confuse, mais s'exprime elle-même, dans les titres
d'honneur ou dans les aventures, par une analyse explicite
selon les trois fonctions.
Une célèbre tradition de l'Irlande du Nord, de l'Ulster,
montre que cette conception et ce mode d'expression sont
restés longtemps vivants, usuels chez les Celtes. Je pense
1) Dans Juno S. M. R. (v. ci-dessus, p. 5, n. 2), on verra justifié le cas du dieu
Agni (dont il est important d'exprimer qu'il est chez lui et peut agir aux trois
niveaux) et celui du héros iranien Yima (le fondateur même des classes fonc
tionnelles, etc.).
2) La remarque a été publiée pour la première fois, à propos de Sarasvatï,
Anâhità, Àrmaiti et Vesta, dans Tarpeia (1947), pp. 56-64, 105-108; cf. Jupiter
Mars Quirinus IV (1948), pp. 29-30, 71-76, 93-98.
3) « Pândava-sagan och Mahàbhâratas mytiska fôrutsàttningar », Religion
och Bibel, VI (1947), pp. 27-28, 38-39, traduit dans Jupiter Mars Quirinus IV,
pp. 37-38, 50-53. LE TRIO DES MACHA
à ce que notre chère Marie-Louise Sjoestedt, qui est passée
tout près de l'explication1, a appelé, dans son dernier livre,
Dieux et Héros des Celtes, le « trio des Macha »2.
Les docteurs irlandais savaient expliquer les noms et les
usages rattachés à l'ensemble que forment, dans le sujl de
rUlster, sur quelques kilomètres carrés, la « Plaine de Macha »
(Macha Magh), VEmain Macha, capitale des rois païens,
et YArd Macha, Armagh, métropole de l'Irlande de saint
Patrice3, et où se tenait annuellement, pour tout ce « Cin
quième » de l'île, « l'Assemblée de Macha ». Les Dindshenchas,
ou « Histoires des Lieux », récitent à propos de ces noms4 une
1) V. ci-dessous, p. 17, n. 1.
2) P. 41 de Dieux et héros des Celtes, rédigé en 1939, paru en octobre 1940,
pendant que notre amie luttait contre les fantômes nés en elle du malheur public,
et trop tard pour lui rendre le goût de son œuvre, de la vie.
3) H. d'Arbois de Jubainville, Plan du Navan Fort, appelé en vieil-
irlandais Emain Macha, Revue celtique, XVI (1895), pp. 1-7. R. A. S. Macalister,
The Archaelology or Ireland, 2e éd. (1949), p. 308, n. 2, dit que les plans publiés
antérieurement « are superseded by the fine air photograph published in Anti
quity 4 (1930), p. 456 ». Dans G. Fletcher, Ulster (1921), pp. 113-115, on lit :
« The principal earthwork of the province, and one of the most important in
Ireland is the great fort which lies about 11/2 miles to the west of the city of
Armagh. It is generally known as the « Navan Fort », but its Irish name is Eamhain
Mhacha. It was the royal residence of the king of Ulster and its foundation dates
from about 300 В. С... The palace, as such, was destroyed, tradition says, about
A. D. 332, after having been the chief royal residence of Ulster for over six hun
dred years. The remains consist of a great earthwork which forms an irregular
circle about 850 ft. across. On the side nearest to Armagh the earthwork has
been almost entirely « improved » away, but, on the western side, the wall and
fosse are fairly complete. At the highest portion of the enclosure there is a large
mound which has the appearance of a tumulus, and may be the place where
Queen Macha was buried. Some distance from this is a ringfort which possibly
represents the palace side. The whole enclosure contains about 11 acres. »
4) S. v. « Ard Macha ». Dindshenchas en prose : manuscrit d'Edimbourg
(fin du xve siècle), publié et traduit par Whitley Stokes dans Folk-Lore, IV
(1893), § 61, pp. 480-481, avec indication, p. 481, des passages correspondants
des autres manuscrits (Book of Ballymote, 400 b ; H 3. 3 de Trinity College,
61 b ; В. of Lecan, 510 b ; et Rennes, 117 b) ; manuscrit de Rennes (milieu du
xive siècle), publié et traduit par le même dans Revue celtique, XVI (1895), § 94,
pp. 44-46. — Dindsh. en vers : The metrical Dindshenchas, publié et traduit par
Edward Gwynn, IV (= Roy. Irish Academy, Todd Lecture Series, XI, 1924),
pp. 124-126. — Le traité de la Convenance des noms (de personnes), Côir Anmann
(Wh. Stokes [et E. Windjsch], Irische Texte, III, % 1897) ne contient pas de
légende sur les Macha, ni d'étymologie. 8 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
triple justification1 : il y eut, très distantes dans le temps,
trois Macha, dont ils racontent les trois légendes. Or ces
légendes présentent, dans l'ordre hiérarchique descendant,
une Voyante, une Guerrière, une Paysan

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