Les trois « Trésors des ancêtres » dans l épopée Narte - article ; n°2 ; vol.157, pg 141-154
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Revue de l'histoire des religions - Année 1960 - Volume 157 - Numéro 2 - Pages 141-154
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Georges Dumézil
Les trois « Trésors des ancêtres » dans l'épopée Narte
In: Revue de l'histoire des religions, tome 157 n°2, 1960. pp. 141-154.
Citer ce document / Cite this document :
Dumézil Georges. Les trois « Trésors des ancêtres » dans l'épopée Narte. In: Revue de l'histoire des religions, tome 157 n°2,
1960. pp. 141-154.
doi : 10.3406/rhr.1960.9025
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1960_num_157_2_9025trois с Trésors des ancêtres » Les
dans l'épopée Narte1
En 19302, améliorant une proposition d'Arthur Chris-
tensen3, j'ai montré que la légende sur l'origine des Scythes
contée par Hérodote, IV, 5-6, repose sur le scheme social
trifonctionnel que, dès ce moment, je considérais comme indo
iranien commun et dont les recherches ultérieures ont établi
qu'il était déjà indo-européen. Améliorée encore par une
importante remarque d'E. Benveniste4, puis par le rappro
chement d'un texte de Quinte-Curce5, cette explication paraît
généralement admise. Par la suite, des parallèles celtiques,
grecs et iraniens plus ou moins proches6 ont été signalés et,
dans un très bel article de cette revue7, L. Gerschel a présenté
deux groupes de légendes germaniques qui gardent dans
toute sa fraîcheur la notion des « trois talismans fonctionnels
groupés », qui est essentielle dans Hérodote. Je dois citer une
fois encore ce vénérable texte :
Le premier homme qui parut dans leur pays jusqu'alors désert
se nommait Targitaos, qu'on disait fils de Zeus et d'une nymphe fille du
1) Plan détaillé de deux cours faits au Collège de France, le 27 février et le
10 mars 1960.
2) La préhistoire indo-iranienne des castes, JA, CCXVI, p. 114-124.
3) Le premier homme et le premier roi dans l'histoire légendaire des Iraniens,
I, 1918, p. 137-138.
4) Traditions indo-iraniennes sur les classes sociales, JA, CGXXX, 1938, p. 533.
5) Jupiter-Mars-Quirinus, 1941, p. 54-55. Le dernier état de la question est
exposé dans L'idéologie tripartie des Indo-Européens (coll. « Latomus », XXXI), 1958,
p. 9-10 (§ 3), où je me rallie, après l'avoir contestée dans JMQ, à l'interprétation
que Benveniste a donnée de yèvoç. Au Congrès des Orientalistes de Moscou
(août 1960), E. A. Grantovski a repris la question dans une communication
intitulée « Les castes indo-iraniennes chez les Scythes ».
6) Soit du point de vue des objets symboliques, soit du point de vue des frères
(du troisième) : bibliographie dans L'idéologie..., p. 25 (§ 19) et notes p. 97-98,
p. 27-29 (§ 22-23) et notes p. 98. Sur une tentative manquée de J. Brough pour
mêler la Bible à cette affaire, v. Kratylos, IV, 1959, p. 105-108.
7) Sur un scheme trifonctionnel dans une famille de légendes germaniques,
EHR, CL, 1956, p. 55-92. Ce travail est un modèle de discussion à la fois minutieuse
et ouverte.
10 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 142
fleuve Borysthène (le Dniepr actuel)... Lui-même eut trois fils,
Lipoxaïs (variante Nitoxaïs), Arpoxaïs et, en dernier, Kolaxaïs. De
leur vivant, il tomba du ciel sur la terre de Scythie des objets d'or :
une charrue, un joug, une hache, une coupe (ácporpóv те xal Çuyàv xal
aáyapiv xal <piáX7)v). A cette vue, le plus âgé se hâta pour les prendre,
mais, quand il arriva, l'or se mit à brûler. Il se retira et le second
s'avança, sans plus de succès. Les deux premiers ayant renoncé à l'or
brûlant, le troisième survint, et l'or s'éteignit. Il le prit avec lui et
ses deux frères, devant ce signe, abandonnèrent la royauté tout
entière à leur cadet...
Ces objets groupés, dit un peu plus loin Hérodote (chap. 7),
étaient précieusement conservés chez les Scythes ses contemp
orains et donnaient lieu chaque année à de grandes céré
monies. Quinte-Gurce (VII, 8, 18-19) ne parle que des objets
eux-mêmes, qui sont cinq, sans en indiquer l'origine, mais il en
énonce les fonctions. Il fait dire aux ambassadeurs des Scythes
qui essaient de détourner Alexandre de les attaquer :
Ne te méprends pas sur les Scythes : nous avons reçu des dons
(dona nobis data sunt), un joug de bœufs, une charrue, une lance, une
flèche, une coupe (iugum boum, aratrum, hasta, sagitta et paiera).
Nous nous en* servons avec nos amis et contre nos ennemis. A nos
amis, donnons les fruits de la terre que nous procure le travail
des bœufs ; avec eux encore, nous offrons aux dieux des libations de
vin ; quant aux ennemis, nous les attaquons de loin par la flèche, de
près par la lance.
Même si l'on ne disposait pas de la variante de Quinte-
Curce, il est clair que les quatre objets du texte d'Hérodote,
dont les deux premiers forment une unité particulière1, se
répartissent sur les trois fonctions religieuse, guerrière, écono
mique — celles qui, dès l'Inde védique tardive, sont assurées
distributivement par les trois varna ârya : bràhmana ou
prêtres, ksatriya ou guerriers, vaišya ou tiers-état producteur;
celles aussi qui, dans l'Avesta, définissent respectivement les
prêtres abravan, les guerriers rabaê.siar et les vâstryd.fsuyant,
agriculteurs-éleveurs. La charrue avec son joug relève évi-
1) Benveniste, /. c. : ócpoxpóv те xal Çuyov éclairé par *yugô.sdmi (mal écrit
yuyô.sami) « joug + soc », de Vidëvdât, XIV, 10, justement dans une enumeration
d'objets caractéristiques des trois fonctions ; cf. sk. yugašamya « joug avec ses
bois ». TROIS « TRÉSORS DES ANCÊTRES » 143 LES
demment de l'agriculture et produit les fruits de la terre,
et la hache, шхуарк;, au dire même d'Hérodote (VII, 64),
comme la lance et la flèche de Quinte-Curce, est une, des
armes usuelles des Scythes. Quant à la coupe, «piáXyj, patera,
elle symbolise sûrement le culte, la fonction sacrée : l'offrande
et la conservation de la liqueur *sauma étaient particulièr
ement importantes chez les Indo-Iraniens1. Mais une indication
de Quinte-Gurce — cum amicis — rappelle opportunément
que, dans la pratique des Scythes, ces libations présentées
aux dieux étaient sans doute chose collective et qu'elles
prenaient la forme de beuveries où les hommes trouvaient leur
joie autant que .les dieux. Telle est bien encore, dans la
religion populaire des Ossètes, ultimes représentants cauca
siens du vaste ensemble scythique, la forme ordinaire du culte :
toute cérémonie religieuse donne si bien lieu à bombance et
beuverie2 que le substantif kuvd, correspondant au verbe
kuvyn « prier », a reçu le sens de « banquet »3. La fête commence
toujours, certes, par la prière et par l'offrande au génie (ou au
saint), faites toutes deux par le plus ancien de l'assistance,
mais ensuite, après que la première coupe et le premier mor
ceau (appelés, de la même racine, kuvœggaçf) ont été présentés
par le plus ancien au plus jeune, tout se passe joyeusement,
entre les célébrants. L'épopée Narte d'Ossétie confirmerait
cette interprétation, s'il en était besoin. Les héros les plus
illustres sont répartis entre trois familles, définies chacune par
l'une des trois fonctions : les Alœgatœ se distinguent par leur
intelligence (zond), les /Exsœrtseggaise (dont le nom est appa
renté à sk. ksalriya) sont braves et forts (bsehatser, qarwsegin)
et les Boraise sont riches en troupeaux (fons)& ; or, dans la
1) JA, CGXVI, 1930, p. 121-122.
2) Vs. Miller, Osetinskie Etjudy, II, 1882, p. 264-265.
3) V, I. Abaev, Istoriko-etimologičeskij slovar' osetinskogo jazyka, 1, 1958, p. 603.
4) Défini en principe comme « la première coupe », le kuvœggag comporte aussi
des aliments solides : dans un récit Narte de NK [v. ci-dessous, p. 144, n, 3],
p. 200, le kuvseggag consiste en trois pains ronds et une cuisse de bœuf que
le junior — Batradz — « se jette entre les joues » et avale.
5) Tuganov, Kto takie Narty ?, Izv. Oset. Instituta Kraevedenija, I, 1925,
p. 373; v. L'idéologie..., p. 10-11 (§ 54). ■
144 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
pratique, les «.intellectuels » Alsegatœ, transposés épiques,
sans doute, de la classe d'hommes qui se définissait par le
savoir traditionnel et magico-re

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