Louis Massignon (1883-1962) - article ; n°71 ; vol.75, pg 30-39
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École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses - Année 1962 - Volume 75 - Numéro 71 - Pages 30-39
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Publié le 01 janvier 1962
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Langue Français

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Henry Corbin
Louis Massignon (1883-1962)
In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire 1963-1964. Tome 71. 1962. pp.
30-39.
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Corbin Henry. Louis Massignon (1883-1962). In: École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire
1963-1964. Tome 71. 1962. pp. 30-39.
doi : 10.3406/ephe.1962.18103
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ephe_0000-0002_1962_num_75_71_18103NÉCROLOGIE
LOUIS MASSIGNON
(1883-1962)
1er Louis novembre Massignon 1962. a Sa quitté disparition, ce monde, qui a la mis nuit en du deuil 31 octobre notre Secau
tion des Sciences Religieuses de l'École des Hautes Études, a
frappé douloureusement toute l'islamologie. Ce n'est pas seul
ement la perte d'un grand islamisant que nous déplorons, mais
celle d'une personnalité d'une force exceptionnelle. Une force
qui permit à Louis Massignon de ne jamais séparer, dans sa vie
et dans son œuvre, les tâches de l'homme de science et les respons
abilités de son engagement d'homme dans la vie. Et c'est là
précisément ce qui rend assez complexe notre tâche, en consa
crant à son souvenir la présente notice.
Professeur au Collège de France, où il était titulaire de la
chaire de sociologie musulmane, Louis Massignon y prodigua
son enseignement de 1919 à 1954, c'est-à-dire pendant trente-
cinq ans. Depuis l'année 1932-1933, vingt
et un ans, il cumula cet enseignement avec celui de la chaire
d'Islamisme, à notre Section des Sciences Religieuses, où il
succédait à Gaudefroy-Demombynes. Quand il eut atteint l'âge
de la retraite, Massignon resta, jusqu'à la fin, président de l'Ins
titut d'études iraniennes de l'Université de Paris. On ne peut
ici, en ces quelques pages, insister sur les détails de sa biographie,
ni rappeler les grands événements du Proche-Orient auxquels
il fut mêlé, postérieurement à la première guerre mondiale, ni
récapituler systématiquement son œuvre scientifique très vaste
qui aborda, et déborda même parfois, tous les domaines de l'isl
amologie, ni finalement recenser les honneurs académiques qui
lui furent décernés un peu partout (il était membre de
l'Académie arabe du Caire, membre de l'Académie iranienne, — — 31
membre de l'Académie des Sciences de l'U.R.S.S., membre de
l'Académie royale de Suède et membre de plusieurs autres
encore). Après tout, nous ne pensons pas que ce cursus honorum
soit essentiel pour la vérité intérieure de cette biographie except
ionnelle.
Aussi bien sa bibliographie a-t-elle été établie de façon
systématique et exhaustive, pour les années 1906-1955 ; elle
figure en tête du premier des trois volumes de Mélanges Louis
Massignon publiés par l'Institut français de Damas (1956 ss.).
Nous ne pouvons qu'y référer ici, tout en rappelant, pour que
l'on en ait présentes à la pensée les dimensions et la composition,
qu'elle est partagée en cinq sections : 1) Ouvrages et articles de
revue. 2) Travaux bibliographiques. Préfaces et Liminaires.
Témoignages. 3) Communications, cours et leçons. 4) Conférences,
textes d'actualité, lettres, interviews et articles de presse.
Missions officielles et rapports. 5) Arabe : textes, conférences
et articles de presse. L'ensemble ne comporte pas moins de 613
numéros. La première section, celle des ouvrages et articles, en
comprend 207. Et il y aurait à compléter pour les dernières
années. S'il est vrai que les livres proprement dits y sont rares,
en revanche la masse des articles de toutes sortes, révèle une
somme énorme de recherches, de travail et d'intérêt toujours
en éveil.
L'ensemble est si considérable, la personnalité de l'auteur
est si complexe, qu'il faudrait toute une monographie pour dire
ce que l'on aurait à en dire, en nuançant exactement la portée
de chaque jugement que l'on serait amené à exprimer. Quiconque
a connu d'un peu près Louis Massignon, à un moment ou l'autre,
sait à quel point les mots peuvent être inadéquats, quand il
s'agit de suggérer la complexité, les tourments, les véhémences
d'une âme que sa passion d'absolu et de transcendance rendait
d'autant plus impatiente devant les contradictions que notre
monde oppose à certains impératifs personnels qui ne souffrent
pas de compromis. Le sens d'une telle vie se prolonge au-delà
de la limite apparente de la mort. Ce sens, le dévoileront peu à
peu, sans doute, les amis et les correspondants que Louis Massi
gnon eut un peu partout à travers le monde, plus particulièrement
dans les pays d'Islam. Déjà, la diversité des hommages qui
lui ont été rendus, dès le lendemain de sa disparition, peuvent
le faire pressentir. Nous-même, nous trouvant à l'époque à
Téhéran pour notre mission annuelle, avons participé avec nos
collègues iraniens à la séance solennelle d'hommage qui s'est
tenue, le 4 décembre 1962, au grand amphithéâtre de la Faculté
des Lettres de l'Université de Téhéran. — — 32
Tout ce que nous pouvons nous proposer ici, c'est d'évoquer
le sens et quelques aspects de l'œuvre de Louis Massignon, en
touches rapides et d'une manière forcément incomplète. Nous
croyons que tout eiïort qui sera tenté pour s'approcher au plus
près de ce que fut et de ce que voulut Louis Massignon, devra
mettre en œuvre cette notion de « courbe personnelle de vie »,
dont il a indiqué lui-même comment on en peut faire l'appli
cation pour construire la courbe d'une destinée spirituelle. Il
a précisé, que pour y réussir, il importait évidemment de choisir
« pour chaque individu l'axe de personnalisation qu'il s'est pro
posé », car alors seulement l'on pourra comprendre la croissance
intérieure de la personne, les étapes de la réalisation unificatrice,
la Présence unifiante qui s'y instaure, au fur et à mesure qu'elle
la réalise. C'est en appliquant cette méthode, qu'il s'était proposé
de ressaisir le destin intérieur du soufi al-Hallâj, et il la motivait
en usant de ces termes dont il avait le secret : « Lorsqu'un grand
amour, écrivait-il, anime l'eiïort vital », la courbe d'une telle
vie « devient sinusoïde ascendante, asymptote à un vecteur
rectiligne en sa montée ». Plus encore, quand un amour est
religieux et vise à un but transcendant, « la courbe de destinée
d'ici-bas admet une prolongation au-delà, le vecteur rectiligne se
projette sur un cycle, la vie mortelle de la personne est projetée
sur le Cycle liturgique, annuel et perpétuel, de la Communauté
religieuse où cette vie s'est consommée <x) ».
En esquissant ainsi sa propre méthode d'approche de la
spiritualité de Hallâj, Massignon nous suggère ce que fut l'eiïort
de sa vie intérieure. Aussi bien serait-il superflu de rappeler ce
que représenta pour celle-ci cette grande figure du soufisme que
fut Hosayn ibn Mansûr al-Hallâj, en qui Massignon vit, par
essence, «le martyr mystique de l'Islam» (ob. 922 à Baghdâd).
Il lui a consacré le grand travail qui reste son œuvre scientifique
maîtresse <2), et il faut déplorer tout particulièrement qu'il
n'ait pas eu le loisir d'en mener à terme l'achèvement de la
seconde édition, dont il parlait depuis tant d'années. Plus de
quarante ans se sont maintenant écoulés depuis la première
édition de l'ouvrage ; il y fallait donc apporter de nombreuses
rectifications et additions, et seul l'auteur pouvait mener à bien
la tâche écrasante de cette révision, dans le sens des perspectives
personnelles pour lesquelles il est difficile à quelqu'un d'autre
(1) L. Massignon, Élude sur une courbe personnelle de vie: le cas de Hallâj,
martyr mystique de V Islam (revue Dieu vivant, cahier IV, 1946), pp. 13 et 14.
(2) La Passion d'al-Hallâj, marlyr mystique de V Islam, Paris 1922. — — 33
de se substituer à lui. Pour contribuer à son effort, nous avions
entrepris l'édition de la grande Somme de soufisme, rédigée
en persan au xne siècle par un grand mystique de Shiràz,

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