Prodiges, divination et peur des dieux chez Plutarque - article ; n°4 ; vol.216, pg 387-442
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1999 - Volume 216 - Numéro 4 - Pages 387-442
Le dieu parle directement aux âmes purifiées, en passant par l'air (car il n'y a pas d'action à distance) ; sa providence particulière a établi un code (vol des oiseaux, etc.) pour les autres hommes : les présages sont des messages et non des symptômes comme le pouls d'un malade. Le dieu n'est pas tout-puissant et passe par la matière, si bien que le présage est à la fois fait physique et message brouillé. Incertitudes, manipulations : les prodiges relèvent souvent du « on dit que... ». Certains sont des réactions sympathiques du cosmos aux événements humains. Conseils aux usagers de la mantique ; analogie avec la médecine. Plutarque est à la charnière de deux époques ; sous le nom de superstition, il désigne à la fois l'antique naïveté populaire (dans le Non posse suaviter vivi) et la religiosité de l'antiquité tardive (dans le De superstitione).
Prodigies, divination, and fear of the gods in Plutarch
The god enters into direct contact with purified souls through the air (action cannot take place at a distance) ; because of his special providence the god has established a cipher (the flight of birds, etc.) with other men. So omens are messages not symptoms like a patient's pulse. The god is not almighty and acts necessarily through matter, so that an omen is both a physical fact and a blurred message. Incertainties and even manipulations : omens often fall within the province of hearsay. Some are reactions of the cosmos well-disposed to human events or advice for the users of divination (by analogy with medicine). Plutarch stands at the crossroads between two eras : by the term deisidaimonia, he designates the ancient popular religion (in Non posse suaviter vivi) and the religiosity of Late Antiquity (in De superstitione).
56 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Paul Veyne
Prodiges, divination et peur des dieux chez Plutarque
In: Revue de l'histoire des religions, tome 216 n°4, 1999. pp. 387-442.
Résumé
Le dieu parle directement aux âmes purifiées, en passant par l'air (car il n'y a pas d'action à distance) ; sa providence particulière
a établi un code (vol des oiseaux, etc.) pour les autres hommes : les présages sont des messages et non des symptômes
comme le pouls d'un malade. Le dieu n'est pas tout-puissant et passe par la matière, si bien que le présage est à la fois fait
physique et message brouillé. Incertitudes, manipulations : les prodiges relèvent souvent du « on dit que... ». Certains sont des
réactions sympathiques du cosmos aux événements humains. Conseils aux usagers de la mantique ; analogie avec la médecine.
Plutarque est à la charnière de deux époques ; sous le nom de superstition, il désigne à la fois l'antique naïveté populaire (dans
le "Non posse suaviter vivi") et la religiosité de l'antiquité tardive (dans le "De superstitione").
Abstract
Prodigies, divination, and fear of the gods in Plutarch
The god enters into direct contact with purified souls through the air (action cannot take place at a distance) ; because of his
special providence the god has established a cipher (the flight of birds, etc.) with other men. So omens are messages not
symptoms like a patient's pulse. The god is not almighty and acts necessarily through matter, so that an omen is both a physical
fact and a blurred message. Incertainties and even manipulations : omens often fall within the province of hearsay. Some are
reactions of the cosmos well-disposed to human events or advice for the users of divination (by analogy with medicine). Plutarch
stands at the crossroads between two eras : by the term "deisidaimonia", he designates the ancient popular religion (in "Non
posse suaviter vivi") and the religiosity of Late Antiquity (in "De superstitione").
Citer ce document / Cite this document :
Veyne Paul. Prodiges, divination et peur des dieux chez Plutarque. In: Revue de l'histoire des religions, tome 216 n°4, 1999. pp.
387-442.
doi : 10.3406/rhr.1999.1079
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1999_num_216_4_1079PAUL VEYNE
Collège de France
Prodiges, divination et peur
des dieux chez Plutarque
Le dieu parle directement aux âmes purifiées, en passant par l'air
(car il n'y a pas d'action à distance) ; sa providence particulière a
établi un code (vol des oiseaux, etc.) pour les autres hommes : les
présages sont des messages et non des symptômes comme le pouls d'un
malade. Le dieu n 'est pas tout-puissant et passe par la matière, si bien
que le présage est à la fois fait physique et message brouillé.
Incertitudes, manipulations : les prodiges relèvent souvent du « on dit
que... ». Certains sont des réactions sympathiques du cosmos aux
événements humains. Conseils aux usagers de la mantique ; analogie
avec la médecine. Plutarque est à la charnière de deux époques ; sous
le nom de superstition, il désigne à la fois l'antique naïveté populaire
(dans le Non posse suaviter vivij et la religiosité de l'antiquité
tardive (dans le De superstitionej.
Prodigies, divination, and fear of the gods in Plutarch
The god enters into direct contact with purified souls through the
air (action cannot take place at a distance) ; because of his special
providence the god has established a cipher (the flight of birds, etc.)
with other men. So omens are messages not symptoms like a patient's
pulse. The god is not almighty and acts necessarily through matter, so
that an omen is both a physical fact and a blurred message.
Incertainties and even manipulations : omens often fall within the
province of hearsay. Some are reactions of the cosmos well-disposed
to human events or advice for the users of divination (by analogy with
medicine). Plutarch stands at the crossroads between two eras : by the
term deisidaimonia, he designates the ancient popular religion (in
Non posse suaviter \'\\'\) and the religiosity of Late Antiquity (in De
superstitionej.
Revue de l'histoire des religions, 216 - 4/1999, p. 387 à 442 Rien n'est plus pieux, rien n'est plus important que de se
faire de la divinité une idée qui soit juste : la vraie piété est là.
Par conséquent, « il ne faut pas faire la guerre au dieu, nier la
mantique et anéantir avec elle la providence et le divin ;
mieux vaut chercher des solutions aux contradictions appar
entes, sans rejeter la pieuse croyance ancestrale »'. Plutarque
ne critique la divination que pour la rendre croyable aux
esprits éclairés, et aussi pour épurer la piété de certaines
superstitions qui sont parfois plus impies que l'athéisme ; loin
d'être contraire au respect pour la religion, cette critique en
est une condition : épurer la religion de ses pratiques ou
croyances superstitieuses - comme fait Platon au livre X des
Lois -, c'est rectifier les idées involontairement impies que
l'on se fait des dieux. On estime parfois trouver chez Plu
tarque un mélange paradoxal de croyances populaires et de
bon sens éternel. Il est douteux que ce partage sommaire2
épuise la question : elle est plus détaillée. La pensée vraiment
1. Plutarque, Sur les oracles de la Pythie, XVIII {Mor alia, 402 E). La
vraie piété consiste à avoir des pensées justes sur les dieux, car la pensée est
chose sainte (De hide et Os., I, 351 С ; II, 351 E ; XI, 355 CD). L'excellent
livre de D. Babut, Plutarque et le stoïcisme, Paris, 1969, n'a pas quitté notre
table de travail, non plus que l'article « Plutarchos » de K. Ziegler dans le
Pauly- Wissowa, XXI, col. 636-962 ; nous avons lu aussi F. E. Brenk, In
mist apparelled : religious themes in Plutarch, Leyde, Brill, 1977.
2. Contre le schéma d'explication, hérité des Lumières, qui oppose la
religion de l'élite et la religion populaire, voir Peter Brown, The cult of the
Saints, Chicago, 1981, p. 12-22. Ce partage renvoie au populaire tout ce qui
nous paraît naïf et faux, et au rationnel ce que nous tenons pour idées de
bon sens ou pour spéculations ayant, pour l'état des croyances à leur
époque, quelque dignité intellectuelle. Mais, par rapport à nos propres
convictions de modernes, ce n'est pas le seul peuple qui était bourré de
superstitions, c'est tout le passé de l'humanité. En outre, le superstitieux et
le rationnel sont traités par nos historiens comme deux vastes régions dont
ils négligent les détails comme indistincts et indifférents, alors qu'en réalité
elles étaient structurées par des idées qui, pour n'être plus les nôtres, n'en
existaient pas moins et ont une précision qu'il convient de détailler, au lieu
de les négliger comme historiquement insignifiantes. Sinon, nous mérite
rions que nos petits-neveux refusent de scruter, dans leur future étude de
nos croyances actuelles, l'insignifiante bizarrerie de discussions de détail
pour lesquelles nous nous sommes passionnément battus. PRODIGES 389
populaire de son temps, Plutarque la critique et la récuse ; à
leur manière, les superstitions qu'on lui impute - et avant tout
sa démonologie - sont un « rationalisme », qui n'est certes
pas le nôtre3, mais qui n'en est pas moins réfléchi et élaboré.
Outre la conception irréfléchie des prodiges, il critiquait la
théorie stoïcienne de la divination ; enfin, il avait une attitude
nuancée devant cette peur des dieux ou SsunSoa^ovía (mot que
l'on traduit, faute de mieux, par « superstition ») qui est tole
rable chez le vulgaire et condamnable dans l'élite. Comme
tout art ou science digne de ce nom, comme la médecine, la
mantique avait son fondement, ses principes, ses règles ; nous
allons donc esquisser, en suivant Plutarque, l'épistémologie
d'une science fausse...
Le dieu et la matière : pas de miracles
Premier point : le dieu ne peut rien contre Favá-poj de la
matière4 ; en bon platonicien, Plutarque ne croit pas que le
dieu puisse tout: s'il était tout-puissant, il serait responsable
du mal physique. C'est là, je suppose, ce qui a confirmé Plu
tarque dans son rejet de ceux des prodiges qui sont matériell
ement impossibles et qu'on appellera plus tard des miracles :
3. D. Babut [n. 1], p. 520 : « Plutarque n'est pas un demi-rationaliste
que la timidité ou le manque de rigueur aurait arrêté à mi-chemin. Il va
bien jusq

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