Trois saints rois «  souffre-passion » en Angleterre: Osvin de Deira, Ethelbert d Est-Anglie, Édouard le Martyr - article ; n°1 ; vol.124, pg 36-49
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Trois saints rois «  souffre-passion » en Angleterre: Osvin de Deira, Ethelbert d'Est-Anglie, Édouard le Martyr - article ; n°1 ; vol.124, pg 36-49

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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1980 - Volume 124 - Numéro 1 - Pages 36-49
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Robert Folz
Trois saints rois « souffre-passion » en Angleterre: Osvin de
Deira, Ethelbert d'Est-Anglie, Édouard le Martyr
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 124e année, N. 1, 1980. pp. 36-
49.
Citer ce document / Cite this document :
Folz Robert. Trois saints rois « souffre-passion » en Angleterre: Osvin de Deira, Ethelbert d'Est-Anglie, Édouard le Martyr. In:
Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 124e année, N. 1, 1980. pp. 36-49.
doi : 10.3406/crai.1980.13680
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1980_num_124_1_13680COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 36
COMMUNICATION
TROIS SAINTS ROIS « SOUFFRE-PASSION » EN ANGLETERRE :
OSVIN DE DEIRA, ETHELBERT D'EST-ANGLIE,
EDOUARD LE MARTYR,
PAR M. ROBERT FOLZ, CORRESPONDANT DE L' ACADÉMIE
Le type des princes « souffre-passion » (strastoterptsi) est parti
culièrement connu par l'hagiographie russe. Il s'agit de princes qui
furent canonisés pour avoir accepté une mort violente, sans résis
tance, pour le salut de leur peuple ; victimes innocentes, ils s'iden
tifiaient au Christ par suite d'une sorte de « translation du Christ
et de sa passion dans leur personne et dans leurs souffrances »x.
Il ne semble pas cependant que le type des strastoterptsi soit
propre à la Russie. Il se retrouve en effet en Occident. Bien que les
textes se rapportant à Sigismond et à Dagobert II ne se réfèrent pas
expressément à l'exemple du Christ, il demeure que c'est leur souf
france librement consentie qui valut aux deux rois d'être considérés
comme saints2. Beaucoup plus élaborée par contre est l'image de
trois rois anglo-saxons, Osvin, Ethelbert et Edouard, centrée sur le
thème de la souffrance et de la mort injuste du chef, génératrice de sa
sainteté.
Notre propos est de le montrer ici en partant de l' arrière-plan
historique pour envisager ensuite la genèse de la sainteté de ces trois
rois, le développement de leur image et l'interprétation de leur
martyre.
I — L' arrière-plan historique
Nous suivons dans ce paragraphe l'ordre chronologique. Osvin
nous est connu par un chapitre de l'« Histoire ecclésiastique
1. T. Cherniavsky, Tzar and People, Yale, 1961, p. 17. Sur l'ensemble de
la question, on consultera, outre cet ouvrage, P. Fedotow, The russian religious
mind, Cambridge (Mass.), 1946, p. 94 et suiv. ; L. Kologrivof, La sainteté en
Russie, Bruges, 1953 ; A. Besançon, Le Tzarévitch immolé, Paris, 1967.
2. On nous permettra de renvoyer à nos deux articles : Zur Frage der hei-
ligen Kônige, DA 14, 1958, p. 317-344, et Tradition hagiographique et culte de
saint Dagobert, roi des Francs, MA, 1963 (volume jubilaire), p. 17-35. Signalons
encore que dans un ouvrage récent consacré essentiellement aux saints rois
Scandinaves, M. E. Hoffmann donne, à propos des trois rois qui vont être pré
sentés, quelques indications sur ce type de sainteté, Die heiligen Kônige bei den
Angelsachsen und den skandinavischen Vôlkern, Neumûnster, 1975, p. 18-22. ROIS « SOUFFRE-PASSION » EN ANGLETERRE 37
de la nation des Angles » écrit par Bède un demi-siècle environ après
la mort du roi3. Petit-neveu d'Edwin, il fut proclamé en Deira
après la mort d'Oswald (642), auquel succéda en Bernicie son frère
Oswy. Bède décrit Osvin comme un homme profondément religieux,
humble au point de solliciter à genoux son pardon de l'évêque Aidan
pour une remarque que celui-ci avait jugée inconvenante. Attaqué
par Oswy, jugeant que son armée était inférieure en nombre à celle
de son adversaire, il refuse le combat ; trahi par un de ses compagnons
Hunwald, il est assassiné le 20 août 651 à Ingetlingum4, où l'épouse
d'Oswy, Eanfled, fonda quelques années plus tard un monastère
dont les moines avaient à prier pour les deux rois5.
Sur Ethelbert, roi d'Est-Anglie, on ne sait rien sinon par une note
très sèche de la Chronique anglo-saxonne (version D) qu'il fut mis
à mort en 794 par ordre d'Offa, roi de Mercie6, qui annexa ensuite
son royaume : ceci semble expliquer cela.
On est relativement mieux informé sur Edouard le Martyr, grâce
à une source assez proche des événements, la Vie de l'archevêque
Oswald d'York, rédigée entre 995 et 10057. Elle apprend notamment
les difficultés qui s'élevèrent après la mort du roi Edgar, l'aristocratie
s'étant partagée entre les deux fils du roi, l'aîné Edouard, âgé de
13 ans environ, né de sa première épouse, Elfgyve, l'autre, Ethelred,
plus jeune, fils de sa seconde femme Elfthryth. L'archevêque Duns-
tan — on le sait par une source ultérieure8 — imposa le choix de
l'aîné qu'il sacra roi en dépit des réticences des grands qui, selon les
dires du biographe d'Oswald, redoutaient sa violence en paroles et
en actes. Ce que l'on entrevoit encore c'est la dégradation rapide de
l'état où Edgar avait laissé le royaume : notre source parle de la
lutte de tous contre tous9, dont le meurtre d'Edouard par des par
tisans d'Ethelred en 978 fut le signe le plus visible. Sur le fait lui-
même, la relation est assez vague : aucune indication du lieu où le
jeune roi a été assassiné, ni des causes de son assassinat ; rien non
3. Éd. C. Plummer. I (Texte), II (Notes), réimpr. 1961. Le chapitre en ques
tion est le 14e du livre III, p. 154-157.
4. Identifié par Plummer avec Gilling près Richmond (II, p. 165).
5. Bède, L. III, ch. 24, p. 179-180.
6. Éd. D. Whitelock, The Anglo-saxon Chronicle, Londres, 1961, p. 79.
7. Éd. .1. Raine, The Historians of the Church of York and ils Archbishops,
RS, 71, Londres, 1879-1886. Le récit concernant Edouard se trouve au t. I,
p. 448-452.
8. Vie de l'archevêque du moine Adalard (vers 1010), éd. W. Stubbs, Memo-
rials ofS. Dunstan, RS, 63, 1874, p. 61.
9. Allusion, à coup sûr, à la politique anti-monastique menée par Elfhere
earldorman de Mercie, apparenté à la reine Elfthryth ; on s'interroge encore
sur le sens profond de cette politique : voir D. J. Fisher, The antimonastic
reaction in the reign of Edward the Martyr, The Cambridge Historical Journal,
10, 1952, p. 254-270 et M. Deanesly, The Pre-Conquest Church in England,
Londres, 1961, p. 321 et suiv. COMPTES RENDUS DE L,' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 38
plus sur le rôle qu'Elfthryth a pu jouer dans cette affaire10. Il est
dès lors d'autant plus frappant que l'auteur parle d'une machination
diabolique dirigée contre le roi consacré, l'oint du Seigneur ; victime
innocente, Edouard est à ses yeux un martyr : Dieu l'a prédestiné
à cet état. Plus encore, en nous montrant les conjurés « enfermant
Edouard comme dans un rempart, l'un d'eux s'approchant de lui
comme pour lui donner un baiser », l'auteur suggère que ce martyr
meurt dans des conditions semblables à celles où fut trahi le Christ11.
Ainsi se préparait très tôt la reconnaissance de la sainteté de ce
roi « souffre-passion ».
II — Reconnaissance de la sainteté des trois rois
Qu'elle ait eu lieu dans un délai très bref pour Edouard ou au
bout de quelques siècles pour Osvin et Ethelbert, cette reconnais
sance est le résultat d'un mouvement d'opinion dont il importe de
distinguer la raison d'être et les promoteurs à travers des sources
qui tendent à démontrer pourquoi les trois rois sont réputés martyrs.
A) II est hors de doute que l'assassinat d'Edouard provoqua un
sentiment d'horreur et de compassion dont témoigne un court
poème incorporé à la Chronique anglo-saxonne (version D) qui
semble avoir été composé très près des événements. « Jamais envers
les Anglais pire forfait ne fut commis que celui-ci. Les hommes l'ont
assassiné, mais Dieu l'a glorifié... Ses pairs ici-bas n'ont pas voulu
le venger, son Père céleste l'a fait et de belle façon... en répan
dant sa gloire au ciel et sur la terre »12. Ces vers qui dénoncent la
trahison13 dont fut victime Edouard proclament avec autant de
force son entrée dans l'Au-delà glorieux14. Tel est pareillement le
thème majeur de la Passio S. Eadwardi régis et martyris qui permet
de suivre la genèse et la progression de

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