Un dévot de la Maya brahmanique : Jean Lahor - article ; n°1 ; vol.13, pg 103-116
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1961 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 103-116
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 29
Langue Français

Extrait

René Petitbon
Un dévot de la Maya brahmanique : Jean Lahor
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1961, N°13. pp. 103-116.
Citer ce document / Cite this document :
Petitbon René. Un dévot de la Maya brahmanique : Jean Lahor. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1961, N°13. pp. 103-116.
doi : 10.3406/caief.1961.2192
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1961_num_13_1_2192UN DÉVOT DE LA MAYA BRAHMANIQUE
JEAN LAHOR
Communication de M. René PETITBON
(Paris)
au XIIe Congrès de Г Association, le 25 juillet i960.
L'œuvre de Jean Lahor n'est connue que dans un cercle
restreint de lettrés et son nom n'évoque plus guère que le
souvenir d'une musique transmise par Fauré, Duparc, Rey-
naldo Hahn.
L'Université ne l'a pas promu et les auteurs de manuels le
mentionnent aussi brièvement que le fit Catulle Mendès,
jaloux, dans son rapport au Ministre.
Les vers de Y Illusion eussent cependant mérité qu'un
érudit fervent de littérature comparée dégageât parmi ces
poèmes inégaux et d'un syncrétisme d'abord déconcertant
les chefs-d'œuvre qui forment l'architecture simple d'une
poésie philosophique unique en Europe parce qu'elle doit
tout à la pensée indienne.
Nous disons bien : en Europe.
L'Angleterre, on le sait, fut la pionnière. C'est à Wilkins, à
William Jones, à la Société Asiatique de Calcutta que nous
sommes redevables des premiers manuscrits, des premiers
déchiffrements, mais la veine indienne ne fut pas exploitée par
les poètes anglais. Il faut violenter les textes pour la trouver
dans la vision fantomale de l'Univers de Shelley, dépouillée
de métaphysique, tout imprégnée d'esprit et de féerie, et les
torturer un peu pour la faire affleurer chez les Lakistes. RENÉ PETITBON IO4
Mais l'Allemagne, dira-t-on ? Mais Ruckert ?
Certes, la pensée allemande, par sa progression constante
vers un idéalisme absolu, par les frontières mouvantes de son
Luthéranisme, semblait mieux que toute autre préparée à r
épondre au Manifeste de Frédéric Schlegel en quête d'une
Pléiade indienne mais ce fut Goethe qui donna le branle. Le
Divan occidental-oriental est d'inspiration purement persane,
et Gœthe, dans l'abondant appareil critique, juge sévèr
ement la métaphysique indienne.
Platen traduisit des Ghazele et des Makáme, Daumer,
Scheffer, Bodendstedt concilièrent le divan de Hafiz et leur
Bible et Ruckert ne vint à l'Inde qu'après avoir reçu l'onc
tion persane qui jamais ne s'effaça. Il ne connut les Vedas
qu'à la fin de sa vie, et la Sagesse du Brahmane définit sans
doute, au long de ses 2.000 strophes, le panthéisme des Upa-
nisad, mais le brahmane prêche avant tout des préceptes de
morale. Ruckert traduit — génialement — sans se prêter au
jeu. Le Dieu du ressemble étrangement à celui que
Ruckert honora toujours aux offices du dimanche quand le
temps était beau.
La France est catholique et spiritualiste. Les écrivains
catholiques condamnent avec horreur le nihilisme du Bouddha
et le quiétisme de Vichnou. Cousin et Quinet que Raymond
Schwab considère comme des diffuseurs de l'Inde lui sont
hostiles. Cousin n'expose la théorie du Védanta dans son
cours de 1828-1829 que pour la qualifier d'extravagante.
Quinet prend pour sujet de sa thèse latine la poésie indienne
mais il conclut que toutes les formes de la pensée
sont inassimilables par l'Occident.
Quant aux philologues, à l'exception d'Eugène Burnouf,
ils redoutent tous de propager le nihilisme et le quiétisme en
offrant au public leurs traductions.
C'est dans ce climat défavorable que la France a donné à la
littérature européenne le seul poète qui ait reçu de l'Inde,
non pas une foi de remplacement, mais une métaphysique,
une philosophie personnelle.
De la pensée indienne, forêt aux multiples frondaisons,
Leconte de Lisle n'avait conservé, après l'avoir élaguée de son UN DEVOT DE LA MAYA BRAHMANIQUE 105
feuillage frémissant de charité, que le tronc noir et sec de la
métaphysique bouddhiste. Lahor a pensé et senti l'Univers
comme un Indien.
L'histoire de son âme est l'histoire banale de ceux que
frappa la forme dernière du mal du siècle : l'angoisse devant
l'infini vidé de Dieu.
Henry Cazalis, étudiant en médecine, perd la foi. Il pourr
ait se réfugier dans la science, ne pas chercher au delà. Mais
la science constate, elle n'explique pas : au cours des années
1868- 1870 il étudie les théories de Buchner qui résout l'Uni
vers en deux notions, force et substance, et il se plonge dans
les in-quarto de Burnouf. Le monisme de Buchner est con
firmé, authentifié par l'autorité des penseurs indiens. Cazalis
tient enfin son système.
Par un syncrétisme logique qui correspond à la nature
même de la spéculation indienne en perpétuel devenir sur le
fonds commun maintenu, il crée son explication indienne de
l'Univers en empruntant au brahmanisme, au bouddhisme,
au sankhya un certain nombre de doctrines identiques ou
analogues. Son érudition indienne est indiscutable. Son
Histoire de la Littérature indoue, parue en 1888, le prouve. Il a
lu toutes les traductions, tous les traités publiés pendant cette
période de foisonnement scientifique. La Gloire du néant,
sorte de journal intime, rapproche minutieusement les vers
de L'Illusion de leurs sources indiennes.
Les religions de l'Inde ont un fonds commun. Nihilistes
ou panthéistes, elles posent en principe que le monde est un
ensemble métaphysico-moral. Il est régi métaphysiquement
par la loi du phénoménisme, Maya chez les brahman istes,
Avidya, première des douze causes de l'erreur, chez les
bouddhistes, et par la loi du sansara, c'est-à-dire de l'éternité
des renaissances. Moralement par la loi du Karman. L'indi
vidu supporte le poids des fautes commises au cours des nais
sances antérieures parce qu'il a cru aux apparences, parce
qu'il a cédé au désir. Il ne peut rompre le cercle des renais
sances, s'absorber en Dieu ou s'anéantir dans le Nirvana
qu'en renonçant au désir. I Об RENÉ PETITBON
Avec ces théories Lahor a construit sa philosophie poé
tique.
L'Univers de Lahor est celui des Pouranas, du Lotus de la
bonne loi, du Lolita Vistara, un réseau mouvant d'apparences.
Maya déesse émanée en est la magicienne adorable et redou
table que masque, si la spéculation philosophique l'emporte
sur la vision poétique, le fantôme abstrait de l'avidya boud
dhique.
Lahor Га rêvée, dans l'allégorie de « La Reine de Saba »,
sous les traits de l'autre magicienne d'Orient qu'on imagine
dansant comme, après elle, Salomé. C'est à la musique, au
rythme qui va crescendo et ne s'arrête plus qu'il demande de
traduire la sensation de vertige dans laquelle l'âme se perd
devant l'éternel miroitement des illusions fugitives :
La Reine de Saba, bercée
En son hamac d'or par un noir,
Dans le harem de ma pensée
Habite et gouverne, ce soir...
Et prenant ses voiles de soie,
De leur frisson s 'enveloppant,
Soudain elle dresse et déploie
Tout son corps, comme un beau serpent.
Ses petits pieds et sa démarche
Ont pris un rythme cadencé,
Et comme David devant l'arche,
Pendant une heure elle a dansé !
Et moi sur elle, comme un mage,
Je tenais mes yeux grands ouverts,
Comprenant qu'elle était l'image
De tout ce fantasque univers,
De tout ce monde transitoire,
Dont Dieu pour charmer ses ennuis,
Fait un jour éclater la gloire,
En la profondeur de ses nuits.
Mais derrière le voile symbolique de la Maya des upanisad,
Brahm existe, Esprit du monde, réalité suprême. Lahor ne
croit pas en Brahm et lorsque la vision poétique se dissipe, UN DÉVOT DE LA MAYA BRAHMANIQUE IO7
avec elle s'évanouit la bayadere tourbillonnante. Plus rien ne
demeure que le concept phénoméniste de Çakya Muni.
L'avidya se substitue à Maya et l'Univers n'est plus que la
transparence bouddhique, un composé infini d'agrégats qui
se font et se défont dans l'éternel enchaînement des effe

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