Un janséniste. Pierre Brugière, curé constitutionnel à Paris (1730-1803) - article ; n°19 ; vol.4, pg 28-46
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Un janséniste. Pierre Brugière, curé constitutionnel à Paris (1730-1803) - article ; n°19 ; vol.4, pg 28-46

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Description

Revue d'histoire de l'Église de France - Année 1913 - Volume 4 - Numéro 19 - Pages 28-46
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1913
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Paul Pisani
Un janséniste. Pierre Brugière, curé constitutionnel à Paris
(1730-1803)
In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 4. N°19, 1913. pp. 28-46.
Citer ce document / Cite this document :
Pisani Paul. Un janséniste. Pierre Brugière, curé constitutionnel à Paris (1730-1803). In: Revue d'histoire de l'Église de France.
Tome 4. N°19, 1913. pp. 28-46.
doi : 10.3406/rhef.1913.2055
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1913_num_4_19_2055UN JANSÉNISTE
PIERRE RRUGIÈRE
CURÉ CONSTITUTIONNEL A PARIS
(1730-1803) i
La petite, cité de Thiers en Auvergne était, au début
du xvine siècle, un foyer de jansénisme; les nouveaut
és religieuses avaient été particulièrement bien reçues
dans les rangs d'une moyenne bourgeoisie qui, proli
fique et besoigneuse, se disait volontiers la victime des
abus et montait en colonnes serrées à la conquête d'un
meilleur destin. Dans ce monde de vagues procureurs,
de modestes commis, de minces bénéficiers, associés
dans un commun mécontentement, une place bien en
vue était celle de la famille Brugière. Laborieux et
tenaces, plusieurs de ses membres s'étaient hissés à
des situations qui les sortaient de la médiocrité, mais,
de plus, elle tirait un véritable prestige, dans ce milieu
janséniste, de sa parenté avec un confesseur de la foi,
presque martyr, le fameux oratorien Jean Soanen. On
sait que cette évêque de Senez, persistant obstinément
dans des doctrines condamnées par le pape et désap
prouvées par le roi, avait été traduit en 1727 devant son
métropolitain, l'archevêque d'Embrun, cardinal de Ten-
cin, qu'il avait été canoniquement déposé et ensuite
enfermé à l'abbaye de la Chaise-Dieu; il venait d'y mourir
en 1740, en laissant dans le parti la réputation d'un
vrai saint, d'un saint à qui on demande des miracles et
qui en fait.
Les Brugière l'avaient solennellement invoqué en
faveur d'un de leurs enfants, Pierre, né le 3 octobre 1730,
1. Cet article fait partie d'une série d'études que l'auteur se propose
de publier prochainement. On trouvera dans le volume à paraître les réfé
rences qui font ici défaut. 'UN JANSÉNISTE : PIERRE BRUGIÈRE 29
qu'un accident menaçait de cécité; en jouant avec des
camarades, il avait reçu dans l'œil le trait d'une petite
arbalète et ressentait des douleurs violentes que la science
des médecins arrivait peut-être à définir, mais non à
calmer. On recourut alors au pouvoir de Jean Soanen;
on l'invoqua pendant neuf jours et, au cours de cette
neuvaine, l'enfant dut porter continuellement un bonnet
ayant appartenu à son vénérable oncle. Le neuvième
jour, Pierre Brugière était aussi borgne que le premier,
mais les douleurs aiguës avaient disparu : c'était assez
pour faire crier au miracle. Dieu s'était plu à témoi
gner en faveur des mérites du saint évêque, persécuté par
les Jésuites. Quant à l'enfant, il était marqué d'en haut
pour le service de la bonne cause : on ferait les sacrifices
nécessaires pour qu'il devînt prêtre, armé pour com
battre les bons combats !
Il y avait à Thiers un petit collège, où Pierre Brugière
fit ses études jusqu'à la théologie inclusivement, mais
au moment de l'ordination, une grave difficulté se pré
sentait : par ordre du pape, tout clerc appelé aux ordres
devait signer le formulaire condamnant les erreurs jan
sénistes, et l'évêque de Clermont, M. de La Garlaye,
avait toujours jusque-là tenu la main à ce que cette
condition fût exactement remplie. Mais il se trouva
que, précisément à cette époque, l'Église paraissait
entrée dans une période de calme relatif, et l'évêque,
oubliant les règles de la prudence, cessa d'exiger des
ordinands l'acte exigé par le pape. L'abbé Brugière put
donc être promu au sacerdoce sans avoir à émettre une
profession de foi qu'il lui eût été aussi difficile de signer
que de refuser.
Pour commencer, il sembla que l'évêque n'eût pas à
regretter son indulgence : le jeune abbé, nommé à un
canonicat de la collégiale de Thiers, se montra régulier
dans sa conduite et tout adonné à l'étude; reprenant
les enseignements par trop superficiels qu'il avait reçus
des maîtres du collège, il se mit au travail avec achar
nement; il lisait la Bible et les Pères, en copiait de longs
passages qu'il apprenait par cœur. Cette préparation
solide, bien qu'un peu trop livresque, lui donna le moyen de 30 REVUE ^HISTOIRE DE L*EGLISE DE FRANCE
prêcher avec succès dans les principales églises du
diocèse.
Charmé des bonnes dispositions du jeune chanoine,
M. de La Garlaye avait tenu à lui prouver sa satisfaction
en le chargeant de la direction des religieuses Ursulines
de sa ville natale; mais quand il eut trente-cinq ans,
l'abbé Brugière prit tout d'un coup la résolution d'aban
donner son pays et d'aller chercher dans la capitale un
milieu où son activité pût se développer plus librement.
Devons-nous voir là le projet aventureux d'une tête
un peu jeune? L'abbé Brugière avait-il eu quelques
déboires intimes ou quelque difficulté avec ses supé
rieurs? Je l'ignore.
On a bien dit que M. de La Garlaye, renseigné un peu
tard sur les doctrines dangereuses que professait M. Brug
ière, l'avait invité à aller prêcher le jansénisme ailleurs.
Ceci ne s'accorderait pas avec le certificat élogieux qui
fut délivré au jeune prêtre quand il quitta l'Auvergne
et où l'évêque attestait « que rien n'était venu à sa con
naissance contre sa doctrine. » Nous savons ce qu'il
y a à penser des certificats qu'on donne aux gens quand
on veut les éconduire; et cependant, j'aime mieux croire,
pour le moment, qu'en partant de sa province natale
M.Brugière ne fit qu'imiter beaucoup de ses compatriotes,
cadets de Gascogne ou d'Auvergne, qui vont chercher
fortune à Paris.
L'ambition du nouvel arrivant se bornait à l'obtention
d'un poste de chapelain à la Salpêtrière; réunis en com
munauté, les chapelains n'avaient à s'occuper d'aucun
des détails pratiques de la vie domestique; leur besogne
faite, ils disposaient d'assez de temps pour travailler,
cultiver des relations agréables ou utiles et se faire
entendre dans les églises de Paris.
M. Brugière avait-il été précédé par quelque mauvais
bruit? Toujours est-il qu'en dépit de la protection d'amis
influents qui s'employèrent en sa faveur, il n'obtint pas
ce qu'il espérait; après avoir longtemps sollicité une
place, il dut se résigner à entrer dans la communauté
de Saint- Roch pour y remplir les fonctions de « distri- UN JANSÉNISTE : PIERRE BRUGIERE 31
buteur du casuel », ce qui correspond en partie aux attr
ibutions actuelles du prêtre-trésorier.
Cette déconvenue l'irrita contre l'archevêque de Par
is; un peu trop porté à se croire persécuté, il voulut
expliquer son insuccès par quelque manœuvre sourde
des Jésuites.
La suite prouva qu'il avait tort de se poser en victime,
car, sur le bon témoignage que rendit, peut-être à la
légère, le curé de Saint- Roch, M. Marduel, l'abbé Bru-
gière ne tarda pas à recevoir la permission de prêcher
et de confesser; il fut même chargé, par une faveur
accordée rarement à des hommes de son âge, de diriger
quelques-unes des religieuses de l'abbaye de Sainte-
Périne. Il ne tenait qu'à lui de continuer paisiblement
un ministère qui pouvait devenir de plus en plus fruc?
tueux, quand, par ses imprudences, il perdit sa place.
C'était, disait-il, un coup des Jésuites; ils l'avaient
espionné, trahi et dénoncé ! Je crois que, s'il avait voulu
être juste, il n'aurait accusé personne que lui-même :
jamais il n'avait dissimulé ses dispositions : dans sa
bibliothèque, il aimait à montrer, à la place d'honneur,
le

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