La Corse et le tourisme - article ; n°3 ; vol.37, pg 207-224
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Description

Revue de géographie de Lyon - Année 1962 - Volume 37 - Numéro 3 - Pages 207-224
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 45
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Anine Renucci
La Corse et le tourisme
In: Revue de géographie de Lyon. Vol. 37 n°3, 1962. pp. 207-224.
Citer ce document / Cite this document :
Renucci Anine. La Corse et le tourisme. In: Revue de géographie de Lyon. Vol. 37 n°3, 1962. pp. 207-224.
doi : 10.3406/geoca.1962.1740
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geoca_0035-113X_1962_num_37_3_1740LA CORSE ET LE TOURISME
par Janine Renucci
Vidée de ses ressources humaines et de ses possibilités d'essor par
une émigration séculaire qui a amputé ses élites, la Corse doit en partie
à cette émigration son archaïsme et, paradoxalement aussi, les succès
touristiques qu'engendre sa réputation d'île sauvage, restée à l'écart
des formes de civilisation de l'Europe industrielle. Comprise dans le
réseau des sites atteints par les grands déplacements saisonniers des
foules urbaines, toujours plus avides de soleil, elle semble trouver, dans
cette immigration passagère, un espoir de redressement. Fallacieux ou
solide ? le choix serait précoce ; élément efficace de mutation cependant,
puisque les liens avec le continent se renforcent, à l'heure où la richesse
ne peut plus guère venir que d'une incitation extérieure.
I. — Les succès du tourisme
L'attraction croissante qu'exerce la Corse sur ce nomade temporaire
qu'est le touriste s'exprime par l'invasion estivale qui transfigure péri
odiquement la physionomie de l'île. Migrations massives plus aisées à
évaluer que dans les autres départements français : les compagnies
maritimes et aériennes, grâce à la publication des chiffres de voyageurs
arrivés, fournissent, en effet, des éléments statistiques sûrs 1.
Ces données numériques présentent pourtant un double inconvénient.
Ne remontant pas au-delà de 1954, elles n'autorisent d'abord qu'une
exploration limitée dans le temps. L'effectif total des arrivées surpasse,
d'autre part, largement le flux touristique réel car il englobe les va-et-
vient permanents entre île et continent, auxquels s'ajoute la venue de
1. Les chiffres ont été communiqués par la Délégation Régionale du tourisme à
la Préfecture d'Ajaccio. Ils proviennent de la Compagnie Générale Transatlantique
sur les lignes Marseille - Ajaccio (ou Propriano) et Bastia, Nice - Ajaccio ou Bastia
et Nice-Balagne.
— De la Compagnie Tirrenia sur les lignes Livourne - Basîjia - Porto Torres et
Sardaigne-Bonifacio.
— Des Compagnies Air-France, Air-Algérie, Tunis- Air, U.A.T., pour les liaisons
avec l'Afrique du Nord et la France continentale.
— De la Compagnie British European Airways pour la ligne Londres- Ajaccio-
Malte. 208 J. RENUCCI
Corses expatriés qu'attirent des attaches familiales et la nostalgie du
pays natal .Un essai de discrimination entre ces catégories a été tenté :
le pourcentage touristique paraît varier dans de fbrtes proportions,
de 25 % sur les lignes aériennes atteignant Bastia à 90 % sur celles
qui aboutissent à Calvi, tandis que la moyenne oscille autour de 50 %.
Hypothèses instructives mais dangereuses dans la mesure où elles ri
squent d'entraîner un cloisonnement arbitraire.
Les Corses émigrés peuvent se muer, par exemple, en excursionnistes
éphémères : combien d'originaires de ГЕп-Deçà des Monts, familiers
des horizons provençaux ou des trépidations parisiennes, ne découvrent
Bonifacio qu'au cours d'une randonnée de vacances, tant l'Au-Delà
des Monts fait encore figure, à leurs yeux, de monde ignoré, presque
répulsif. En revanche, beaucoup d'Italiens partis de Livourne ou de
Sardaigne, sous l'étiquette de touristes, ne passent la mer qu'avec des
intentions lucratives et font régulariser leur situation sur place, après
avoir trouvé du travail.
Malgré ces réserves, la valeur des statistiques s'exprime à travers le
volume de la clientèle insulaire qu'elles révèlent. En 1960, 275.000 per
sonnes ont abordé en Corse : foule presque doublée par rapport au total
de 1954 et devenue ainsi deux fois supérieure à la population locale
que des évaluations récentes abaissent à 140.000 habitants2.
Affluant en groupes plus denses, les visiteurs continuent à préférer
le paquebot, mais dans une proportion moindre que par le passé : 3 sur
4 l'empruntaient en 1954, 2 sur 3 seulement aujourd'hui. Parce que le
bateau, apte aux transports de masse, est capable de satisfaire un large
public : celui qu'intéresse le coût de déplacement le moins onéreux,
celui qui, identifiant vacances et liberté vagabonde, juge l'automobile
ou la caravane indispensables. Mais la brièveté du voyage favorise la
concurrence de la voie aérienne, lui permettant d'atteindre le stade
d'une fréquentation populaire.
Le déferlement de cette multitude grandissante obéit à un rythme si
saccadé que les quatre mois d'été, de juin à septembre, concentrent
70 % du chiffre annuel des arrivants (fig. 1 ) ; les étrangers en consti
tuent le tiers, Anglais surtout, suivis des Belges, des Scandinaves et
des Allemands. Les plus nombreux débarquent en juillet . 77.000 en
1960. C'est l'époque des rotations accélérées des paquebots en prove
nance de Marseille ou de Nice. A Bastia et Ajaccio, surtout dans les
petits ports de Balagne où la gamme des activités est restreinte, chaque
arrivée revêt la solennité d'un événement capital.
Elle attire les désœuvrés qui y assistent en spectateurs comme à une
fête bruyante et colorée, se déroulant selon un cérémonial immuable.
Dès l'apparition du navire dans la rade, ruée frénétique des taxis et
des autocars vers le port ; pendant l'accostage, la foule, agglutinée
2. Député M. Neuwirth, Rapport d'Information sur la situation économique de
la Corse et les travaux d'aménagement agricole et touristique. Annexe au procès-
verbal de la séance du 7 juillet 1961 (p. 12), Imprimerie de l'Assemblée Nationale. LA CORSE ET LE TOURISME 209
aux barrières des quais, s'anime de remous vigoureux, dominée par les
pancartes de ralliement des responsables des clubs de camping, venus
accueillir les adhérents. Puis les passerelles canalisent un flot épais
qui s'écoule avec lenteur, dans un laisser-aller bon enfant, tandis que
les grues travaillent au déchargement des voitures ; celles-ci s'égrènent
en longue file, avant de se mêler au vrombissant mouvement de reflux
qui entraîne vers la ville les véhicules surchargés.
80000-
7000G
60000
50000
40000
JFMAMJnJtASÔN
Fig. 1. — Fluctuations mensuelles des arrivées de voyageurs en I960.
La vie fébrile de l'été s'effondre brusquement dès octobre pour faire
place à un temps de somnolence qui se prolonge jusqu'en avril. Moins
de 10.000 voyageurs par mois abordent en Corse alors que les liaisons
maritimes et aériennes s'espacent. Légère est la charge de l'unique
paquebot mensuel qui touche Calvi : ainsi le « Napoléon » s'y présent
ait avec 116 passagers le 15 janvier 1961, tandis que 1286 en descen
daient le 5 août suivant. L'irrégularité intersaisonnière affecte surtout
les communications par mer, qui fléchissent si gravement que le trafic
aérien de voyageurs parvient accidentellement à dépasser le
maritime. Car, seuls, viennent en hiver ceux que leurs activités profes
sionnelles contraignent aux déplacements : hommes d'affaires ou repré
sentants, pressés d'arriver et de repartir et ne s'arrêtant pour de brefs
séjours qu'à Bastia et Ajaccio. 210 J. RENUCCI
Ainsi la nullité du mouvement touristique dans la mauvaise saison
engendre un repli passager qu'exprime la maigreur des échanges
humains autant que commerciaux, entre le continent et l'île.
Saccadée dans le temps, la marée saisonnière est si irrégulièrement
répartie dans l'espace qu'on pouvait distinguer, avant même l'expansion
actuelle, une Corse des touristes et une Corse non touristique 3.
Cette dernière est l'ozuvre des hommes, plus que de la nature. Elle
est faite de secteurs isolés, restés à l'écart des lignes de force de la
grande circulation. On a voulu la mettre en relation avec la distribution
de la population locale, encore concentrée dans les villages d'altitude,
entre 400

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