La politique familiale au Québec : la recherche d’un équilibre entre différents objectifs - article ; n°2 ; vol.9, pg 31-42
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Santé, Société et Solidarité - Année 2010 - Volume 9 - Numéro 2 - Pages 31-42
La politique familiale du Québec, de loin la plus élaborée de toute l’Amérique du Nord, se compare favorablement à celles des pays européens les plus progressistes en la matière. En plus de la promotion de la natalité, cette politique vise l’équité sociale, le développement des enfants et l’intégration des femmes en emploi. Ensemble, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec offrent aux familles les plus pauvres un soutien monétaire assez généreux. Les montants versés diminuent à mesure que le revenu familial augmente, mais les familles ayant des revenus supérieurs à 100 000 $ par année reçoivent quand même une aide de plusieurs milliers de dollars. Par ailleurs, le Québec est la seule province canadienne à proposer des services de garde à un tarif réduit de 7 $ par jour pour les enfants d’âge préscolaire et scolaire. En outre, il offre des prestations parentales pendant un maximum de 55 semaines, dont cinq réservées aux pères, à des conditions plus généreuses que le programme fédéral d’assurance emploi en vigueur dans les autres provinces. Cette politique familiale semble avoir eu un impact favorable sur l’indice synthétique de fécondité, qui est passé de 1,45 en 2000 à 1,74 en 2008, ainsi que sur la participation au marché du travail des mères.
Quebec’s family policy, by far the most elaborate in North America, compares favourably with European countries having the most progressive policies. In addition to increasing the birth rate, the objectives of this policy are to promote social equity, child development and women’s labour force participation. Both the federal and Quebec governments provide generous monetary support to the poorest families. The amounts distributed are reduced as family income increases but families with incomes of over $ 100,000 also receive several thousand dollars in support. Quebec is also the only Canadian province to offer child-care services at a reduced rate of $ 7 a day for both pre-school and schoolaged children. It also offers parental benefits for a maximum of 55 weeks, of which five are reserved for fathers, with more generous conditions than the federal employment insurance program available in other provinces. Quebec’s family policy appears to have had a favourable impact on the total fertility rate, which increased from 1.45 in 2000 to 1.74 in 2008, as well as on the labour force participation of mothers.
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Publié le 01 janvier 2010
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LÉ V O L U T I O N D E S P O L I T I Q U E S F A M I L I A L E S E T D E L A F É C O N D I T É
dossierPolitiques familiales et fécondité
La politique familiale au Québec : la recherche d’un équilibre entre différents objectifs
Ruth RoseQUÉBEC Professeure associée, Département des sciences économiques, Université du Québec à Montréal
La politique familiale du Résumé Québec, de loin la plus élaborée de toute l’Amérique du Nord, se compare favorablement à celles des pays européens les plus progressistes en la matière. En plus de la promotion de la natalité, cette politique vise l’équité sociale, le développement des enfants et l’intégra tion des femmes en emploi. Ensemble, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec offrent aux familles les plus pauvres un soutien moné taire assez généreux. Les montants versés diminuent à mesure que le revenu fami lial augmente, mais les familles ayant des revenus supérieurs à 100 000 $ par année reçoivent quand même une aide de plusieurs milliers de dollars. Par ailleurs, le Québec est la seule pro vince canadienne à proposer des services de garde à un tarif réduit de 7 $ par jour pour les enfants d’âge préscolaire et scolaire. En outre, il offre des prestations parentales pendant un maximum de 55 semaines, dont cinq réservées aux pères, à des conditions plus généreuses que le programme fédé ral d’assurance emploi en vigueur dans les autres provinces. Cette politique familiale semble avoir eu un impact favorable sur l’indice synthé tique de fécondité, qui est passé de 1,45 en 2000 à 1,74 en 2008, ainsi que sur la par ticipation au marché du travail des mères.
Quebec’s family policy, Abstract by far the most elaborate in North America, compares favourably with European countries having the most progres sive policies. In addition to increasing the birth rate, the objectives of this policy are to promote social equity, child development and women’s labour force participation. Both the federal and Quebec governments provide generous monetary support to the poorest families. The amounts distributed are reduced as family income increases but families with incomes of over $100,000 also receive several thousand dollars in support. Quebec is also the only Canadian province to offer childcare services at a reduced rate of $7 a day for both preschool and school aged children. It also offers parental benefits for a maximum of 55 weeks, of which five are reserved for fathers, with more generous condi tionsthan the federal employment insurance program available in other provinces. Quebec’s family policy appears to have had a favourableimpact on the total fertility rate, which increased from 1.45 in 2000 to 1.74 in 2008, as well as on the labour force partici pation of mothers.
SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ
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dossierPolitiques familiales et fécondité
a politique familiale du Québec, de loin la plus élaborée de toute péeLns les plus progressistes en la matière l’Amérique du Nord, se compare favorablement à celles des payseuro (Ministère des Finances, 2009). Une préoc cupation séculaire à l’égard de la natalité est en grande partie à l’origine de cette politique, mais des soucis d’équité sociale, du dévelop pement des enfants et de l’intégration des femmes en emploi ont également contribué à façonner les contours des divers programmes.
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Nous traiterons ici de trois aspects de la politique familiale québécoise et fédérale : le soutien financier aux familles avec enfants, les services de garde et les congés et pres tations parentaux. Après avoir dressé un historique de ces politiques, nous présente rons en détail les politiques de soutien monétaire aux familles et les politiques de financement des services de garde.
Au cours de l’histoire, différentes philo sophies se sont confrontées, créant quelques fois des renversements majeurs d’orientation. D’un côté, il y a eu une vision traditionnelle de la famille nombreuse avec la femme au foyer et une aide monétaire versée au père « gagnepain », vision qui a largement dominé jusqu’en 1996. S’opposant à cette orienta tion, on retrouve une approche d’inspiration scandinave qui vise la promotion du travail des femmes, notamment par des mesures d’incitation au travail pour les bénéficiaires de l’aide sociale ainsi que la création et le financement généreux des services de garde et des prestations parentales. Avec cette approche, l’aide monétaire est versée prin cipalement aux mères et offre un meilleur appui aux familles monoparentales.
Un autre thème de divergence dans les politiques a trait à la façon de concevoir les services de garde : garderies sans but lucratif, réglementées et financées en grande partie par l’État, versus une approche diversifiée appuyée par une aide fiscale aux parents qui peuvent choisir entre une garde informelle, des garderies à but lucratif et même une com pensation financière aux mères qui restent au foyer pour s’occuper ellesmêmes de leurs enfants.
Aujourd’hui, les politiques en vigueur reflètent un mélange de ces différentes phi losophies, ayant été créées à différentes
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époques par différents partis politiques. De plus, les valeurs sociales ont beaucoup évo lué depuis les années 1970 et le droit des femmes de participer activement au marché du travail fait largement consensus main tenant. Toutefois, certaines politiques, notam mentcelles du gouvernement fédéral, offrent un appui aux femmes au foyer et subvention nent des services de garde non réglementés.
Le soutien financier aux familles : bref historique
La « revanche des berceaux » et les premières politiques de soutien La préoccupation à l’égard de la natalité et de la politique familiale a une longue histoireau Québec. Linteauet al.(1979) offrent trois explications principales pour les taux élevés de fécondité des Canadiennes françaises au e XIXsiècle : d’abord une population rurale et peu instruite pour laquelle les enfants représentaient une source de maind’œuvre bon marché, ensuite la pratique du catholi cisme et finalement la propagande nationa liste en faveur de la « revanche des berceaux ». Cette dernière expression référait au fait qu’à partir de la conquête anglaise de 1760, les francophones devaient compter sur la croissance naturelle pour assurer l’augmen tation de la population et conserver leur langue, leur culture et le droit civil français puisque l’immigration de la France était désormais interdite. Comme les autres pays qui s’industrialisent et s’urbanisent, le Québec a connu une baisse importante de la natalité entre 1866 et 1930, mais celleci a été moins forte et plus tardive qu’en Ontario par exemple (Linteauet al., 1979), entre autres raisons à cause de l’opposition de l’Église catholique à la contraception et l’avortement (Dumontet al., 1982). Au Canada, les questions de bienêtre sont, en principe, de compétence provinciale. Toutefois, en vertu de son droit de taxer et de dépenser, le gouvernement fédéral a été le premier à agir en matière de soutien finan cier aux familles, en introduisant des exemp tions fiscales pour enfants en 1918 et des allocations familiales universelles en 1944 (Ministère de la Santé nationale et du Bien être social Canada, 1985). Il a aussi été le premier, en 1978, à introduire une mesure
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dossierPolitiques familiales et fécondité
sous conditions de ressources : un crédit 1 d’impôt remboursable . La lutte contre la pauvreté des familles était le principal motif de ces mesures (Guest, 1993).
Le Québec a introduit des exemptions fiscales pour les enfants de 16 à 21 ans ainsi que pour les enfants plus âgés poursuivant des études postsecondaires lors de la créa tion de son propre régime fiscal en 1954. En 1961, il a créé des allocations pour les enfants de 16 et 17 ans encore aux études ou handicapés, initiative suivie par le gou vernement fédéral en 1964 (Guest, 1993).
Avec la Révolution tranquille de 1960, un virage politique et culturel majeur qui mar quait la fin de la domination de l’Église catholique, le Québec a connu une chute marquée de la natalité le ramenant presque au dernier rang des pays industrialisés en 1985 alors qu’il était, auparavant, parmi les premiers (Institut de la statistique du Québec, 2006). En 1967, le Québec a créé son propre programme d’allocations fami liales universelles et il demeure, aujour d’hui, la seule province canadienne à offrir des prestations pour enfants sur une base universelle même si quelquesunes offrent des crédits d’impôt non remboursables modestes dont bénéficient les familles 2 imposables .
En 1974, le Québec a révisé son pro gramme d’allocations familiales de façon à favoriser les familles nombreuses, mais les montants étaient faibles. En 1981, il a créé l’Allocation de disponibilitévisant à recon naître le travail des femmes auprès de leurs enfants d’âge préscolaire ou à les aider à payer les frais de garde.
La réforme de 1985 : des politiques favorisant les familles nombreuses et les femmes au foyer
En 1984, le gouvernement a publié un document de consultation sur la politique familiale. Le rapport découlant de cette consultation a inspiré la politique familiale au cours de la décennie suivante. Dans la
préface du document, le ministre des Affaires sociales, Camille Laurin, insiste sur l’enjeu de la natalité tout en soulignant que la politique familiale vise également d’autres objectifs : « Le Québec fait face à une situation sociale et démographique difficile. [….] Les caractéristiques démographiques de la population du Québec se ramènent à trois : la faible natalité, le fait que plus d’émigrants sortent du pays qu’il y a d’immigrants qui entrent et la diminution de la mortalité. C’est le propre d’une politique de population de proposer, dans chacun de ces domaines, des mesures qui contribueraient à maintenir à son présent niveau ou à augmenter la population actuelle. » (Gouvernement du Québec, 1984) Le ministre Laurin poursuit en expliquant que la baisse de la natalité n’est pas unique au Québec et que « [le] choix de fonder une famille et d’avoir tel nombre d’enfants, en 1984, est plus complexe qu’il ne l’était dans les années 50. » Il pose ensuite la question : « Néanmoins, ne peuton pas penser qu’une politique familiale basée sur la qualité de vie des familles aura un impact sur la fécondité ? » On voit ici une transition entre la préoccu pation de maintenir la place du Québec au sein de la population canadienne qui carac térise la période d’avant 1960 et celle d’un déséquilibre démographique résultant du vieillissement qui est devenue plus explicite dans la période récente.
Entre 1985 et 1988, une réforme globa le de la fiscalité et de certains programmes de sécurité du revenu a créé une armature aux politiques familiales. En premier lieu, on a réaffirmé des mesures visant à encou rager la natalité et les familles nombreuses : conversion de l’Allocation de disponibilitéen Allocation universelle de jeune enfant, avec des montants plus importants à partir du troi sième enfant, et introduction de l’Allocation à la naissance000 $ (suroffrant jusqu’à 8 cinq ans) à partir du troisième enfant.
De façon moins explicite, on se trouvait à promouvoir la famille traditionnelle avec un gagnepain masculin en introduisant, pour
1. Un crédit d’impôt personnel réduit l’impôt que le contribuable doit payer. Si le crédit est supérieur à l’impôt à payer, le contribuable recevra du gouvernement l’excédent dans le cas du crédit d’impôt remboursable, mais non dans le cas du crédit d’impôt non remboursable. 2. Cette conclusion découle d’une analyse détaillée des informations fournies en ligne à l’adresse suivante : <www.prestationsduCanada.gc.ca>.
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97 348 96 054 92 322 90 417 87 258
85 130 79 724 75 865 73 599 72 010 73 699 72 478
61 834 77 349 85 271 83 625
86 008 84 579 83 600
83 857 121 842 141 224 96 512 97 498
9,9 9,8 10,1 10,7 11,0 11,3 11,3
81 962 84 453 87 600 88 600
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t a b l e a u1
environ 3,3 environ 3,8 3,86 2,09 1,63 1,39 1,37 1,36 1,42 1,51 1,63 1,65 1,67 1,64 1,64 1,62 1,61
dossierPolitiques familiales et fécondité
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la première fois, des exemptions fiscales pour les enfants de tout âge et une bonifi cation importante de l’avantage fiscal accordé pour une conjointe financièrement
NAISSANCES TAUX POUR 1 000 PERSONNES
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ANNÉE
1,50 1,54 1,65 1,69 1,74 1,73
La réforme de 19851988 semble avoir pro duit des résultats puisque le nombre de naissances a augmenté de 83 600 en 1987 à 98 013 en 1990 (voir tableau 1). Toutefois, ce regain fut de courte durée puisque le nombre de naissances était redescendu à 85 130 en 1996 atteignant un creux de 72 010 en 2000. Au pouvoir pendant cette période, le Parti québécois a choisi une approche axée sur la promotion du travail des femmes et la conciliation travailfamille. Les deux pièces maîtresses de cette réforme étaient des ser vices de garde universels à 5 $ par jour et un nouveau régime d’assurance parentale qui, toutefois, n’a pas vu le jour avant 2006 en rai son de l’opposition du gouvernement fédéral. En présentant sa réforme, le gouverne ment s’est abstenu de lui donner un objectif nataliste. La seule référence à ce sujet concernait l’Allocation à la naissanceintro duite en 1985 et maintenant abolie : « Ainsi, l’Allocation à la naissance, qui visait à favo riser la fécondité, n’a pas produit de résultats vraiment probants et, de toute évidence, la formule qui consiste à soutenir plus géné reusement la troisième naissance ne répond pas aux besoins de la majorité des familles d’aujourd’hui » (Gouvernement du Québec, 1997). Les objectifs de la réforme de 1997 étaient plutôt : £ d’assurer l’équité par un soutien uni versel aux familles et une aide accrue aux familles à faible revenu ; £ de faciliter la conciliation des respon sabilités parentales et professionnelles ; £ de favoriser le développement des enfants et l’égalité des chances (Gouvernement du Québec, 1997).
La réforme de 1997 : promouvoir la participation des femmes au marché du travail
dépendante. Le revers de la médaille était des réductions importantes de l’aide accordée aux responsables de familles monoparentales ainsi qu’une réforme des programmes d’aide sociale qui, par la suite, ont subi des coupes année après année. Or, les familles monopa rentales ayant des jeunes enfants représentent une des clientèles les plus importantes de l’aide sociale.
1,54 1.49 1,47 1,45 1,50 1,48 1,50
environ 5,3
INDICE SYNTHÉTIQUE DE FÉCONDITÉ
Naissances et taux de natalité, Québec, 19002009
39,5 39,3 36,7 29,6 25,6 30,7 27,5 16,1 15,0 12,9 12,6 12,3 12,6 13,2 14,0 13,8 13,5 12,9 12,6 12,1 11,7 11,0 10,4 10,1 9,8 10,0 9,7
86 358 91 751 98 013
73 916 74 068 76 341
Sources : ISQ, 2010. Pour l’indice de fécondité antérieur à 1960, diverses sources de l’Institut de la statistique du Québec.
1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
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Malheureusement, les investissements dans les services de garde ont été financés à l’époque presque entièrement par l’aboli tion des allocations de naissance et de jeune enfant ainsi que par la transformation du caractère universel des allocations générales en une mesure sous condition de ressources. Toutefois, des crédits d’impôt non rembour sables pour enfants continuaient à offrir un certain soutien aux familles à revenu plus élevé (Rose, 2005).
Une des dimensions importantes de la réforme était « d’enlever les enfants de l’aide sociale » en couvrant les besoins essentiels des enfants des familles les plus pauvres par une combinaison de l’allocation familiale du Québec et des prestations fédérales pour enfants, lesquelles ont été augmentées de façon substantielle à cette époque. Ainsi, l’écart entre un travail au salaire minimum et la prestation d’aide sociale était le même pour une mère ou un père de famille monopa rentale que pour une personne seule, ce qui réduisait le montant qui devait être gagné pour devenir indépendant de l’aide sociale. De même, l’écart pour un couple avec enfants était le même que pour un couple sans enfants. Pour renforcer l’incitation au travail, on offrait davantage de soutien aux familles dont le revenu provenait d’un travail à faible salaire, d’abord par les prestations pour enfants, puis par un nouveau régime d’assurance
médicaments et un élargissement de l’admis sibilité à l’allocationlogement. Ces mesures ont probablement contribué à une hausse de la participation des femmes au marché du travail et à une réduction de la pauvreté des familles monoparentales.
La réforme de 2005 : enfin un programme de soutien monétaire convenable
La période entre 1997 et 2004 a été marquée par une philosophie néolibérale, tant au Québec qu’au niveau canadien. Des réduc tions d’impôt, combinées à des coupes dans les programmes sociaux, ont défait l’harmoni sation entre les diverses mesures. D’une part, l’aide sociale, le programmeAide aux parents 3 pour leur revenu de travail(APPORT) et les allocations familiales n’étaient pas ou peu indexés sur le coût de la vie. D’autre part, le régime fiscal était indexé, ce qui haussait le seuil de nonimposition et rendait les familles à revenu modeste inadmissibles aux mesures fiscales pour les enfants (Rose, 2005). Ainsi, en 2003, les familles biparen tales gagnant entre 20 000 $ et 35 000 $ se retrouvaient les cousins pauvres du système : trop « riches » pour avoir droit au programme APPORT ou à l’allocation familiale, mais trop « pauvres » pour bénéficier pleinement des mesures fiscales. La figure 1 illustre cette situation pour un couple ayant deux enfants.
f i g u r e1Aide du Québec aux familles, 2003 et 2005, couple avec deux enfants (en $ constants de 2003)
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
0
Source : calculs de l’auteure.
Revenus d’emplois ($)
3. Ce programme est expliqué davantage à la page suivante.
2005 2003
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Armés de cette analyse et d’une démons tration que les réductions d’impôt de la der nière décennie n’avaient bénéficié qu’aux mieux nantis, quatorze groupes de femmes ont demandé au gouvernement libéral d’utiliser l’argent prévu dans leur programme électoral de réduction des impôts pour réviser la poli tique de soutien monétaire aux enfants (Rose, 2004). Le budget de 2004 a répondu posi tivement à cette demande en investissant 700 M$ dans les nouveaux programmesSou tien aux enfants et Prime au travail, tandis que l’ancienne allocation familiale, le pro gramme APPORT, laRéduction d’impôt à l’égard de la familleet les crédits non rem boursables pour enfants ont été abolis (Ministère des Finances, 2004a). En annon çant ces mesures, le ministre des Finances, Yves Séguin, a déclaré : « Les changements démographiques donnent une nouvelle urgence au soutien à apporter aux familles avec de jeunes enfants » (Ministère des Finances, 2004b). Selon le gouvernement, ces modifications représentaient une réduction majeure du fardeau fiscal, en priorité pour les familles, les travailleurs à faible revenu et les classes moyennes.
L’incitation au travail et les suppléments au revenu gagné
L’incitation au travail, notamment pour les mères de famille monoparentale, est un des objectifs explicites de la politique de sécu rité du revenu et de la politique familiale au Québec, une préoccupation qui a pris plus de place à mesure que le nombre de familles monoparentales a augmenté et que la par ticipation au marché du travail des mères de famille est devenue une valeur sociale 4 généralisée .
En 1979, le Québec a créé leSupplément au revenu du travail(SUPRET) inspiré duEarned Income Tax Credit(EITC) des ÉtatsUnis, lequel demeure la seule mesure généralisée de soutien aux enfants dans ce pays. En 1988, le SUPRET a été transformé en programme APPORT (Aide aux parents pour leur revenu de travail) auquel seules les familles avec enfants à charge étaient admis sibles. À son tour, ce programme a cédé sa
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place à laPrime au travailen 2005. Les pro grammes québécois de supplément au revenu gagné ont servi de modèle pour des prestations similaires au niveau fédéral et dans les autres provinces. À partir des années 1990, certains pays européens ont également adopté cette approche.
Un des problèmes avec toute mesure sous condition de ressources, comme l’aide sociale ou un supplément au revenu gagné, est le fait qu’à mesure que les autres revenus du béné ficiaire augmentent, le montant de l’aide est réduit. Dans le cas de l’aide sociale, le taux de réduction est de 100 %, ce qui fait qu’un bénéficiaire n’a pas intérêt à travailler s’il ne peut pas gagner beaucoup plus que sa pres tation d’aide sociale. Un supplément au revenu gagné vise à compenser partiellement cette réduction. Par exemple, laPrime au travail redonne 0,25 $ pour 1 $ de gains aux familles biparentales et 0,30 $ aux familles monopa rentales. LaPrime au travail, tout comme son prédécesseur le programme APPORT, est conçue de façon à atteindre son maximum au point où les gains du bénéficiaire sont suf fisants pour le rendre inadmissible à l’aide sociale.
Cependant, le taux de réduction du sup plément au revenu gagné peut aussi être un problème, puisque le bénéficiaire doit souvent payer des impôts et des cotisations sociales (assuranceemploi, Régime de rentes du Québec, etc.) sur ces gains additionnels. Par exemple, le taux de récupération du pro gramme APPORT était de 43 % des gains qui dépassaient le seuil de sortie de l’aide sociale. En conséquence, à la fin de l’année, une mère de famille monoparentale qui gagnait 20 000 $ pouvait se trouver avec moins d’argent dans sa poche que celle qui ne gagnait que 15 000 $ (Rose, 1998). En fait, toute fluctuation du revenu, vers le bas ou vers le haut, avait un impact important sur le montant de la prestation et beaucoup de familles à revenu très faible devaient rem bourser des « trop payés ». Ainsi, plusieurs préféraient ne pas demander leur prestation du programme APPORT.
LaPrime au travailcherchait à corriger ces deux problèmes parce que son taux de
4. Par exemple, le troisième rapport deFamilles en tête(Secrétariat de la condition féminine, Québec, 1994) identifie le « maintien de l’incitation au travail » comme le troisième objectif de l’intervention gouvernementale auprès des familles, ensemble avec la « reconnaissance sociale de la famille » et la « prise en compte des coûts reliés aux enfants ».
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récupération est de seulement 10 %. De plus, la grande majorité des gens demandent leur prestation au moment de remplir leur déclaration annuelle de revenus, ce qui évite 5 des trop payés .
Les programmes de soutien financier en vigueur aujourd’hui
La figure 2 illustre la variation, selon le revenu d’emploi, du montant de l’aide des programmes fédéraux et provinciaux pour les enfants tels qu’ils s’appliquent au Québec dans le cas d’une famille monoparentale ayant un enfant d’âge scolaire et ne payant pas de frais de garde. Les montants accordés aux familles biparentales évoluent de façon simi laire, mais à un niveau un peu plus faible.
Les politiques fédérales
La tendance au niveau fédéral a été de créer une multitude de programmes ayant souvent des effets contradictoires. Des prestations sous condition de ressources visant les familles à faible revenu, combinées à des mesuresfis cales profitant davantage aux contribuables à revenu élevé, faisaient en sorte que les familles de la classe moyenne recevaient moins d’aide que les plus riches avant 1993. En 1993, le gouvernement fédéral a consolidé trois pro grammes, soit les allocations familiales uni verselles, un crédit d’impôt sous condition de ressources et une mesure fiscale favori sant les familles les plus riches, en un seul programme appelé laPrestation fiscale canadienne pour enfants(PFCE). Parmi les mesures existantes, seul le crédit d’impôt non remboursable pour le premier enfant d’une famille monoparentale a été conservé. Alors que les dépenses totales au chapitre des familles avaient diminué de façon sys tématique entre 1973 et 1995, l’année 1996 marque un revirement avec de nouvelles injections de fonds dans la PFCE presque toutes les années par la suite (Rose, 2008). Toutefois, les premières augmentations ont
été financées par des coupes dans les trans ferts aux provinces pour les programmes d’aide sociale et d’autres programmes sociaux comme 6 l’aide financière pour les services de garde .
La PFCE demeure la pièce centrale de la politique fédérale et donc le programme le plus important pour les familles partout au Canada, y compris le Québec. En 2008, la PFCE, combinée auSupplément national 7 pour enfant, accorde un montant de 3 332 $ par année pour le premier enfant et environ 3 102 $ pour les autres enfants aux familles ayant un revenu inférieur à environ 21 000 $. Audelà de ce seuil, le Supplément est réduit à un taux variant de 12,2 % pour les familles avec un enfant à 33,3 % pour les familles ayant trois enfants ou plus, ce qui ajoute au problème d’une récupération trop rapide de l’aide pour des familles dont le revenu est plutôt modeste. À un niveau de revenu d’environ 37 500 $, le Supplément devient nul et la PFCE au sens propre est réduite à un taux de 2 % pour les familles ayant un seul enfant et de 4 % pour celles ayant au moins deux enfants. La PFCE cesse de s’appliquer à un revenu familial d’environ 100 000 $ pour les familles ayant un ou deux enfants et à un niveau plus élevé pour les familles plus nombreuses.
En 2007, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a réinstauré un crédit d’impôt non remboursable pour chaque enfant, ce qui donne une économie d’impôt 8 de 300 $ (250 $ au Québec) . Les familles monoparentales ont droit à un crédit addition nel pour leur premier enfant, ce qui se traduit en économie d’impôt de 1 440 $ (1 202 $ au Québec).
En 2007 également, le gouvernement fédé ral a créé laPrestation fiscale pour revenu du travail(PFRT), un supplément au revenu gagné dont le prédécesseur avait été sup primé en 1997. Cette prestation ne paraît pas sur la figure 2 présentée plus loin parce
5. Lors de l’abolition du programme APPORT, le gouvernement comptait économiser seulement 26 M$ par année alors que la nouvelle prime au travail devait coûter 269 M$ (Ministère des Finances, Québec, 2004). On estimait que seulement de 20 % à 30 % des familles admissibles recevaient effectivement des prestations du programme APPORT, alors que le taux d’utilisation duEarned Income Tax Creditaux ÉtatsUnis, administré à l’intérieur du régime fiscal comme laPrime au travail, est d’environ 86 % (Rose, 1998). 6. Cette affirmation vient d’une analyse des augmentations consenties dans les différents budgets fédéraux. 7. Le supplément est un programme destiné aux familles à faible revenu, mais il est intégré administrativement à la PFCE et nous les avons traités ensemble ici. 8. Un crédit d’impôt non remboursable a pour effet d’exempter de l’imposition le montant prévu. Au Québec, l’économie d’impôt est moindre parce que les taux d’imposition sont moins élevés pour les résidants du Québec en raison de relations fiscales fédéralesprovinciales différentes de celles des autres provinces.
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dossierPolitiques familiales et fécondité
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f i g u r e2Aide pour enfants, famille monoparentale avec un enfant d’âge scolaire (sans frais de garde), Québec, 2008
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10 000
8 000
6 000
4 000
2 000
0
PFCE Soutien aux enfants
Allocation logement
Crédit pour la TPS
Revenu d’emploi ($)
Prime au travail
Crédit fédéral pour enfants
Note : Le montant de l’aide représente la différence entre la valeur d’une mesure pour une famille monoparentale et celle pour une personne seule.
que le Québec a choisi de la moduler afin de l’harmoniser avec ses propres politiques : des montants sont accordés seulement pour des adultes et pas pour des enfants, ce qui n’est pas le cas dans les autres provinces.
Un crédit d’impôt remboursable pour la Taxe sur les produits et services(TPS) (une taxe sur la valeur ajoutée) complète le por trait. Il accorde un montant maximum de 127 $ pour chaque enfant dans les familles ayant les revenus les plus faibles et un sup plément de 242 $ pour les familles monopa rentales, soit le même montant que pour un adulte.
Non seulement y atil une nouvelle com plexité dans les politiques fédérales, mais certaines anomalies sont réapparues. En par ticulier, les familles pauvres ne bénéficient pas des crédits non remboursables. Chez les familles monoparentales où ces crédits sont importants, les plus riches peuvent recevoir davantage d’aide que celles de la classe moyenne.
Un examen des discours du budget du gouvernement fédéral aux moments où de nouvelles mesures importantes ont été annoncées, notamment en 1996 et 1997
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(gouvernement libéral) et en 2006 et 2007 (gouvernement conservateur), n’a pas trouvé de références à un objectif d’améliorer la fécondité ou de contrer le vieillissement. Les motifs invoqués étaient plutôt de combattre la pauvreté, de renforcer l’incitation au tra vail pour les prestataires de l’aide sociale, de valoriser la famille et d’améliorer le sort de tous les enfants.
Les politiques du Québec
Le programme central de la politique fami liale du Québec est leSoutien aux enfants. En 2008, il offrait 2 116 $ par année pour le premier enfant, 1 058 $ pour les deuxième et troisième enfants et 1 586 $ pour chacun des autres enfants, avec un supplément de 741 $ pour les familles monoparentales. Les familles monoparentales ayant un revenu inférieur à 31 984 $ recevaient le montant maximum, alors que le seuil pour les familles biparentales était de 43 654 $. En haut de ce seuil, la prestation était réduite de 4 % du revenu additionnel jusqu’à ce qu’il atteigne un plancher de 594 $ pour le premier enfant et de 548 $ pour chaque autre enfant, avec un supplément de 296 $ pour les familles mono parentales (Godbout, StCerny, 2008). Le
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Soutien aux enfantsa donc une composante universelle. LaPrime au travail, un supplément au revenu gagné, représente la deuxième compo santeimportante des politiques du Québec. Elle est coordonnée avec leSoutien aux enfantspuisque celuici commence à diminuer en fonction du revenu à partir du point où la Prime au travaila été entièrement récupérée. Le Québec offre aussi une allocation loge ment d’une valeur maximum de 960 $ par année. Cette allocation est versée à la plupart des familles prestataires de l’aide sociale, mais aussi à celles ayant de faibles revenus de tra vail, afin que la perte potentielle de cette aide ne soit pas un obstacle à l’intégration au marché du travail.
Les services de garde
Jusqu’au début des années 1940, les services de garde au Canada étaient offerts princi palement par des organismes religieux ou charitables. Ils se confondaient souvent avec des orphelinats et accueillaient principale ment les enfants de mères de familles monoparentales (Desjardins, 1991). Pendant la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs pro vinces ou villes ont créé des garderies pour desservir les mères qui remplaçaient les hommes dans les usines, mais ces garderies n’ont pas survécu.
Lorsque les mères commencèrent à inté grer le marché du travail de façon plus systématique dans les années 1970, les pres sions se sont accentuées pour développer un réseau de garderies adéquat. La plupart des services de cette époque ont été initiés par les mères ellesmêmes et étaient financés principalement par les parents et des subven tions temporaires visant la création d’emplois.
Entre 1966 et 1996, le Régime d’assis tance public du Canada (RAPC) finançait la moitié des programmes provinciaux d’aide financière pour les frais de garde des familles bénéficiant de l’aide sociale et éventuellement ceux de l’ensemble des familles à revenu faible. Les provinces pou vaient aussi utiliser ces fonds pour financer des subventions directes pour les places en garderie occupées par les familles admissibles aux programmes d’aide financière, mesure dont le Québec a amplement bénéficié.
Le Québec a été une des premières pro vinces à systématiser sa politique de services de garde avec la Loi sur les services de garde à l’enfance en 1979 (Desjardins, 1991). Au cours des années 1980, il s’est démarqué sur tout par l’ampleur des subventions directes aux garderies et le développement de services en milieu scolaire.
En 1997, le Québec a fait figure de proue en introduisant une politique de services de garde à tarif réduit (5 $ par jour à l’origine et 7 $ par jour à partir de 2004) pour toutes les familles, indépendamment de leur reve nu. Aujourd’hui, le Québec dépasse de loin toutes les autres provinces en termes des fonds consacrés aux services de garde et du nombre de places disponibles, tant pour les enfants d’âge préscolaire que pour ceux fré quentant l’école primaire (Beach et al, 2009, Ministère des Finances, 2009).
En 2006, le Parti conservateur a instau laPrestation universelle pour la garde d’enfants(PUGE) tout en abolissant le pro gramme timide de subventions directes aux provinces mis en place par le gouvernement libéral antérieur. La PUGE donne à toutes les mères un montant de 1 200 $ par année par enfant de moins de 6 ans. Puisque la PUGE est imposable, les familles à faible revenu touchent davantage que celles à revenu plus élevé. Similaire à l’Allocation universelle de jeune enfantdes années 1980 et 1990 au Québec, l’objectif déclaré est « d’aider les Canadiens à concilier leur vie professionnelle et familiale en appuyant leurs choix en matière de garde d’enfants au moyen d’une aide financière » (en ligne : <www.gardedenfants.ca>).
Depuis longtemps, le gouvernement fédéral offre aussi une déduction fiscale pour frais de garde, mais cette mesure pro fite surtout aux familles les mieux nanties. Par contre, le Québec offre aux familles ayant un revenu inférieur à 31 520 $ en 2009 et qui utilisent des services de garde non subventionnés un crédit remboursable égal à 75 % des frais déboursés. Ce pourcen tage diminue à mesure que le revenu augmente pour atteindre un plancher de 26 % pour les familles dont le revenu dépasse 140 450 $. Ainsi, la plupart des services non subventionnés coûtent à peine plus cher aux familles que les 7 $ exigés pour les places subventionnées, mais les familles à revenu
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faible ou moyen paient moins que les mieux nanties.
Dans toutes les provinces, à l’exception du Québec, une aide financière aux familles les plus pauvres demeure la principale forme de contribution étatique pour les frais de garde. En Ontario, par exemple, les frais de garde typiques sont de plus de 1 000 $ 9 par mois . Le programme d’aide financière peut couvrir l’ensemble des frais pour les familles les plus pauvres, mais à partir d’un revenu familial de 40 000 $ l’aide financière diminue de façon rapide. Par exemple, une famille ontarienne ayant un revenu supé rieur à 70 000 $ peut payer pour un seul enfant des frais de garde supérieurs de 5 000 $ à l’ensemble des aides offertes pour l’enfant. En conséquence, ces familles dis posent de 5 000 $ de moins pour leurs autres besoins qu’un couple sans enfants ayant le même niveau de revenu. Elles dis posent de 8 000 $ de moins qu’une famille dont l’enfant est assez âgé pour ne pas avoir besoin de services de garde.
Dans les autres provinces, les frais de garde sont souvent un peu plus abordables qu’en Ontario, mais partout, sauf au Qué bec, les frais de garde demeurent un obs tacle majeur au travail des mères ayant un conjoint. Il n’est pas surprenant alors que le taux d’activité des mères ayant un conjoint et des enfants de moins de 6 ans soit de 75,4 % au Québec comparativement à 71,0 % dans le reste du Canada (calculés à partir des données du Recensement de 2006). Par contre, au Québec, le taux de participation des femmes sans conjoint ayant un jeune enfant est un peu plus faible : 10 69,0 % versus 70,5 % ailleurs au Canada . En effet, dans les autres provinces, les familles les plus pauvres qui bénéficient d’une aide financière paient moins que les 7 $ par jour exigés au Québec dans un service de garde subventionné.
Les prestations et congés parentaux
En 1971, le gouvernement fédéral a créé quinze semaines de prestations de maternité à l’intérieur du régime d’assurance chômage. En 1990, le fédéral a ajouté dix semaines de
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prestations parentales, partageables entre les deux parents. Un des objectifs était de per mettre aux pères biologiques de s’occuper de leurs enfants, tout comme les pères adoptifs pouvaient le faire depuis 1984.
En 1997, le gouvernement du Québec a annoncé son intention de se retirer du régime canadien d’assurance chômage en matière de prestations parentales afin de créer son propre régime. Toutefois, ce n’est qu’en 2006 que le nouveauRégime d’assurance parentale du Québec(RAPQ) a vu le jour puisque le gou vernement fédéral, sous le premier ministre Jean Chrétien, a refusé de négocier les termes d’un tel retrait auparavant. En 2001, le gou vernement fédéral a ajouté 25 semaines de prestations parentales, portant ainsi le total à 50 semaines (15 semaines de prestations de maternité et 35 semaines de prestations parentales après deux semaines de carence).
Le régime québécois est supérieur au programme fédéral à plusieurs égards, notamment en ce qui concerne le taux de remplacement du revenu et l’existence de cinq semaines de prestations de paternité en sus de dixhuit semaines de prestations de maternité et 32 semaines de prestations par tageables entre les deux parents. Au Québec, les travailleuses et travailleurs autonomes sont obligatoirement couverts par le régime dassuranceparentalealorsquelerégime fédéral ne couvrira ce groupe qu’à partir de 2011, et ce, sur une base volontaire. Il est en outre beaucoup plus facile de se qualifier pour les prestations au Québec puisqu’il suffitdavoirgagné2000$(unpeuplusde 200 heures au salaire minimum) au cours de l’année précédente, alors que pour être admissible au fédéral, il faut avoir travaillé 600 heures.
Sans doute en raison des prestations réser vées aux pères, le congé de paternité est en train de se généraliser dans les jeunes familles québécoises. En 2006, année de l’entrée en vigueur du régime, on estime que 48 % de l’ensemble des nouveaux pères québécois ont demandé des prestations de paternité ou parentales comparativement à 10 % des pères dans le restant du Canada (Marshall, 2008). En 2009, on peut estimer que 64 %
9. Le site <www.toronto.ca/children/childcare.htm> indique que les tarifs standards pour une place en garderie pour un enfant de 18 à 36 mois sont de 1 025 $ par mois. 10. Cet écart ne se manifeste pas chez les mères monoparentales dont le plus jeune enfant a au moins 6 ans.
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des nouveaux pères québécois ont demandé des prestations comparativement à 78 % des 11 mères .
En guise de conclusion Dans une recension des écrits, Roy et Bernier (2006) distinguent deux profils de pays industrialisés ayant une fécondité relativementélevée.Dunepart,ilyades sociétés comme les ÉtatsUnis, l’Irlande ou la NouvelleZélande qui ont des valeurs tra ditionnelles, notamment en ce qui concerne les rôles des hommes et des femmes. Ces sociétés ont des niveaux de fécondité élevés malgré la faiblesse des politiques familiales. D’autre part, on retrouve les pays nordiques qui ont des valeurs « modernes » similaires à celles du Québec en ce qui concerne l’égalité des femmes et leur droit au travail rémunéré ; aussi, ils ont un nombre élevé d’enfants nés hors mariage. D’après Roy et Bernier (2006), ces pays ont répondu au désir des femmes de faire carrière et d’avoir des enfants en instaurant des politiques de services de garde abordables, des congés et prestations parentaux généreux, des horaires flexibles, incluant le temps partiel, et un important soutien monétaire aux familles. Au moment où cette analyse a été écrite, le Québec avait un taux de fécondité encore
faible (1,47 en 2002). Par contre, le taux d’activité des femmes âgées de 25 à 54 ans avait déjà rejoint celui du reste du Canada et s’approchait de ceux des pays scandinaves, un résultat que l’on peut probablement attribuer à la politique des services de garde à tarif réduit (Roy, 2006).
Si l’analyse de Roy et Bernier (2006) est juste, l’entrée en vigueur duRégime québé cois d’assurance parentaleen 2006 devait représenter le dernier élément nécessaire pour faire remonter la natalité. Et en effet, l’indice synthétique de fécondité au Québec a connu un bond spectaculaire passant de 1,54 en 2005 à 1,74 en 2008, un niveau qui se compare favorablement à ceux des pays nordiques.
Les trois volets de la politique familiale du Québec (soutien financier aux familles, services de garde à tarif réduit et prestations parentales) visent de nombreux objectifs. Outre celui d’accroître la natalité et de retrouver un meilleur équilibre démogra phique dans une société vieillissante, ces politiques cherchent aussi à promouvoir l’égalité hommesfemmes, à réduire les inégalités sociales et à contribuer au bienêtre des enfants, notamment par une meilleure implication des pères et l’accès à des ser vices éducatifs dès l’âge préscolaire.
Bibliographie Beach J., Friendly M., Ferns C., Prabhu N., Forer B. (2009).Early Childhood Education and Care in Canada 2008. Toronto, Childcare Research and Resource Unit. En ligne : <www.childcarecanada.org/ECE2008/index.html>. Conseil de gestion de l’assurance parentale (CGAP) (2010).Statistiques officielles sur les prestataires du Régime québécois d’assurance parentale. Décembre 2009, Québec, MESS, 13. En ligne : <www.cgap.gouv.qc.ca>. Desjardins G. (1991).Faire garder ses enfants au Québec… une histoire toujours en marche, Québec, Les Publications du Québec, 108. Dumont M., Jean M., Lavigne M., Stoddart J. (1982) (Collectif Clio).L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, Montréal, Les Quinze, éditeur. Godbout L., StCerny S. (2008).? Regards sur la familleLe Québec, un paradis pour les familles et la fiscalité, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 264. Gouvernement du Québec (1997).Les enfants au cœur de nos choix. Nouvelles dispositions de la politique familiale, 40.
11. Pourcentages calculés à partir de Conseil de gestion de l’assurance parentale (2010). Le chiffre de 48 % pour 2006 représente probablement une sousestimation parce que plusieurs pères dont le bébé est né en 2006 ont attendu jusqu’en 2007 pour demander leurs prestations. Le biais n’est pas le même dans le restant du Canada parce que le régime de prestations parentales n’était pas nouveau en 2006.
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