Les réformes du système de santé en France depuis 2002 : étapes et enjeux - article ; n°2 ; vol.7, pg 43-51
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Santé, Société et Solidarité - Année 2008 - Volume 7 - Numéro 2 - Pages 43-51
Les principaux traits des réformes du système de santé français, engagées depuis 2002 et jusqu’en 2007, sont ici présentés à travers les nouvelles orientations de la politique de santé en termes de droits des usagers, d’organisation, de fonctionnement et de financement des soins. Une relecture critique de ces réformes est ensuite proposée à l’aune des préconisations du rapport Santé 2020 relatives à la déconcentration des responsabilités en matière de santé publique, au développement de la prévention, à une meilleure organisation des services de soins du point de vue de leur accessibilité et de leur qualité, à un encouragement à la veille, la prospective et l’évaluation.
The main features of thereforms made to the healthcare system in France will be presented, beginning in 2002 and following through to 2007, with a look at new health policy orientations in terms of users’ rights and the organization, functioning and funding of care. These reforms will be examined critically in light of the recommendations of the Santé 2020 report with regard to the decentralization of responsibility for public health, prevention strategy development, better organization of healthcare services in terms of accessibility and quality, support for monitoring, long-term planning and evaluation.
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Publié le 01 janvier 2008
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LL I E U XÉ T A T D E S
dossierBilan des réformes des systèmes de santé
Les réformes du système de santé en France depuis 2002 : étapes et enjeux
Chantal CasesFRANCE Directrice de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé
Les principaux traits des Résumé réformes du système de santé français, engagées depuis 2002 et jusqu’en 2007, sont ici présentés à travers les nouvelles orientations de la politique de santé en termes de droits des usagers, d’organisation, de fonctionnement et de financement des soins. Une relecture cri-tique de ces réformes est ensuite proposée à l’aune des préconisations du rapport Santé 2020 relatives à la déconcentration des responsabilités en matière de santé publique, au développement de la préven-tion, à une meilleure organisation des services de soins du point de vue de leur accessibilité et de leur qualité, à un encou-ragement à la veille, la prospective et l’évaluation.
The main features of Abstract thereforms made to the healthcare system in France will be pre-sented, beginning in 2002 and following through to 2007, with a look at new health policy orientations in terms of users’ rights and the organization, functioning and fund-ing of care. These reforms will be examined critically in light of the recommendations of theSanté 2020report with regard to the decentralization of responsibility for public health, prevention strategy development, better organization of healthcare services in terms of accessibility and quality, support for monitoring, long-term planning and evaluation.
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e premier numéro de cette revue s’ouvrait début 2002 sur la ques-metLtant en parallèle deux rapports issus de tion de l’avenir des systèmes de santé en France et au Québec, en 1 commissions publiques (Polton , 2000 et 2002 ; Clair ; 2000 ; Caris, 2002). L’engage-ment d’un nouveau débat sur l’organisation et le financement des soins dans les deux pays en 2008 est une occasion de faire le point sur les réformes engagées en France avant la nouvelle loi Hôpital, patients, santé, territoires en cours de débat parlementaire 2 à ce jour , et de soumettre ces réformes à la comparaison avec le Québec.
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De 2002 à décembre 2007, trois grandes lois et autant de textes réglementaires importants, sans compter une loi organique, s’ajoutant aux six lois annuelles de finance-ment de l’Assurance maladie, ont contribué à réformer diverses composantes du système de santé français : définition de la politique de santé, droits des usagers, organisation des soins, financement. Si le financement de l’Assurance maladie ne montre pas de véri-table changement d’orientation, il n’en va pas de même des autres axes qui sontpotentielle-ment porteurs de transformations importantes du système. Ils traduisent notamment une importance nouvelle accordée à la régula-tion de la demande, qui succède à l’orien-tation de la période précédente marquée par le contrôle de l’offre. Cette nouveauté expli-que aussi que certaines des mesures prévues n’aient pas encore été mises en œuvre ou que d’autres n’aient pas encore produit les effets visés. Après une présentation des principaux éléments de ces réformes, nous en ferons une lecture rétrospective à la lumière du rapport « Santé 2020 ».
Une série de réformes structurantes
De nouveaux droits pour les malades
La loi du 4 mars 2004 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a pour ambition de poser les fondements
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d’une « démocratie sanitaire » (Tabuteau, 2006a) selon deux axes complémentaires : d’une part la reconnaissance des droits individuels des malades (confidentialité, consentement libre et éclairé, accès direct au dossier médical), d’autre part la recon-naissance des droits collectifs des usagers vialeurs associations (participation à l’éla-boration et à la gestion des politiques). Outre un chapitre autonome sur la solidarité envers les personnes handicapées, cette loi inclut, au titre de la qualité du système de santé, des dispositions sur la formation et l’évaluation des pratiques professionnelles, le travail en réseau et un financement plus ouvert de la prévention. Enfin, elle instaure un droit à l’indemnisation des accidents médicaux, y compris lorsqu’ils ne relèvent pas d’une faute.
Cette loi a incontestablement renouvelé la perception et l’exercice effectif du droit des malades et de leurs représentants : ainsi le président de la Conférence nationale 3 de santé est un usager depuis 2006 . Les mesures concernant la prévention ont trouvé un écho plus général dans la loi de santé publique deux ans plus tard.
Hôpital : contractualisation et incitation à l’efficience
L’ordonnance du 4 septembre 2003 « por-tant simplification de l’organisation et du fonctionnement du système de santé » a profondément renouvelé la conception et l’outillage de la planification hospitalière. Elle a effectivement supprimé la carte sani-taire qui fixait au niveau national l’ensemble des implantations autorisées d’installations ou d’activités de soins à l’aide d’indices quantitatifs de besoins (nombre de lits hos-pitaliers par habitant, etc.). Dorénavant, les autorisations d’implantation ne concernent qu’une liste limitée d’équipements lourds ou d’activités. Les nouveaux schémas régionaux d’organisation des soins (SROS), préparés par les agences régionales d’hospitalisation, servent d’outil unique de planification de la 4 réponse aux « besoins de santé » des popu-lations, à travers une « régulation de l’activité »
1. Ce rapport sera plus simplement intitulé « Santé 2020 » dans le présent article. 2. N.D.L.R. : La loi a finalement été adoptée au moment de la mise sous presse du présent numéro. 3. Un prochain numéro de cette revue fera le point sur le rôle des usagers en France et au Québec. 4. Cette notion sans doute trop générale a fait par ailleurs l’objet de diverses interrogations (Baubeau, Cases, 2004).
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s’appuyant sur la définition d’objectifs quan-tifiés par activité de soin et par « territoire de santé ». Les hôpitaux et cliniques sont incités à se restructurer de manière à assurer ces objectifs. Leurs engagements prennent la forme de contrats d’objectifs et de moyens passés avec les agences régionales. Le but est d’organiser de façon graduée les soins et les plateaux techniques selon les ter-ritoires, tout en incitant au fonctionnement en réseau et aux coopérations, y compris entre établissements publics et privés.
La même année, le plan Hôpital 2007, outre un plan d’investissement conséquent dans les hôpitaux publics, pose les principes d’une réforme essentielle de la tarification hospitalière, désormais assise en grande par-tie sur la nature des cas traités (« tarification à l’activité »). Les tarifs entre établissements publics et privés sont destinés à être unifiés à terme, dans la perspective d’une mise en concurrence supposée porteuse de gains d’efficience. Bien que de nombreuses ques-tions se posent encore sur les conséquences et les limites de cette tarification (Or, De Pouvourville, 2006), la loi de finance-ment de la Sécurité sociale de 2008 en entérine la généralisation.
Une politique de santé publique par objectifs La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est la première promul-guée sur ce thème depuis 1902. L’État y affirme sa responsabilité en définissant les objectifs pour cinq ans, sous le contrôle du Parlement. Très ambitieuse, elle vise à définir cette politique sur une base de programma-tion par objectifs, dans la plupart des cas quantifiés en termes de résultats sur l’état de santé de la population. Elle se décline selon des plans et programmes d’actions prioritaires au niveau national (notamment le plan cancer) qui s’efforcent d’organiser les acteurs de santé pour élaborer, mener et évaluer les politiques. Elle prévoit la mise en place de systèmes d’information permet-tant la préparation et l’évaluation des mesures. La région est le niveau de mise en œuvre des actions et de coordination entre acteurs sous l’égide d’un groupement régional de santé publique (GRSP). Celui-ci réunit, sous l’autorité du préfet, représentant de l’État
dans la région, les principaux acteurs ins-titutionnels de la santé, en incluant les collectivités locales et instances régionales de l’Assurance maladie, et élabore un plan régional de santé publique préparé, notam-ment, par la conférence régionale de santé (DGS, 2004).
Assurance maladie : nouvelle gouvernance, instauration de parcours de soins et « maîtrise médicalisée » La loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance maladie, tout en demeurant, en ce qui con-cerne le financement, dans la ligne des plans successifs de réforme, s’en distingue par de nouvelles sources de recettes et de partici-pations financières des patients, mais surtout par la réforme de la gouvernance du système et une volonté d’organisation plus rationnelle des parcours de soins (Tabuteau, 2004). En matière de gouvernance, la loi instaure de nouvelles instances nationales de pilotage : £ une union des caisses d’Assurance mala-die, dont le directeur, nommé par l’État, voit ses pouvoirs et ses responsabilités renforcés pour la négociation des con-ventions avec les professionnels, le choix du panier de soins remboursés et le maintien de l’équilibre du financement des soins ambulatoires. Un comité d’alerte constitué d’experts indépendants doit prévenir les dérives budgétaires en engageant l’union des caisses d’Assu-rance maladie à définir des plans d’éco-nomie le cas échéant ; £ des unions des assurances complémen-taires en santé et des professionnels libéraux à pouvoir consultatif ; £ une Haute Autorité de santé chargée de recommandations sur les paniers de soins remboursables, de l’élaboration de réfé-rentiels de bonnes pratiques et de l’évaluation de la qualité ; £ des missions régionales de santé, regrou-pant les agences régionales d’hospitalisa-tion et les unions régionales des caisses d’Assurance maladie, qui rendent chaque année un projet sur la répartition des professionnels libéraux, la permanence des soins, les réseaux, la télémédecine.
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Elles préfigurent explicitement des agences régionales de santé aux missions plus étendues, dont la loi prévoit égale-ment une expérimentation.
L’interprétation de cette réforme de la gouvernance n’est pas univoque. D’un côté, parce qu’elle répond à la demande prove-nant du Haut conseil pour l’avenir de l’Assu-5 rance maladie d’un pilotage plus explicite du système (HCAAM, 2004), elle peut être interprétée comme un renforcement du rôle de l’État aux dépens des partenaires sociaux, antérieurement cogestionnaires de l’Assurance maladie et désormais seulement associés aux orientations générales (Palier, 2005). Mais d’un autre côté, l’Assurance maladie, en devenant une agence indépen-dante, certes sous contrôle de l’État, voit croître ses responsabilités propres dans la gestion du système (Franc, Polton, 2006).
En matière d’organisation des parcours de soins, la loi franchit un cap en tentant de réguler la demande et de faire évoluer son mode de rémunération. Les assurés adultes sont invités à choisir un médecin « traitant », qui organisera, au besoin, leur orientation vers un professionnel spécialisé. Le méde-cin traitant reçoit un paiement forfaitaire annuel pour le suivi, dans le cadre d’un protocole de soins, de ceux de ses patients atteint d’une affection de longue durée (ALD) figurant dans une liste de pathologies totalement prises en charge par l’Assurance maladie. Des mesures désincitatives tou-chent les assurés n’ayant pas désigné de médecin traitant ou ne respectant pas le parcours de soins autorisé, sous la forme d’un remboursement moins favorable des soins. Certains spécialistes, souvent considé-rés dans d’autres pays comme relevant du premier recours, demeurent en accès direct sans pénalité, soit pour une liste de soins définis (ophtalmologues, gynécologues), soit pour une population limitée (pédiatres, psychiatres).
La loi avait aussi prévu l’instauration d’un dossier médical personnel (DMP) unique et informatisé pour chaque assuré. Il devait
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contenir toute l’information nécessaire aux professionnels de santé intervenant auprès d’un patient et devenir l’outil central du nouveau parcours de soins coordonné, mais son implémentation a été plusieurs fois repoussée (ADSP, 2007).
En complément du parcours de soin, la convention de janvier 2005 entre l’Assu-rance maladie et les syndicats médicaux vise à instituer une « maîtrise médicalisée des dépenses » à travers des engagements collectifs des professionnels. Ils portent notamment sur l’infléchissement de diver-ses prescriptions (arrêts de travail, antibio-tiques, statines) et le développement des médicaments génériques.
La loi organique relative aux lois de finan-cement de la Sécurité sociale (2005) vise pour sa part à améliorer l’efficience, la trans-parence et le contrôle par le Parlement des ressources financières destinées aux soins. Les lois de financement sont dorénavant pré-sentées dans une perspective pluriannuelle et dans une démarche objectifs-résultats.
Médecine ambulatoire : entre incitations positives et engagements collectifs
La médecine ambulatoire qui, par son implantation et son organisation, continue de reposer sur les principes fondateurs de la médecine libérale en France (liberté d’installation, de prescription, de choix du professionnel et paiement direct par hono-raire) est largement demeurée à l’écart du reste de la planification. Seul le nombre d’étudiants a été régulé, ce qui a conduit à une baisse des effectifs médicaux pour les prochaines années, sans réduire les grands déséquilibres territoriaux. Le Plan démo-graphie médicale (janvier 2006) vise à y remédier en augmentant le nombre d’étu-diants, couplé à des mesures incitatives à l’installation dans certaines zones : soutiens financiers, aide à l’exercice regroupé. Ces soutiens peuvent être relayés par les collec-tivités locales, sous la forme d’indemnités d’études conditionnelles pour les étudiants
5. Créé en 2003 lors de la préparation de la réforme et pérennisé en 2005, le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie, qui regroupe professionnels, partenaires sociaux, institutionnels et experts, a pour tâche immédiate d’établir un diagnostic partagé sur l’état de notre système d’assurance maladie « qui favorisera une démarche collective » sur la Sécurité sociale. Il produit un rapport annuel ainsi que des analyses et des avis sur ses thèmes d’intérêt.
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ou d’aide à l’installation. Des expérimenta-tions de coopérations élargies entre médecins et paramédicaux (Bourgueil, Berland, 2006) sont également menées avec pour objectif implicite de palier le déficit d’offre médicale localisé, présent ou à venir.
À ce jour, au vu des rares évaluations réalisées (Bourgueilet al., 2007), l’efficacité des mesures d’incitations financières à l’installation reste douteuse. Cependant, les nouvelles possibilités inscrites presque en filigrane dans la loi sont riches de potentia-lités pour renforcer la régulation.
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008, tout en encourageant le regroupement des officines pharmaceu-tiques et celui des laboratoires d’analyse, très nombreux en France, a tenté de réguler de manière plus coercitive l’offre ambulatoire. Toutefois, la proposition de ne pas passer de conventions avec les médecins qui s’installe-raient dans des zones déjà surdotées s’est heurtée à une très forte opposition des internes en médecine. Ainsi, le texte final prévoit que « les partenaires conventionnels devront définir eux-mêmes les voies et les moyens pour limiter l’installation de nou-veaux professionnels de santé dans les zones où ils sont déjà nombreux » et qu’« en cas d’échec des négociations, le Gouvernement 6 prendra ses responsabilités » . Mais cette loi prévoit tout de même, pour la première fois, la possibilité de contractualisations indivi-duelles avec rémunération forfaitaire entre les médecins et l’Assurance maladie. Ces rémunérations sont fondées sur des objec-tifs de qualité des soins, de participation à des actions de prévention et de dépistage ou à la permanence des soins.
Une relecture des réformes au regard des préconisations du rapport « Santé 2020 »
Les réformes engagées depuis 2002 dépassent le cadre du seul rapport « Santé 2020 » qui mettait l’accent sur les inégalités territo-riales d’accès et de recours aux soins, la continuité et la qualité des prises en charge au regard des évolutions longues de l’offre
et de la demande de soins, mais sans abor-der de front les questions de financement. La difficulté de coordonner politique de santé et politique d’Assurance maladie est d’ailleurs évidente lorsque l’on compare ces différents textes. Seule la loi sur le droit des malades prévoyait une temporalité claire, les choix en matière de politique de santé précédant annuellement les choix de finan-cement. Or, cette organisation n’a pas été mise en œuvre et la maîtrise des dépenses a été une contrainte forte pour la plupart des textes cités. Néanmoins, la relecture des réformes engagées suite aux préconisations du rapport « Santé 2020 » est un exercice utile. En reprenant l’analyse originale de la logique de changement sous-jacentes à ces préconi-sations (Contandriopoulos, Denis, 2002), celles-ci se regroupaient selon quatre axes : £ déconcentrer les responsabilités en matière de politiques de santé ; £ développer la prévention par la fixation d’objectifs, le renforcement et la coordi-nation des moyens ainsi que l’évaluation ; £ mieux organiser les services de soins dans une perspective d’accessibilité et de qua-lité, en les graduant, en favorisant l’installation dans les zones sous-dotées, en favorisant le regroupement et la coopération entre professions ; £ encourager la veille, la prospective et l’évaluation.
Territoires : une déconcentration en développement à achever avec les agences régionales de santé
Le rapport préconisait la mise en place d’une « régulation régionale contractuelle et incitative, fondée sur la responsabilisation de structures ou de réseaux de soins », de programmes d’action régionaux dans le cadre d’objectifs d’accompagnement et d’évaluation nationaux.
Les textes examinés confirment de fait la région comme échelon pivot de l’action sanitaire, tant en matière de santé publique que de planification hospitalière. Cette
6. Citations extraites du dossier de presse présentant le projet de loi. En ligne : <http://www.securite-sociale.fr/ chiffres/ccss/2007/ccss200709presse.pdf>.
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évolution a été affirmée avec la mise en place des programmes régionaux de santé publique, des troisièmes schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) et de la contractualisation avec les établissements. Les modalités opérationnelles, comme le préconisait le rapport, ont été laissées à l’initiative des régions et assorties d’un accompagnement méthodologique. Il sem-ble qu’elles s’en soient saisies de manière différenciée, qu’il s’agisse de la définition des territoires de santé, des modes de réali-sation de bilans préalables, de la sélection des objectifs, du suivi ou de l’évaluation.
Malheureusement, aucune évaluation nationale de ces plans et actions n’est encore disponible pour pouvoir tirer des conclu-sions étayées. Cependant, on peut dire qu’il s’agit bien plus de déconcentration que de décentralisation. En matière de santé publique, la responsabilité de l’État a été clairement affirmée et s’est manifestée à travers les grands plans et programmes nationaux. Les groupements régionaux de santé publique (GRSP) sont présidés par le préfet, représentant de l’État dans la région, chargé de la mise en œuvre des programmes régionaux. Il en va de même pour la politique hospitalière où le rôle de l’État demeure central, qu’il s’agisse des règles de normali-sation, de financement ou de gestion des personnels. En matière d’organisation de la médecine ambulatoire, les principes de déconcentration ont prévalu à la création des missions régionales de santé dont l’action a surtout porté sur la définition de zones prioritaires pour la mise en place de mesures incitatives à l’installation et à l’organisation des professionnels.
En tout état de cause, le périmètre d’action ainsi que les responsabilités en matière de financement des futures agences régionales de santé, qu’organiseront la loi Hôpital, patients, santé, territoires et ses décrets d’application, peuvent conforter ou amoin-drir la déconcentration. Seront-elles un lieu de cohérence régionale entre politique de santé publique et régulation de l’offre de soins hospitaliers, médicaux, médico-sociaux et ambulatoires ? À cet égard, le rôle du préfet de région sera un indice de l’autono-misation de l’échelon régional.
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Le développement de la prévention souffre de l’absence d’un projet global pour les soins primaires Le rapport « Santé 2020 » faisait du dévelop-pement de la prévention et de la promotion de la santé un de ses thèmes essentiels. Il proposait dans ce sens de raisonner sur la base d’objectifs de long terme, de redéployer des moyens humains et financiers en ville et à l’hôpital, autour de politiques construites et d’acteurs formés et évalués. Malgré l’affichage d’une démarche volon-tariste, les consultations de préventions et les contrats de santé publique avec les profes-sionnels libéraux prévus dans la loi de santé publique n’ont pas encore été mis en œuvre.
En revanche, les programmes systéma-tiques de dépistage de cancers et leur éva-luation, qui font partie des grands objectifs de la loi, ont été effectivement développés avec des réussites variables (Patyet al., 2007). L’interdiction de fumer dans les lieux publics er (qui s’est concrétisée au 1 janvier 2008) et le Plan national nutrition santé sont deux des actions les plus visibles en matière de promotion des comportements de santé, même si leurs résultats en matière de santé seront inévitablement lents.
Beaucoup reste donc à faire dans un sys-tème qui a traditionnellement privilégié les soins. Certaines lectures de la loi portant réforme de l’Assurance maladie l’analysent de manière assez critique. Il est regretté que la prévention soit absente des articles concer-nant le médecin traitant qui a pourtant voca-tion à en être le porteur (Tabuteau, 2006b). La large diffusion de ce dernier dispositif qui, pour l’instant, a entériné les pratiques préexistantes de recours et de référencement (Dourgnonet al., 2007) en fait néanmoins un outil potentiellement porteur de chan-gement. Mais pour cela, il faudra ajuster parallèlement d’autres facteurs structurants : les modes d’organisation du travail et de rémunération des médecins.
De façon plus générale, on se heurte ici à l’absence d’une politique réellement struc-turée pour les soins primaires. Elle pourrait à terme se développer autour des parcours de soins organisés, en incluant davantage la prévention individuelle, mais aussi par une
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meilleure coordination des professionnels de santé travaillant de façon plus regroupée. Certains des textes actuels le prévoient, sans pour autant les traduire dans les faits faute de véritables lignes politiques explicites telles que les envisageait le rapport « Santé 2020 ». La loi Hôpital, patients, santé, territoires devrait constituer un premier changement en la matière en inscrivant pour la première fois les soins de premier recours dans le code de la santé publique.
La continuité des soins sans le dossier médical personnel ?
Le rapport promouvait également la conti-nuité des soins et la recherche d’une gradation des services permettant d’articu-ler proximité et qualité. Cette gradation a effectivement été un des axes de travail des troisièmes SROS, y compris au niveau inter-régional pour les besoins très spécifiques. Si, pour les malades souffrant d’affections de longue durée (ALD), cette continuité des soins est théoriquement prévue à travers des protocoles, elle pourrait être plus effective en articulant efficacement médecine primaire et spécialisée, médecine de ville et hôpital. Indice de la persistance de cette coupure, les textes de cette période ont traité de l’hôpital dans le cadre de textes séparés. Sur le plan des outils, les difficultés techniques, mais aussi juridiques et éthiques, de mise en œuvre du DMP (Bossi, 2007) ôtent pour le moment à la continuité des soins son outil de coordi-nation essentiel. Le dossier pharmaceutique, limité aux prescriptions médicamenteuses et pour l’instant développé à l’usage des seuls pharmaciens, ne peut en tenir lieu.
Une logique dereporting se développe, mais pas encore d’évaluation Le rapport « Santé 2020 » insistait sur la nécessité de se doter de capacités d’antici-pation et d’évaluation. Aujourd’hui, l’accès à des systèmes d’information efficients est un enjeu central du fait du développement de la logique de gestion par objectifs. Les deux grandes lois de 2004 prévoient, à travers l’utilisation et le partage des don-nées administratives de l’Assurance maladie,
la remontée des données des centres de protection maternelle et infantile, des infor-mations sur les risques médicaux, sans parler du virtuel DMP. Cet enjeu est explicitement au centre de l’évaluation des plans et pro-grammes de la loi de santé publique à travers une batterie d’indicateurs. La loi de finance-ment de la Sécurité sociale (LFSS) présente également dans ses annexes de nombreux indicateurs associés aux « programmes de qualité et d’efficience » qui la structurent. Les programmes de maîtrise médicalisée de la convention entre les médecins et l’Assurance maladie sont assortis d’objectifs quantifiés qui font l’objet d’un suivi.
Il semble donc que le système de santé français soit entré dans la logique du « reporting ». Mais si les principaux acteurs institutionnels (ministère, Assurance mala-die, Haute Autorité de santé, Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie, Cour des comptes) ont considérablement déve-loppé leurs outils d’analyses, l’évaluation approfondie des politiques, avec des outils méthodologiques et des sytèmes d’informa-tion adaptés, n’est cependant pas encore une réalité générale.
Une logique d’anticipation et d’expérimentation à conforter En matière de démographie profession-nelle, les capacités d’anticipation ont été largement partagées et diffusées, notam-ment à travers la création de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) qui a diffusé et produit des analyses sur la situation des ressources humaines. L’Observatoire a également pro-duit une revue des mesures mises en place au niveau national et local pour réguler l’installation des professionnels (ONDPS, 7 2004 et 2006) . L’expérimentation de transferts de tâches puis de divers modes de coopération entre professionnels a été lancée sous son égide, puis soumise à évaluation et propositions par la Haute Autorité de santé. Une concer-tation des professionnels a été réalisée autour des premières synthèses de ce travail, mais la généralisation de nouveaux modes de
7. Cette revue de littérature soulignait toutefois l’absence d’évaluation de ces mesures dans la plupart des cas.
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coopération entre professionnels sera sans aucun doute un processus long et douloureux.
Une mise en œuvre inégale, un processus de réforme encore inachevé
Au bout du compte, cinq ans après, la réforme du système de soins est encore en devenir, ce qui n’est pas étonnant vu le rythme d’évolution des systèmes complexes. Cette difficulté et les questions de dyna-miques professionnelles et sociales ainsi engendrées ont d’ailleurs été largement évo-quées en commentaire du rapport Polton (De Pouvourville, 2002).
On peut donc estimer que c’est bien une logique de changement, « récursive et com-plexe », qui a effectivement été à l’œuvre depuis 2002 : la réalisation des mesures pré-vues dans les textes a été de rythme inégal, les textes successifs sont parfois revenus sur une procédure ou un concept que leurs prédécesseurs avaient posés.
En termes de gouvernance, même si le rôle de l’Assurance maladie s’est renforcé, la logique des réformes introduites repose sur une responsabilité forte de l’État en matière de grandes orientations et de régu-lation, et sur une poursuite de la déconcen-tration de la mise en œuvre des politiques à l’échelle régionale.
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Dans la droite ligne des théoriespost-welfaristes, l’accent a été mis sur les compor-tements individuels sous forme d’incitations économiques et de l’appel à la responsabilité des acteurs (Elbaum, 2007), mais de manière inégale. C’est principalement sur la demande de soins, ainsi que sur l’hôpital, qu’ont porté les incitations et désincitations financières. Certaines d’entre elles, comme l’instauration de parcours de soins, pourraient être le sup-port d’une nouvelle organisation des soins pri-maires, uniquement si celle-ci s’insère dans un projet plus global s’appuyant sur des formes plus efficaces de régulations de l’offre.
Aujourd’hui, un nouveau débat sur l’orga-nisation des soins et le financement des dépenses de santé est relancé. Même si une embellie a été constatée, les objectifs de réduction du déficit de l’Assurance maladie que portait la réforme de 2004 n’ont pas été atteints (HCAAM, 2007) et celui-ci se creuse de nouveau avec la crise économique. Le débat sur les inégalités géographiques et sociales d’accès aux soins reprend de l’ampleur (CNS, 2007). La « quadrature du cercle des réformes des systèmes de santé » – l’arbitrage entre liberté des acteurs, qualité des soins, égalité d’accès et viabilité financière (Palier, 2005) – n’est toujours pas résolue de manière satisfaisante. Des choix, les plus collectifs pos-sibles, devront donc encore être faits dans les mois et années à venir.
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LL I E U XÉ T A T D E S
dossierBilan des réformes des systèmes de santé
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SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ
51 N° 2, 2008
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