Mort et survie - article ; n°1 ; vol.21, pg 151-154
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Description

Enfance - Année 1968 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 151-154
4 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 18
Langue Français

Extrait

Mort et survie
In: Enfance. Tome 21 n°1-2, 1968. pp. 151-154.
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Mort et survie. In: Enfance. Tome 21 n°1-2, 1968. pp. 151-154.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/enfan_0013-7545_1968_num_21_1_2455Mort et survie
La mort, où aboutit tout ce qui vit, a été pour l'homme de tous
les temps un sujet de méditation et de réflexion. Récemment encore
deux articles qui pourraient être regardés comme se complétant
mutuellement, ont paru, l'un sous la plume du docteur Tadeusz Kiela-
nowski dans la revue polonaise « ARGUMENTY » du 31 juillet 1960,
l'autre dont l'auteur est un philosophe français, Michel Verret, dans le
numéro d'octobre de « LA NOUVELLE CRITIQUE ».
Le médecin polonais parle de la mort biologique. Il montre com
ment elle ne peut plus être envisagée globalement, comme simul
tanée dans tous les organes et dans tous les tissus. Si l'arrêt du
cœur est le signe classique et, somme toute, le plus valable de la
mort, la chirurgie de nos jours a mis à son actif des cas de résur
rection qui ne sont pas dus au miracle, en réanimant des cœurs deve
nus inertes ou en suspendant, au contraire, leur activité, le temps
d'en corriger les malformations ou d'en réparer les lésions. Elle fra
gmente la mort par des transplantations d'organes, en prélevant sur
des cadavres ceux qui sont susceptibles de survie chez des vivants
dont les organes correspondants sont menacés de mort fonctionnelle.
Mort et vie ne peuvent plus être opposées comme des entités en
soi et d'une seule pièce. C'est l'organisation qui change de l'une à
l'autre : l'organisation de la substance vivante qui passe d'une forme
ou d'un état à d'autres.
Mais comme le remarque lui-même le docteur Kielanowski, la
mort biologique n'épuise pas tous les problèmes de la mort, dans
l'espèce humaine du moins. C'est à les signaler que s'est attaché
Michel Verret. Si loin que nous puissions remonter vers les premiers
âges de l'humanité, nous rencontrons des traces de cultes funéraires.
Si primitives que soient les civilisations, elles comportent des mythes,
des rites, des cérémonies, relatifs à la mort et qui peuvent amener
à deux effets contraires et parfois simultanés ou consécutifs : la
conservation et l'anéantissement.
Essai de conservation ou anéantissement du cadavre. Destruction
ou reliques de ce qui appartenait ou touchait de près au défunt. En
somme dans ces pratiques ou ces croyances se reflète l'ambivalence
du « sacré » tout à la fois terrorisant et tutélaire.
Dans l'espèce humaine l'individu biologique est devenu le sup
port d'un individu social. La disparition, la dissolution du corps peut
abolir d'un seul coup les relations diverses qui s'entrecroisent dans
Le Courrier rationaliste, 12 — 7e année — 1960. 152 HENRI WALLON
la personne de chacun : relations de subsistance, d'effort collectif,
de liaisons affectives ou rituelles, de compréhension mutuelle qui
sont fixées et stabilisées la vie durant par des coutumes communes,
par les moeurs et les institutions. Comment l'individu ne serait-il
pas tenté d'attribuer à son être la même persistance qu'aux habitudes
et aux principes qui en règlent le cours ? Comment le groupe dont
il est membre ne se sentirait-il pas atteint dans l'intégralité de son
existence quand il est amputé du rôle qu'y tenait le défunt ? Avant
de passer à l'état de souvenir, celui-ci reste à l'état d'une présence
qui fait défaut.
Il y a convergence de l'individuel et du collectif pour faire sup
poser la survie après la mort. Sa forme est variable suivant les
niveaux et les types de civilisation ou de croyance. Aux plus archaï
ques répondent les formes les plus réalistes. Tantôt la mort est ima
ginée comme se bornant à transférer ailleurs, dans un monde interdit
aux vivants, le défunt qui conserve le même régime de vie, les
mêmes besoins, les mêmes activités, et symboliquement l'accompa
gnent dans la tombe quelques aliments et des objets, des instruments
familiers. D'autres fois c'est la considération du groupe qui l'emporte ;
au lieu d'en être substantiellement séparé le mort y est plus intim
ement intégré en rejoignant les ancêtres à qui il appartient d'en fonder
l'existence et d'en assurer la perpétuité. Et même il arrive qu'il soit
supposé ne pas quitter le groupe et y reparaître sous forme d'un
nouveau-né, pour y renouer avec un nouveau cycle de vie. C'est une
métempsychose d'homme à homme dans le même groupe humain.
La survie par la métempsychose pourra s'élargir à tout le règne animal
à mesure que l'homme apprendra à mieux s'identifier à toute la
nature. Avec le philosophe grec Platon la métempsychose devient
celle des âmes qui subissent un bain d'oubli à chacune de leurs réi
ncarnations.
Entre la survie dans la tribu d'origine ou parmi ses ancêtres,
la survie dans l'univers des êtres vivants et la survie métaphysique
des substances spirituelles il n'y a pas nécessairement succession ni
filiation historique, mais plutôt manifestation de tendances communes
à des niveaux différents d'évolution intellectuelle, de civilisation et
de croyances. A cette diversité répond le pouvoir variable de se
détacher du réalisme initial par une symbolisation croissante des
objets et des cérémonies cultuels, des offrandes et des sacrifices.
La présence supposée permanente du mort, sous toutes ses
espèces, dans son cadavre entraînait la pratique de le munir d'al
iments. Mais si comestibles fussent-ils, le donateur devait bien se
rendre compte qu'ils n'étaient pas consommés. Dès cette prise de
conscience, il entrait dans le domaine du simulacre et de la fiction.
Plus ou moins confusément il était amené à supposer simultanément
avec une présence réelle une présence dématérialisée, la présence
des esprits. Toute la nature pouvait dès lors être hantée par des pré
sences de toutes origines : et les effets de toute espèce pouvaient
être imputés à quelqu'une de ces présences. D'où une spiritualisation
quasi totale de l'univers dans la recherche des causes. ET SURVIE 153 MORT
Définir ces causes qui par essence se dérobaient à la prise
directe des sens, est devenu une des tâches essentielles des religions
et des philosophies. Elles ont, en général, cherché à justifier l'exi
stence de principes dématérialisés qui échappent par conséquent aux
transformations de la matière, à ses corruptions et à la mort. L'immort
alité de l'âme devenait quelque chose, si l'on peut dire, de naturel.
Mais ce n'était plus seulement, comme pour Platon, la conservation
d'une substance à perpétuité à travers des mfgrations successives :
c'était pour chaque individu né ou à naître, pour tous les morts passés
ou à venir la persistance indéfinie et purement individuelle de leur
être spirituel ; c'est le refus d'admettre un terme à son existence :
c'est le refus de reconnaître la réalité de la mort.
Dans les religions modernes le point de vue moral s'est ajouté à
celui de l'inviolabilité durable de la vie, pour faire que, grâce à son
immortalité, l'âme rende possible à une justice providentielle de
réparer les injustices de ce monde et ainsi d'encourager les hommes
à pratiquer la vertu.
La mort serait le moment de comparaître devant un Tribunal
jugeant à l'échelle de l'éternité. A chacun de nous d'apprécier si sa
vertu dépend d'un jugement rendu après qu'il aura disparu d'entre les
vivants ou si ce n'est pas plutôt le jugement des vivants qui influence
sa conduite. A chacun d'apprécier si d'ajourner le bilan d'une existence
jusqu'après la mort n'incite pas à prendre des délais avec le bien
jusqu'au bout de sa vie. Chez certains, il est vrai, la perspective d'une
vie future et ses aléas de félicité ou de damnation peuvent engendrer
des attitudes de béatitude ou d'angoisse ; mais ce sont là des états
d'exception, sur lesquels ne peuvent se développer que des conduites
inadaptées et irrationnelles.
Le rationaliste, au contraire, considère que la mort est une consé
quence nécessaire de la vie, qu'il n'est pas lui-même d'une autre
substance que tout ce qu'il voit autour de lui exister et mourir, qu'il
disparaîtra à son tour comme ceux don

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