Prise en charge de la « dépendance » en Allemagne : l’assurance soins de longue durée – Évolution depuis 1995 - article ; n°2 ; vol.1, pg 123-132
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Santé, Société et Solidarité - Année 2002 - Volume 1 - Numéro 2 - Pages 123-132
Face au problème de la prise en charge des personnes âgées, l’assurance soins de longue durée allemande constitue une réponse originale. Instituée en nouvelle branche de l’assurance sociale, elle couvre le risque général d’entrée en incapacité à tout âge et n’est donc pas réservée aux plus âgés. La loi vise à favoriser le maintien à domicile des personnes par la reconnaissance et le soutien financier apportés à l’aide informelle. La satisfaction des usagers et des aidants, leur préférence pour les prestations en espèces montrent qu’une réponse équilibrée a été trouvée ici dans le rapport entre aide informelle et professionnelle. De même, l’introduction de la concurrence privée au niveau de l’offre, les procédures de contrôle de la qualité instaurées ou la mise à contribution du bénévolat constituent des solutions intéressantes. Récemment, une loi complémentaire visant à une meilleure prise en compte des personnes souffrant de troubles cognitifs a été votée. Outre la mise en place de critères d’éligibilité supplémentaires, elle prévoit le développement de structures de garde adaptées permettant le maintien à domicile des personnes touchées.
Germany’s long-term care insurance is an innovative solution to the problem of caring for the elderly. Established as a new pillar of the social security system, it provides coverage against the risk of becoming disabled at any point in a person’s life and is therefore not restricted to older persons. The aim of the legislation is to provide incentives for caring at home by acknowledging and providing financial support for informal care. The satisfaction of users and caregivers and their preference for cash benefits show that a balanced response has been found in the relationship between informal and professional care. Similarly, the introduction of private competition on the supply side, the quality control procedures introduced, and the use of volunteers are attractive solutions. Recently, complementary legislation that seeks to take better account of persons with cognitive disorders was passed. In addition to the establishment of additional eligibility criteria, it provides for the development of adapted care structures that allow those concerned to remain at home.
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Publié le 01 janvier 2002
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Langue Français

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Échos d’ailleurs
Prise en charge de la « dépendance » en Allemagne : l’assurance soins de longue durée – Évolution depuis 1995
Pascale DorenlotFRANCE Chercheuse au laboratoire « Santé-Vieillissement » Université Versailles – Saint-Quentin
Susanne ArmbrusterALLEMAGNE Chercheuse, Technische Universität, Berlin
Face au problème de la Résumé prise en charge des per-sonnes âgées, l’assurance soins de longue durée allemande constitue une réponse originale. Instituée en nouvelle branche de l’assurance sociale, elle couvre le risque général d’entrée en incapacité à tout âge et n’est donc pas réservée aux plus âgés. La loi vise à favoriser le maintien à domi-cile des personnes par la reconnaissance et le soutien financier apportés à l’aide informelle. La satisfaction des usagers et des aidants, leur préférence pour les prestations en espèces montrent qu’une réponse équilibrée a été trouvée ici dans le rapport entre aide informelle et profes-sionnelle. De même, l’introduction de la concurrence privée au niveau de l’offre, les procédures de contrôle de la qualité instaurées ou la mise à contribution du bénévolat constituent des solutions inté-ressantes. Récemment, une loi complémen-taire visant à une meilleure prise en compte des personnes souffrant de troubles cogni-tifs a été votée. Outre la mise en place de critères d’éligibilité supplémentaires, elle prévoit le développement de structures de garde adaptées permettant le maintien à domicile des personnes touchées.
Germany’s long-term care Abstract insurance is an innova-tive solution to the problem of caring for the elderly. Established as a new pillar of the social security system, it provides coverage against the risk of becoming disabled at any point in a person’s life and is therefore not restricted to older persons. The aim of the legislation is to provide incentives for caring at home by acknowledging and providing financial support for informal care. The satis-faction of users and caregivers and their preference for cash benefits show that a bal-anced response has been found in the rela-tionship between informal and professional care. Similarly, the introduction of private competition on the supply side, the quality control procedures introduced, and the use of volunteers are attractive solutions. Recently, complementary legislation that seeks to take better account of persons with cognitive dis-orders was passed. In addition to the estab-lishment of additional eligibility criteria, it provides for the development of adapted care structures that allow those concerned to remain at home.
SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ
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Échos d’ailleurs
epuis le début des années 1990, la question du financement des paysDindustrialisés. Confrontés, avec l’aug-soins de longue durée a fait l’objet d’un intérêt croissant dans les mentation relative des classes d’âges les plus élevées, à des évolutions sociodémogra-phiques semblables, ces pays ont néanmoins initié des politiques en partie différentes, redevables de cadres institutionnels spéci-fiques et de conceptions sous-jacentes parfois très variables.
En Allemagne, la loi de 1994, instaurant un régime d’assurance soins de longue durée, s’inscrit dans la continuité du sys-tème assurantiel bismarckien, tout en intro-duisant un certain nombre d’éléments inédits, tel le plafonnement de la couverture de soins ou l’ouverture à la concurrence privée. On insistera, dans une première par-tie, sur les spécificités de la réponse alle-mande à la question de la prise en charge des personnes en perte d’autonomie, en soulignant deux de ses aspects essentiels : d’une part, le choix d’une politique visant en priorité à renforcer le maintien à domicile par, notamment, la reconnaissance publique de l’aide informelle fournie par l’entourage et le développement de services à l’atten-tion de ce dernier ; et d’autre part, la mise en place de critères d’éligibilité indépen-dants de l’âge, centrés sur les incapacités à accomplir les actes de la vie quotidienne en raison de la survenue de maladies ou handi-caps chroniques à tout moment de la vie.
On présentera, dans un second temps, les principales évolutions du système, intro-duit il y a sept ans, en insistant, en particu-lier, sur le développement inattendu des demandes de prestations en espèces plutôt qu’en nature, ainsi que sur l’élargissement de la couverture opéré par la loi complé-mentaire de 2001. Celle-ci offre, outre l’aide à l’accomplissement des actes de la vie quotidienne, une couverture complé-mentaire des besoins de « garde » et de « supervision ». Elle est destinée spécifique-ment aux personnes atteintes de déficiences cognitives et de troubles psychiques. Elle
vise, notamment, les personnes souffrant de démences, imparfaitement prises en compte jusqu’alors dans un régime fondé sur une acception essentiellement somatique de la déficience.
Le système allemand d’assurance soins de longue durée
Une extension du système assurantiel
La loi de 1994 institue une assurance obliga-toire et universelle contre le risque financier des soins de longue durée. En Allemagne, elle répond à un manque de couverture complet dans ce domaine, puisque jusque-là les personnes touchées ne disposant pas de moyens financiers propres suffisants ne 1 pouvaient recourir qu’à l’aide sociale . Comme le Japon ou le Luxembourg le feront, l’Allemagne a fait le choix de répondre à ce problème, dans la tradition de son sys-tème, par le développement d’une nouvelle branche de son assurance sociale.
Cette solution assurantielle s’est cepen-dant inscrite dans un contexte de contraintes budgétaires fortes. En témoigne le choix d’une couverture non exhaustive des besoins en soins de longue durée, par l’introduction d’un plafonnement des prestations. Le pas-sage au système assurantiel a par ailleurs été décidé dans un contexte marqué par un endettement sans précédent des com-munes. Celles-ci qui avaient jusqu’alors la charge de l’aide sociale n’auraient pas pu faire face, à moyen terme, à une augmen-tation prévisible des dépenses dans ce domaine. L’option retenue d’une assurance, financée par un système de cotisation sala-riale, visait également à sauver les budgets communaux. Elle n’a pourtant été obtenue qu’à l’arraché, au bout de négociations ardues avec les représentants du patronat. La charge financière de la nouvelle assu-rance a été fixée à 1,7 % des salaires bruts et partagée à part égale entre employeurs et employés. Mais pour la première fois dans l’histoire de la protection sociale allemande,
1. Longtemps en effet a prévalu une distinction entre l’incapacité liée à la maladie, requérant des soins financés par l’assurance maladie, et l’incapacité liée à la « décrépitude », ne faisant pas l’objet d’une prise en charge publique, une distinction préjudiciable au développement des aides et services dans ce secteur (Dieck [1990, 1991]).
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Échos d’ailleurs
la part patronale a été obtenue par les pou-voirs publics contre la suppression d’un jour férié.
C’est donc dans des conditions bien par-ticulières que l’assurance soins de longue durée est née. Le plafonnement des presta-tions, comme le niveau de la part salariale consacrée à son financement ont fait dire à certains que le système assurantiel choisi était aussi minimaliste, en termes de presta-tions effectivement versées, que d’autres sys-tèmes, moins ambitieux, de type beveridgien, en vigueur dans plusieurs pays (Scheil-Adlung [1995], cité par Schneider [1999]). C’est oublier que ce système couvre une part relativement élevée de la population en com-paraison des bénéficiaires de prestations de soins de longue durée octroyées dans d’autres pays (près de 1,9 million de personnes actuellement, soit 2,35 % de la population, contre, par exemple, 800 000 bénéficiaires de l’APA prévus en France, soit à peine 1,3 %). De plus, la palette des prestations proposées dépasse celle de nombreux pays, grâce notamment aux mesures introduites en faveur des aidants informels (cf. infra).
Principales caractéristiques du système
Des critères d’éligibilité centrés sur les incapacités à accomplir les actes de la vie courante
Depuis 1995, et de façon similaire à l’assu-rance maladie, toute personne disposant d’un salaire mensuel de moins de 3375 par mois est couverte par le régime public de l’assurance soins de longue durée. Cette couverture s’étend, conformément à la tra-dition assurantielle allemande, au conjoint s’il est non actif et aux enfants. Les personnes disposant de revenus supérieurs ont le choix entre l’adhésion au régime public ou à une assurance soins de longue durée privée. Aujourd’hui, 92 % de la population est cou-verte par le régime public, et 8 % par le secteur assurantiel privé. Cette couverture est indépendante de l’âge et les montants versés ne sont pas indexés sur le revenu.
Les critères d’éligibilité reposent unique-ment sur la constatation d’un besoin d’aide
continue (plus de six mois) dans l’accomplis-sement des activités de la vie quotidienne, pouvant survenir en raison d’une maladie ou d’un handicap chronique à tout moment de la vie.
La loi prévoit trois degrés d’invalidité auxquels correspond le versement de prestations croissantes. Le premier degré est défini comme un besoin d’aide quoti-dien, au moins une fois par jour, pour au moins deux des trois activités suivantes : l’hygiène, les repas, la mobilité, ainsi que par un besoin d’aide ménagère une fois par semaine. Le second degré est défini par un besoin d’aide pour au moins deux des trois activités citées, et ce au moins trois fois par jour, ainsi que par un besoin d’aide ména-gère plusieurs fois par semaine. Le troi-sième degré correspond à un besoin d’aide permanent, y compris la nuit, pour ces trois activités, de même qu’un besoin d’aide ménagère plusieurs fois par semaine. La sélection des ayants droit est assurée par les services médicaux des caisses d’assurance maladie communales.
Un développement des demandes de prestations en espèces plutôt qu’en nature
L’éligibilité donne droit au versement de prestations en nature ou en espèces, voire d’une combinaison des deux, le choix de la formule étant laissé aux personnes concer-nées. Les montants en espèces versés sont presque deux fois moindres que les presta-tions en nature (tableau 1).
Aussi, pour les clients à domicile, optant pour les prestations en espèces, l’assurance ne couvrirait, selon des estimations récentes, que 20 à 37 % des besoins en soins pour le premier niveau d’invalidité, 28 à 44 % pour le niveau II et 42 à 55 % pour un client de niveau III (Schneider [1999]).
Les prestations en nature sont versées en fonction des mêmes grilles d’incapacité aux personnes institutionnalisées et, depuis 1996, aux personnes hospitalisées. Outre ces prestations, destinées aux personnes souffrant d’incapacités, il existe une palette de mesures s’adressant directement aux aidants informels de ces personnes (cf. infra).
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t a b l e a u
NIVEAU D’INVALIDITÉ
I
II
III
1
Échos d’ailleurs
Prestations pour soins à domicile, en institution et en service hospitalier En euros, 2001
À domicile, en espèces
200
400
650
Cas très lourds jusqu’à 1 875
À domicile, en nature
375
900
1 400
En institution, en nature
375
750
1 050
À l’hôpital, en nature
1 000
1 250
1 400
1 650
Source : les auteurs, à partir des statistiques du ministère fédéral de la Santé (Bundespressemitteilungen [2001])
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Un financement basé sur une taxe salariale
Le financement de ce risque se fait sur la base d’une taxe salariale s’élevant à 1,7 % des salaires bruts. Cette cotisation est partagée à part égale entre employés et employeurs, ces derniers ayant été dédom-magés par avance par la suppression d’un jour férié lors de l’introduction de la loi. L’État fédéral n’assume aucune responsa-bilité financière pour un quelconque déficit de l’assurance soins de longue durée. Ces éléments, issus d’une logique de maîtrise des coûts, s’inscrivent en rupture avec le système assurantiel traditionnel, tout comme la définition de prestations à taux fixe qui ne sont pas censées couvrir l’intégralité des frais, ainsi que la détermination d’un taux maximal de « cas très lourds », qui ne doit pas dépas-ser 3 % des bénéficiaires de l’assurance (Schneider [1999]).
Une gestion s’appuyant largement sur l’infrastructure des caisses
Les caisses de soins de longue durée sont juridiquement des personnes indépen-dantes, mais puisentde factodans les ressources humaines et matérielles des caisses d’assurance maladie (par exemple pour la sélection des ayants droit). Ces ser-vices sont remboursés à l’assurance maladie par la caisse d’assurance soins.
Une domination des associations caritatives pour l’offre de prestations en nature
En introduisant la possibilité de recourir à des prestations en nature, au lieu de se limiter
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à des prestations en espèces, le législateur a honoré les grands organismes caritatifs (Schneider [1999]). Ces associations carita-tives (issues des Églises ou du monde ouvrier) dominaient le « marché » des soins de longue durée avant l’introduction de la loi (en 1993, elles en contrôlaient 73 % (Lues [1993], cité par Schneider [1999]). Aujourd’hui, elles continuent de dominer l’offre de prestations en nature. Néanmoins, l’assurance soins de longue durée a ouvert deux brèches importantes dans ce dispositif. D’une part, la possibilité d’obtenir des prestations en espèces a été massivement plébiscitée (tableau 3). D’autre part, la loi de 1994 a ouvert le marché aux prestataires privés, dont le nombre n’a cessé d’augmen-ter (cf. infra).
Un contrôle de la qualité des soins
La loi de 1994 ne fixe pas de procédures de contrôle des normes de qualité des services professionnels et de l’aide fournie par les aidants informels à domicile. Un certain nombre de principes ont cependant été inscrits dans le texte, telles la protection de l’autonomie et la participation maximale des clients à la prise de décision ou la priorité des soins à domicile face à l’institutionnali-sation. Toutefois, la mise en place de pro-cessus d’application et de contrôle de ces principes généraux a été laissée, dans la tra-dition de décentralisation et de délégation de l’implémentation de la politique sociale au tiers secteur, aux caisses de soins locales et aux organisations de prestataires, agissant en concertation au niveau des communes et des Länder. En 1996, ces organisations ont
émis une première déclaration contraignante commune sur l’application des principes de qualité. Celle-ci comporte, notamment, la mise en place d’une vérification externe inscrite dans le contrat de base des soins et devant être négociée entre les caisses de soins et les associations de prestataires (Schneider [1999]). En 2001, une loi de « contrôle de la qualité des soins » en éta-blissement de long séjour a été votée. Elle met, de même, en exergue le principe du management de la qualité au niveau interne, c’est-à-dire par les institutions elles-mêmes. Elle introduit également le principe de l’inté-gration des familles au travail de soins des établissements de long séjour.
L’aspect sans doute le plus important de la nouvelle loi assurantielle allemande est l’objectif affiché du soutien public à l’aide informelle, corollaire de la priorité donnée par le législateur au maintien à domicile comme principe de solution aux besoins d’aide des personnes souffrant d’incapacités. Cet objectif transparaît dans le choix offert aux clients d’opter pour des prestations en espèces, destinées à rémunérer le travail accompli par l’aidant principal et qui, pour modestes qu’elles soient, constituent une reconnaissance publique de l’aide infor-melle fournie. Il se manifeste surtout par le déploiement d’une série de mesures visant directement les aidants familiaux, confor-tant cette politique de reconnaissance. On notera parmi celles-ci, en particulier : £ le versement, par les caisses de soins de longue durée, de cotisations d’assurance
Enfin, si le bénéficiaire de l’assurance a recours à des prestations en espèces, son aidant informel est contraint par la loi de suivre régulièrement des séances de forma-tion et de conseil, assumées par des prestataires agréés. Il fait également l’objet d’une visite de contrôle de la part de ces derniers deux fois par an.
La reconnaissance publique du travail fourni par les aidants informels
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Bénéficiaires de prestations de l’assurance soins par type de prestations et lieu de vie en 1996 et en 1999
Plus de 90 ans
13,1 %
3
t a b l e a u
238 865
383 315
267 024
14,6 %
189 994
51 675
2,8 %
256 598
ANNÉE
1999
1996
93 544
Source : Bundesministerium fur Gesundheit, Pressemitteilungen 2000
5,1 %
75-80
80-85
60-65
70-75
4,5 %
85-90
2
Moins de 20 ans
55-60
20-55
t a b l e a u
Bénéficiaires de prestations de l’assurance soins par tranches d’âge en 1999
82 922
65-70
360 853 (23,1 %)
538 889 (26,6 %)
157 874
104 551
192 556 (10,2 %)
105 879 (6,8 %)
152 648 (8,2 %)
Source : Bundesministerium fur Gesundheit, Bundespressemitteilungen 2000
135 305 (8,7 %)
En établissement de long séjour En espèces En nature
943 878 (60,4 %)
982 877 (52,0 %)
En nature
À domicile En espèces
5,7 %
8,6 %
14,0 %
21,0 %
10,4 %
SANTÉ, SOCIÉTÉ ET SOLIDARITÉ
Échos d’ailleurs
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Échos d’ailleurs
vieillesse et d’assurance accident pour tout aidant informel s’occupant plus de 14 heures par semaine d’un client et tra-vaillant moins de 30 heures par semaine à un poste rémunéré. Un dédommagement financier supplémentaire est prévu pour un congé annuel de « répit » de quatre semaines, pour lesquelles l’aidant reçoit jusqu’à 1400 afin de subvenir aux frais d’hébergement de courte durée en insti-tution de la personne dont il s’occupe habituellement ; £ un dédommagement financier pour un congé de « répit » pour des raisons pro-fessionnelles, du même montant, réservé aux aidants travaillants à temps plein ; £ un dédommagement mensuel pouvant aller jusqu’à 325 par mois, afin de cou-vrir les frais de séjours sporadiques en centre de jour ou de nuit de la personne aidée ; £ l’accès obligatoire à des services de conseil et l’offre de cours (non obligatoires) de formation, visant à l’amélioration du sou-tien à domicile ; £ des subventions de frais de matériel de soins pouvant aller jusqu’à 2500 . Dans l’ensemble, les familles semblent satisfaites de l’introduction de l’assurance soins de longue durée. Progressive, elle leur donne également un pouvoir de décision quant aux options (espèces, nature, combi-naisons) à choisir et la possibilité d’ajuster les options en fonction de l’évolution du bénéficiaire. Aujourd’hui, 600 000 personnes (dont 90 % de femmes) bénéficient de la couverture accident et retraite fournie par l’assurance soins aux aidants n’exerçant pas d’activité professionnelle, qui s’élève à 1 million d’euros de dépenses annuelles de la part des caisses de soins (BMG Pressemitteilungen [2000]).
Le refus de l’amalgame dépendance – vieillesse
Par le refus du critère d’âge, le législateur a écarté la thèse du vieillissement comme cause en soi de la dépendance. L’assurance soins s’inscrit en ce sens dans une politique traditionnelle plus générale visant à réduire tout potentiel de conflit de redistribution
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entre les générations, dans un pays marqué depuis plusieurs décennies par un accrois-sement relatif du nombre des plus âgés parmi les plus élevés en Europe. Actuellement, près de 25 % des bénéficiaires de l’assurance soins ont moins de 65 ans (tableau 2).
Le souhait d’inscrire le soin dans une dimension préventive
Face à la clientèle ainsi définie (toute per-sonne souffrant d’incapacités en raison de maladies chroniques ou de handicap), le texte de loi de 1994 comporte une dimen-sion de prévention et de rééducation affichée. C’est ainsi que les équipes médi-cales des caisses d’assurance maladie, opérant la sélection des clients, sont tenues de mesurer le potentiel de rééducation exis-tant dans chaque cas et de proposer, si elles le jugent opportun, des indications théra-peutiques préventives. Elles le font dans 1/5 des cas, mais dans les faits, ces recommanda-tions ne sont pas suivies d’effets, les caisses d’assurance maladie ne collaborant pas à la mise en œuvre des traitements de réhabilita-tion proposés (Knieps [1998], Schneider [1999]). Cette dimension préventive de la loi bute en effet contre une limite institution-nelle du système allemand, que cette loi n’a pas su surmonter de manière efficace. En instaurant un régime indépendant, les législateurs ont perpétué la distinction juridique entre soins de santé (relevant du curatif, du soin aigu) et soins de longue durée (Igl [1995]). Ces derniers sont définis de manière limitative comme recouvrant toutes les activités de soin et d’aideà l’exclu-sion de tout traitement médical.Or, les traitements de réhabilitation et les soins de stimulation, pour leur part assimilés à du traitement médical, continuent de relever de l’assurance maladie. Les caisses d’assu-rance maladie ne sauraient financerlarga manules interventions préventives, puisque le gain potentiel (en termes de réduction des coûts du cas traité par le recul de l’institu-tionnalisation par exemple) ne leur profite pas à elles, mais à la caisse de soins de longue durée. Dans cette configuration, les dépla-cements de coûts entre les caisses priment face à une politique de coût efficacité globale (Assous L. et Ralle P. [2000]). La distinction entre soins de longue durée et soins curatifs
Échos d’ailleurs
constitue de plus un obstacle majeur à la coordination des services auprès des per-sonnes concernées (Schneider [1999]).
Enfin, des critiques nombreuses ont également été formulées vis-à-vis du fait que dans l’application même de ses critères d’éligibilité (le constat d’un niveau d’inca-pacités avancé et non débutant), la loi em-pêchait d’inscrire les efforts de réhabilitation en amont, à un moment où le potentiel préventif est plus important et la possibilité d’inversion de l’évolution fonctionnelle plus forte.
Évolution depuis 1995
La remarquable maîtrise des coûts de l’assurance soins
Dans un premier temps, le plébiscite massif des clients et de leurs familles en faveur des prestations en espèces, malgré des rétribu-tions de près de 50 % inférieures à celles versées en nature, a dépassé de loin les prévisions des analystes. Cette préférence a mis en évidence l’importance de l’offre de solutions favorisant la protection de l’intimité et le maintien d’une situation d’autonomie personnelle dans la mise en place de sys-tèmes de soins et d’aide face à la dépen-dance fonctionnelle. Un second facteur explique cette tendance : le « marché du soin de longue durée » est jeune et, face à la qualité de l’aide professionnelle qu’il offre, le degré d’incertitude des clients est élevé (Schneider [1999]). Une étude récente (Wochenbericht des DIW [5/2001]) conforte cette hypothèse car elle montre que les ayants droit s’orienteraient progressivement vers un choix de prestations combinées (par exemple, 50 % du montant de la prestation en espèces, ce qui permet d’obtenir égale-ment 50 % du montant de la prestation en nature, à dépenser auprès de services pro-fessionnels). Cette évolution a profité, dans l’ensemble, au maintien de finances saines de l’assurance soins. En 2001, celle-ci présentait un bénéfice net de 4,85 milliards d’euros.
Le problème de la qualité des soins et du manque d’infrastructures persiste malgré quelques améliorations
Lors du vote de la loi, en 1994, les services de soins à domicile proposés par les orga-nismes caritatifs étaient loin de répondre aux besoins dans ce domaine et les structures de soins intermédiaires, censées soutenir l’objec-tif du maintien à domicile le plus prolongé possible, étaient quasi inexistantes (Döhner [1999], Schneider [1999]). Les Länder demeurent responsables du développement de l’infrastructure des soins de longue durée, avec l’obligation d’investir une partie des sommes épargnées dans le cadre de l’aide sociale. L’instauration de l’assurance soins doit permettre l’amélioration quantitative et qualitative de l’offre en soins ambulatoires, intermédiaires et de long séjour. De son côté, le gouvernement fédéral a lancé un pro-gramme exceptionnel (qui prendra fin en 2002) de 3,2 milliards d’euros pour pallier les carences en la matière dans les nouveaux Länder. C’est ainsi que 378 établissements ont vu le jour dans la partie orientale de l’Allemagne depuis 1995.
En termes de soins ambulatoires, le nombre de soignants professionnels travail-lant à temps plein a augmenté sur l’ensemble du territoire, passant de 140 000 personnes en 1993 à 300 000 personnes en 2000 (per-sonnel agréé en soins de longue durée et personnel non agréé confondus). L’offre privée s’est développée, passant, dans la même période, de 4 000 à 13 000 agences opérant au niveau local (Bundesministerium für Gesundheit, Pressemitteilungen [2000]).
En termes d’établissements de long séjour, l’État fédéral compte actuellement 8 600 structures, un chiffre jugé suffisant par le gouvernement.
Manifestement, avec le développement massif des prestations en espèces, l’Allemagne semble s’orienter vers un système de «cash & counselling» (Schneider [1999]), c’est-à-dire de rétribution des aidants informels et de développement corollaire des presta-tions de conseil (conseil pour l’amélioration technique et matérielle du soin à domicile, guides pour le choix de services profession-nels d’appoint, de structures intermédiaires,
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etc.). Ainsi, les Länder ont financé le déve-loppement de points-conseil de quartier devant fournir une évaluation de leurs acti-vités. La loi complémentaire de l’assurance soins de longue durée, votée en 2001, reflète également cette évolution (cf. infra).
Échos d’ailleurs
La reconnaissance de besoins spécifiques des personnes atteintes de déficiences cognitives : la loi complémentaire de 2001 L’évolution la plus importante, depuis l’in-troduction de la loi de 1994, a sans doute été l’adoption de la « loi d’amélioration » de 2001. Ce texte vise exclusivement les per-sonnes à domicile souffrant de déficiences cognitives. Il est destiné en particulier aux personnes atteintes de démences et ouvre droit à des prestations supplémentaires de garde d’une hauteur maximale de 460 annuels (pour une option de prestations en espèces). Le caractère modeste de ce sou-tien financier supplémentaire accordé tient un budget limité à 0,25 milliard d’euros par an. Quant à l’évaluation des besoins supplé-mentaires de « garde », elle est faite par l’équipe médicale des caisses d’assurance maladie. La personne atteinte de déficience cognitive doit être touchée par deux des critères suivants, spécifiés dans la loi de 2001 (Vogel [2001]) : £ sortir de manière incontrôlée du domicile ; £ générer ou ne pas reconnaître des situa-tions dangereuses ; £ user de manière inadaptée de produits ou objets potentiellement dangereux ; £ se comporter de manière agressive lors de situations dont elle ne reconnaît pas la dangerosité ; £ faire preuve d’un comportement social inadapté ; £ ne pas être en mesure de prendre cons-cience de ses sentiments ou besoins corpo-rels ou psychologiques ; £ ne pas être en mesure, en raison d’une dépression ou d’une anxiété phobique résistante, de fournir la coopération nécessaire à des interventions thérapeu-tiques ou des mesures de sécurité ;
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£ faire preuve de troubles des facultés co-gnitives supérieures (mémoire, jugement) altérant l’accomplissement d’activités de la vie quotidienne ; £ faire preuve de troubles du rythme veille – sommeil ; £ ne pas être en mesure de planifier de manière indépendante sa journée ; £ faire preuve de réactions inadaptées à des situations sociales courantes ; £ faire preuve d’une très grande fragilité émotionnelle ou d’une absence totale de contrôle de ses émotions ; £ être soumis à des périodes très longues d’abattement, de sentiment d’impuis-sance ou de désespoir, sur la base d’une dépression résistante. Le nombre d’ayants droit à ces presta-tions supplémentaires est estimé à 600 000 personnes. Outre cette rétribution modeste pour besoins de garde, d’autres mesures ont été prises dans le cadre de la loi complémen-taire. Par la mobilisation du bénévolat, elle prévoit en particulier le développement d’offres de services de garde ponctuelle, de courte durée (quelques jours) et de jour en groupes restreints (3 à 4 personnes). Une série de mesures incitatives visent à soutenir le développement de projets-modèles de garde (groupes de déments en apparte-ments collectifs, centres de jour proposant des programmes innovants), dont l’initiative est laissée, là encore, aux associations de bénévoles. Un budget de 20 millions d’euros par an est alloué à ces programmes modèles pour le remboursement des frais matériels et de formation auprès de spécialistes en-gagés par les bénévoles. Ceux-ci font l’objet de procédures d’évaluation obligatoires, partant de ces associations et négociées avec les caisses de soins locales.
Enfin, une série de mesures vise l’amé-lioration de la qualité des prestations de con-seil prévues par la loi de 1994 pour les per-sonnes souffrant de déficiences cognitives et leurs proches. Ces prestations sont accom-plies désormais par un personnel qui doit être spécifiquement formé aux problèmes psychiatriques ou géronto-psychiatriques
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rencontrés chez les personnes atteintes de ces troubles. Si possible, c’est le même interlocuteur conseil qui doit rendre visite aux familles au fil des mois. Le nombre annuel de visites est doublé, passant à 4 fois par an pour les clients de niveau I et II et jusqu’à 8 fois pour les clients de niveau III.
Conclusion Sept ans après son introduction, l’assurance soins de longue durée allemande affiche une remarquable maîtrise des coûts. Cette évolution propice est liée en grande partie au choix majoritaire d’options de prestations perçues (pour partie ou entièrement) en espèces par les bénéficiaires, y compris pour les cas les plus lourds. Cette évolution montre que le système proposé répond assez bien aux besoins des familles, d’autant que les aidants informels – ou plutôt les aidantes, puisque la grande majorité sont des femmes – reçoivent, en contrepartie de l’aide fournie, des offres de répit et une couverture sociale. Si l’assurance soins de longue durée com-porte bien une tendance à la privatisation, sensible également dans d’autres pays, on soulignera que cette dernière ne touche, et ce qu’en partie, la dispensation de soins de longue durée, alors que le financement et le contrôle d’ensemble de ces derniers en restent exempts. Soulignons le rôle décisif
laissé au bénévolat dans la mise en place de l’offre et des modalités de son contrôle. On verra dans les années à venir si cette carte blanche laissée aux bénévoles favorisera le développement d’offres innovantes et accessibles, en particulier aux personnes souffrant de démences.
Concernant cette population particu-lière, un des défauts majeurs de l’assurance soins de longue durée, à savoir sa non-prise en compte des personnes souffrant de défi-cits cognitifs et apparemment « autonomes » du point de vue fonctionnel, a été rectifié par l’introduction de la loi complémentaire de 2001. La mise en œuvre de cette dernière, notamment au niveau des pratiques d’éligi-bilité des équipes médicales des caisses, reste à vérifier.
Malgré ces points positifs, une série de dysfonctionnements subsistent. Ils renvoient en particulier à la scission entre soins de longue durée et soins curatifs que l’intro-duction de cette loi, avec la mise en place de deux caisses distinctes, a contribué à péren-niser. Ainsi, les efforts préventifs sont-ils escamotés, la coordination des interventions professionnelles autour des personnes fra-giles est-elle rendue difficile. Sans doute une même gestion financière des bénéficiaires des deux types d’assurances permettrait-elle d’éviter ce type d’écueils.
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