Analyse d'un processus électoral : les élections générales péruviennes du 16 juin 1956 - article ; n°1 ; vol.7, pg 99-121

Michel Martindubois

Description

Revue française de science politique - Année 1957 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 99-121
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié le: 01 janvier 1957
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Extrait

Monsieur Michel Martin Du Bois
Analyse d'un processus électoral : les élections générales
péruviennes du 16 juin 1956
In: Revue française de science politique, 7e année, n°1, 1957. pp. 99-121.
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Martin Du Bois Michel. Analyse d'un processus électoral : les élections générales péruviennes du 16 juin 1956. In: Revue
française de science politique, 7e année, n°1, 1957. pp. 99-121.
doi : 10.3406/rfsp.1957.392407
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1957_num_7_1_392407Analyse un Processus Electoral
Les Elections Générales Péruviennes du 16 Juin 1956
MICHEL MARTIN DU BOIS
Depuis le 27 octobre 1948 le gouvernement péruvien était dirigé par
un militaire le général Odria qui lan ant Arequipa un mouvement il
qualifiait lui-même de restaurateur avait renversé le président Busta-
mante Ce long règne se divise en deux phases de 1948 1950 le général
préside une Junta Militar de Gobierno le Congrès élu en 1945 dont
les pouvoirs expiraient en 1951 est ajourné et les garanties constitution
nelles sont suspendues En 1950 ont lieu sur initiative de la Junta des
élections qui désignent le général Odria comme président et un Congrès
tout dévoué exécutif Le président constitutionnel accom
plit son mandat légal de six ans le 16 juin 1956 les électeurs péruviens
et pour la première fois les electrices étaient convoqués pour lui
désigner un successeur et pour nommer un nouveau Congrès
Il ne agissait pas seulement de savoir qui serait le nouveau président
qui seraient les nouveaux députés et sénateurs La consultation était un
intérêt beaucoup plus vaste elle mettait un terme une suite de laborieuses
man uvres au Pérou moins ailleurs une élection ne saurait être assi
milée un sondage de type Gallup Si nous nous contentions de relever
que Manuel Prado recueilli 568.134 voix architecte Fernando
Belaunde 457.638 et de Lavalle environ 250.000 nous aurions
pas appris grand chose sur les élections péruviennes du 16 juin dernier
Nous aurions même pas accru de beaucoup nos connaissances si nous
nous étions borné ajouter les pourcentages obtenus par chacun des can
didats dans les divers départements et circonscriptions
Sont électeurs dit article 86 de la Constitution tous les citoyens qui
savent lire et écrire ce qui exclut les Indiens analphabètes est-à-dire la
presque totalité de la population indigène Les départements électoralement les
plus peuplés sont ceux de la côte En revanche le département de Puno sur
la frontière bolivienne) pour bien près un million habitants que 40.000
électeurs et electrices tandis que Lima pour une population seulement supé
rieure environ 20 en compte près de 600.000
99 Les Elections Générales Péruviennes du 16 Juin 1956
Les élections du 16 juin mettent en cause équilibre des forces poli
tiques qui était dégagé de la révolution octobre 1948 Pour les uns
les élections étaient occasion en unir avec le régime militaire et ses
séquelles de prévenir jamais son retour Les autres employaient sauver
essentiel du régime que les premiers prétendaient liquider Dans es
prit de cous les élections devaient préparer un nouvel essai de régime
civil que les uns appelaient de leurs ux et appréhendaient les autres
Les conditions on serait tenté de dire les clauses de la liquida
tion les garanties que chacune des parties essayait arracher ses parte
naires ont directement pesé sur la confection de la loi électorale sur
élaboration des candidatures et sur la manière dont chaque candidat
conduit sa campagne Aussi les élections du 16 juin ne éclairent-elles
une fois connues les démarches qui les précèdent et qui les suivent
les difficultés elles résolvent celles elles laissent en suspens et aussi
celles elles créent..
LE REGIME DU GENERAL ODRIA
administration du général Odria combinait un ensemble de traits
première vue disparates mais au bout du compte assez cohérents La doc
trine implicite du général Odria et de ses amis est que le Pérou est
pas mûr pour un régime de partis Les petits bourgeois les ouvriers la
population flottante des grandes villes Lima Arequipa Truj ilio Cuzco
avait en 1945 donné leur voce A.P.R.A Alianza Popular Revolu
cionaria Americana
La présidence était échue au Dr Bustamanre Rivero juriste irréprochable
qui avait dû composer avec un Parlement où la fraction apriste sans
détenir la majorité absolue pesait un poids très lourd Les choses se
gâtèrent au point en octobre 1948 le général Odria interprétant assez
librement semble-t-il article 213 de la Constitution qui voit dans la
conservation de ordre public une des finalités de armée déclara
Mouvement né vers 1920 Le fondateur chef suprême est Victor
Ra Haya de la Torre ideologie du mouvement était dans les débuts au
moins socialiste au sens large et indigéniste Autour de A.P.R.A. se ras
semblèrent toutes les tendances hostiles aux grandes familles qui soit direc
tement soit par personnes interposées exercèrent une influence décisive sur la
vie politique du pays A.P.R.A fut dans opposition en 1945 une ten
tative pour le légaliser eut lieu de 1945 1948 sous la caution un président
civil le Dr Bustamante Rivero Le dénouement intervint le 28 octobre 1948
quand le général Odria lan Arequipa un mouvement insurrectionnel Tou
chant cette période on pourra consulter article de Fran ois BOURRICAUD Sur
le Régime constitutionnel dû Pérou Revue fran aise de Science politique
janvier-mars 1955 pp 92-109
101 Michel Martin du Bois
il ne pouvait plus rester indifferent devane la démagogie des chefs
apristes et la paralysie du presidene Bustamame le pronunciamento
Arequipa était rien de plus selon lui une mesure de salue public
Théorie étrange nos yeux mais qui fonde la prétention courante chez
les militaires du monde hispanique de se constituer comme un corps pri
vilégié qui re en dépôt le destin de Etat ec qui attribue lui-même
couce compétence pour décider quand la République est en péril et comment
elle peut être sauvée
Les divergences entre le général Odria et la plupart des groupes con
servateurs qui en 1948 avaient accueilli avec soulagement son initiative
commencent assez vite Elles se devinent dès les élections de 1950 qui
fone du général un président constitutionnel Pour les conservateurs
grandes familles traditionnelles nouveaux messieurs enrichis dans le com
merce ou la banque administrateurs de sociétés nationales ou de sociétés
étrangères installées au Pérou tous cousinant et membres des mêmes clubs
le fameux Club Nacional par exemple) appel au soldat est un
expédient Le mieux leurs yeux est un président civil issu de la bonne
société rompu aux affaires apprécié des capitalistes étrangers Ce pré
sident parlerait le langage du démocrate irréprochable mais saurait arrêter
ou tenir en bride les initiatives des démagogues Il aurait comme règle la
liberté des échanges qui favorise les exportateurs de coton ec de sucre
est-à-dire les grands propriétaires de la côte et permet entrée massive
de capitaux étrangers américains surcoût venant investir dans exploi
tation minière et pétrolière ce rêve apparaît le plus souvent comme une
chimère même ceux qui sont le plus enclins le caresser est ce
dont le général Odria effor ait de convaincre les conservateurs sans le
contrepoids de son sabre les démagogues auraient vite mis en pièce cène
république où les grandes familles liméniennes se ffatcent de faire de
bonnes affaires tout en respectant les règles démocratiques Mais le général
si respectueux de grands intérêts prend soin de distinguer son gouver
nement tout autant des élites traditionnelles que des démagogues Les
seconds étaient décrits comme irresponsables les premiers comme des
conservateurs égoïstes
Rien pourtant était plus éloigné du général Odria que idèe une
troisième force justicialiste la Peron Tour au contraire le gouver
nement péruvien employa attirer les capitaux étrangers dont afflux
lui présageait la prospérité du pays Une réforme du Code minier en 1950
exonéra largement les nouvelles machines importées pour