La guerre 1939-40 selon un soldat poète algérien - article ; n°1 ; vol.15, pg 21-34
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Description

Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1973 - Volume 15 - Numéro 1 - Pages 21-34
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 411
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mohamed Hadj-Sadok
La guerre 1939-40 selon un soldat poète algérien
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°15-16, 1973. pp. 21-34.
Citer ce document / Cite this document :
Hadj-Sadok Mohamed. La guerre 1939-40 selon un soldat poète algérien. In: Revue de l'Occident musulman et de la
Méditerranée, N°15-16, 1973. pp. 21-34.
doi : 10.3406/remmm.1973.1224
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1973_num_15_1_1224LA GUERRE 1939-1940
SELON UN SOLDAT-POÈTE ALGÉRIEN
par Mohammed HADJ-SADOK
I.
Si le service militaire n'a été rendu obligatoire aux Algériens qu'en 1913, on
sait cependant que dès les premiers jours de la conquête, en septembre 1830, des
Kabyles-Zwâwa ont pu être enrôlés comme volontaires pour former quelques
compagnies de zouaves. Peu après, un arrêté du Maréchal Clausel, confirmé par
ordonnance du 21 mars 1831, servit de base à la formation de plusieurs bataillons
de soldats algériens de toutes régions, devenus, plus tard, des régiments qui se sont
illustrés d'abord dans la conquête de l'Algérie, ensuite en Crimée, au Mexique et
en France, en 1870. A partir de 1913, l'armée française a compté dans ses rangs,
comme soldats algériens, non seulement des zouaves mais aussi des tirailleurs, des
spahis et des artilleurs utilisés dans toutes ses actions militaires.
Leur participation sur les divers champs de bataille a souvent eu des échos
dans la poésie populaire en arabe dialectal. A titre d'exemples, on peut citer :
a) Une pièce de 264 vers de Muh'ammad b. Smâ'îl d'Alger, sur la guerre de
Crimée, publiée en texte arabe avec préface et traduction française par
Mohammed Ben Cheneb, dans les noï 266-267 (3e et 4e trimestres) de la Revue
Africaine.
b) Une pièce de 113 vers, d'une seule rime de Ben-H'arrâth, de la région de
Sidi Bel-Abbès, mort en 1923, sur la guerre de 1914-1918, publiée par M°Qâd'î
Muh'ammad dans son recueil Al-Kanz al-maknûn fî ch-chi'r al malh'ûn, Alger, éd.
ath-Tha'àlibiyya, 1927, pp. 213-219.
Dans ces deux pièces, le poète parle de la guerre seulement par ouï-dire,
tandis que, dans le poème ci-dessous, c'est un combattant qui fait état de ce qu'il
a fait, vu, entendu et éprouvé.
Ce poème m'a été récité puis dicté par 'Abdesselâm Muh'ammad, du lieu dit
H'ammâma, dans la banlieue de Miliana. C'est un campagnard qui vit de la culture
d'un petit verger, de l'exploitation de deux modestes boutiques, l'une en banlieue,
l'autre en ville et aussi, à l'occasion, de l'achat et de la revente de quelques
bestiaux au marché hebdomadaire de Khmîs-Miliana. Analphabète, 'Abdesselâm est
doué d'une excellente mémoire et d'un goût prononcé pour les chants populaires
des ruraux. M. HADJ SADOK 22
II convient ici de préciser ce que recouvre cette expression. En Algérie,
comme peut-être ailleurs, il y a un abîme entre ce que chantent les citadins et ce
que chantent les ruraux. Les premiers, dans les villes, apprécient trois genres
principaux de chants : a) andalou, b) cha'bî, c) oriental d'Egypte, de Syrie, du
Liban. Sans entrer dans le détail pour la définition de ces genres, il importe de
noter qu'ils sont chantés soit par un soliste, soit par un chœur, avec accompagne
ment d'une musique polyphonique orchestrée par des groupes jouant de la plupart
des instruments à vent, à corde et à percussion, d'après une tradition apparemancienne sur laquelle se sont greffées, peu à peu, des innovations modernes.
L'important en la matière n'est pas dans les paroles mais dans la mélodie et
l'harmonie.
Les ruraux, par contre, attachent du prix aux paroles et considèrent le chant
comme un mode de récitation de la poésie pour lequel l'accompagnement musical
est plutôt accessoire. Quand cet accompagnement est organisé, le chanteur — qui
est souvent en même temps poète — marque lui-même la mesure en tapotant du
doigt sur le gallâl (tambourin long et étroit) tandis que deux flûtistes, assis à sa
gauche, jouent de la gaçba (flûte en roseau) dont les harmoniques sont fort
appréciées des auditeurs.
Les cinquante-huit vers de cette pièce, qui appartient à ce genre rural, ont
été composés et diffusés par Muh'ammed Weld Qwîder dit El-Melyânî, originaire
du douar Bnî Ghamriyyân, au nord de 'Ayn Delfa (ex-Duperré), sur la rive droite
du Chelif. Né en 1915, appelé sous les drapeaux en 1935, il a été rappelé lors de
la mobilisation de 1939. Comme son râwiya (= rapsode) 'Abdesselâm, c'est un
analphabète dont la langue maternelle est le parler du Moyen-Chelif, parler arabe
"B", selon la classification de Jean Cantineau. A l'heure actuelle, Cheikh
El-Milyâni — c'est ainsi qu'on l'appelle — est fixé à Blida où il chante dans les
cafés maures et dans les noces, devant des auditoires qui apprécient son art.
Comme on le voit, le poème comprend sept strophes dont quatre riment en
ât I li, deux en sa / âr et une en îh / am. La première strophe a dix vers ; la
seconde et la troisième en ont six chacune ; la quatrième, quatre ; la cinquième,
sept ; la sixième, douze et la septième, treize. Tous les vers ont vingt syllabes
longues, dix par hémistiche. Le rythme est marqué par l'accentuation de la
cinquième syllabe de chaque hémistiche.
La première strophe évoque la mobilisation générale, l'émotion de tous,
l'angoisse des femmes ; la deuxième relate les explications fournies aux soldats par
leur colonel ; la troisième décrit le départ d'Alger pour la France ; la quatrième, la
traversée ; la cinquième, les occupations de la troupe durant les mois de la "drôle
de guerre" ; la sixième dénonce l'espionnage et relate l'offensive allemande, la
bataille, la défaite ; la dernière exprime la nostalgie du poète, son retour au pays
natal et se termine par sa signature de la pièce.
Tel qu'il est présenté ici, l'ordre des vers n'est pas tout à fait celui donné par
'Abdesselâm dont la mémoire, à cet égard, semble avoir eu des défaillances.
Peut-être faudrait-il imputer aussi à ces défaillances l'inégalité numérique des vers
de chaque strophe et des strophes de chaque rime, à moins que Muh'ammad
al-Melyânî en soit lui-même responsable, n'étant pas averti de la règle usuelle qui
exige un nombre égal de vers par strophe et un nombre égal de strophes par rime. GUERRE 1939-40 SELON UN SOLDAT POETE ALGERIEN 23
Selon ce soldat-poète, la guerre a été voulue et décidée par Hitler. Il en avait
conféré avec les représentants de certaines puissances. Daladier n'en voulait pas
mais, le cas échéant, ses troupes nord-africaines étaient là pour riposter. C'est ce
qu'explique le colonel à ses soldats. Ces derniers sont prêts, mais la femme
algérienne n'en laisse pas moins voir son angoisse quand elle voit partir les
mobilisés et le poète en est ému.
Le navire gagne la haute mer ; la terre ferme disparaît à la vue. Contre le mal
de mer, est invoqué le secours de Sîdî 'Abdelqâder el-Jîlâlî.
Le transport de troupes navigue sous escorte et a des canons en position de
tir. Le capitaine est vigilant. La traversée, jusqu'à Marseille, dure vingt-quatre
heures. Du bateau, la troupe va directement à la gare.
La "drôle de guerre" dure neuf mois. Les régiments tiennent des positions
apparemment infranchissables et s'affairent à les fortifier en construisant solid
ement casemates et tranchées.
Un vendredi, la bataille commence : avions au ciel, pièces d'artillerie au
sol ... etc.
Hélas ! l'espionnage fait son œuvre ; la trahison du roi de Belgique aggrave la
situation. Les Allemands attaquent en force. C'est l'encerclement et l'épouvante.
On se bat, mais les Français abandonnent leurs armes, au désespoir du commandem
ent. C'est la défaite. Un jeudi, c'est le cessez-le-feu.
Echappé, on ne sait comment, à la mort et à la captivité, le poète est gagné,
peu à peu, par la nostalgie du pays natal. Il compte sur le chemin de fer pour l'y
ramener.
En signant son

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