Blanc est le champ, noire la semence, l énigmatique littéraire à la Renaissance - article ; n°1 ; vol.59, pg 49-62
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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 2004 - Volume 59 - Numéro 1 - Pages 49-62
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gilles Polizzi
Blanc est le champ, noire la semence, l'énigmatique littéraire à
la Renaissance
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°59, 2004. pp. 49-62.
Citer ce document / Cite this document :
Polizzi Gilles. Blanc est le champ, noire la semence, l'énigmatique littéraire à la Renaissance. In: Bulletin de l'Association
d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°59, 2004. pp. 49-62.
doi : 10.3406/rhren.2004.2659
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_2004_num_59_1_2659Dossier préparatoire au
Colloque RHR, Lyon 8-9-10 septembre 2005*
« Blanc est le champ, noire la semence » :
l'énigmatique littéraire à la Renaissance.
« Blanc est le champ et noire la semence
Ly homs qui la semme est de moult grant science. »
Les Adevineaux amoureux, Bruges, C. Mansion, 1479
Cette devinette dont l'énoncé a connu de multiples variantes et dont la
solution est l'écriture, nous semble propre à introduire le sujet complexe
de Vénigmatique à la Renaissance, car la forme et l'énoncé y conjoignent
les caractères de deux définitions usuelles du terme : d'une part, l'énigme
comme forme ludique agencée autour d'une solution qui en constitue la
matrice poétique, de l'autre, ce qui, dans l'écriture, procède de l'obscurité
et du suspens et qui agence le récit (l'aventure) ou sa réception (la lecture),
selon la dynamique d'un dévoilement, ou du déchiffrement d'un sens
caché. Relevons donc, avant d'en remiser l'énoncé, les connotations de la
métaphore qu'actualise cette énigme singulière, pourtant traditionnelle en
ce qu'elle repose sur l'analogie entre le sillon et le vers. La blancheur du
champ peut évoquer l'hiver mélancolique de la création, la genèse secrète
de l'œuvre et, par anticipation, l'été de sa maturation. L'inquiétante
noirceur de la semence, suggère quant à elle l'ambiguïté peut-être
diabolique d'une mimesis qui s'énonce par l'inversion de l'ordre naturel.
Notons aussi le caractère réflexif de la relation entre la métaphore et
l'énigme qui, littéralement, en décompose le procès : d'abord obscure dans
son suspens, pour autant que le littéral (le champ, la semence) et le figuré
(la page, la lettre) restent distincts par défaut, puis lumineuse dans la
solution qui les confond. Une miniature en somme, de la dialectique
cusienne de la complicatio et de Vexplicatio qui sous-tend, selon H. Staub,
l'écriture du Microscosme de Scève. Il semble alors bien décevant qu'aussit
ôt reconnue, l'énigme se réduise au jeu auquel sa résolution vient de
mettre fin; sauf à jouer sérieusement, en se demandant ce que recouvre
son invention — de quel hiver, de quel secret parle-t-elle ? — et ce qu'elle
nous apprend sur la littérature.
* Voir aussi RHR 58, juin 2004, p. 141-144.
RHR 59 - Décembre 2004 50 GILLES POLIZZI
C'est la question qu'on voudrait poser à propos de l'énigme en général,
rapportée aux cadres de la fiction de la Renaissance, en prévision (ou en
marge) du prochain colloque de R.H.R. Mise en forme des interrogations
soulevées par la fabrication de la bibliographie préliminaire, ces
remarques visent à nourrir la réflexion, non à la limiter1. Il s'agit aussi
d'une synthèse de nos propres travaux, sous l'angle particulier de
l'énigmatique, ce qui explique la redondance de nos exemples et la
subjectivité de leur choix. Quant au point de vue, ce n'est pas tout fait le
nôtre, mais celui de l'avocat du diable. Car on croit utile de s'interroger sur
l'existence du phénomène : y a-t-il au XVIe siècle un développement
particulier de la notion d'énigme, susceptible d'en élargir la définition, ou
d'en étendre l'application à l'ensemble de la mimesis ? Peut-on fonder sur
elle la définition d'une (ou de plusieurs) esthétique(s) littéraire(s) ?
L'appréhension de l'énigme, comme mécanisme ou mode de
représentation littéraire, hésite entre deux conceptions inégalement
problématiques. La première, au sens restrictif du terme, va de soi. C'est
celle que retiennent les traités de rhétorique et de poétique. Elle repose
sur la formulation d'une question contenant implicitement les termes de
sa réponse, ce qui constitue aussi un critère qualitatif, au sens où il y a de
« bonnes » et de « mauvaises » énigmes). La seconde est extensive et non
discriminante. Elle s'entend à la fois du point de vue de la composition et
de la réception de l'œuvre. Il s'agit du suspens du sens (ou du discours,
lorsque l'énigme interrompt la narration) modulant la lecture. Pour fonder
le concept sur un plan esthétique, il convient, à défaut de combler l'écart
entre ces deux points de vue, de montrer qu'ils sont connexes, que leur
relation décrit une tension spécifique et que celle-ci caractérise certains
modes de représentation. Pour distinguer les étapes du processus, on
emploiera - le temps de cet exercice — l'adjectif « énigmatique » substantive
au masculin, pour dire le sentiment qu'inspire l'objet, au féminin, pour en
nommer l'esthétique.
Il faut aussi baliser le champ de son application littéraire. On sait que
le terme s'associe ordinairement à notre perception des allégories du
Poliphile, du roman rabelaisien ou vervilien, des fictions alchimiques, de
la poétique scévienne, de certains maniérismes — mais les exemples qui
viennent à l'esprit, et d'abord, celui de Gongora et de la forme de la glosas,
sont étrangers et tardifs - ou d'écritures singulières, entre autres, celles
1. Pour éviter la redondance, on renvoie une fois pour toutes le lecteur à la
bibliographie, encore in progress donnée dans ce numéro. Je remercie tous ceux qui
ont bien voulu y contribuer, particulièrement André Tournon, Michèle Clément et
Daniel Martin. L'ÉNIGMATIQUE LITTÉRAIRE À LA RENAISSANCE 51
des Prophéties de Nostradamus (considérées sous l'angle de leur poétique),
du Songe de Du Bellay, etc. Il peut aussi qualifier, outre l'énigme
proprement dite, des formes et des procédés qui transposent et adaptent
les mécanismes du déchiffrement : l'hiéroglyphe, l'emblème et, à certaines
conditions, Yekphrasis. Toutefois, la disparate de cet inventaire dément
par avance l'unicité du concept. Soit en le vidant de son sens, soit en lui
donnant une extension telle, qu'il devient inopérant. Le consensus qui veut
que le XVIe siècle français soit, à divers titres, un « âge de l'énigme »
mérite ainsi d'être sondé.
On s'attachera à cerner l'objet ou le phénomène, à le distinguer de
l'exercice d'une critique qui pose, à juste titre, que tout texte nous est
énigmatique, et l'on se demandera, en considérant - le plus succintement
possible — ses causes et ses manifestations, s'il est caractéristique de la
période. On progressera du général au particulier, du sentiment aux
formes, de celles-ci à l'écriture, dont on proposera in fine une typologie
sommaire autour de trois modèles: la ruine (l'ordre brouillé), l'hiéroglyphe
(comme redondance du signifié), l'anamorphose (comme stéganographie).
On s'aidera d'un parallèle avec les arts, car sur ce sujet, les
problématiques se répondent, et sans doute, la diffusion des modèles
plastiques aura-t-elle contribué à donner forme à l'énigmatique littéraire.
On reviendra enfin sur le sens du phénomène et ce qu'il recouvre. C'est
aussi par là, qu'on croit devoir commencer.
L'énigme comme sentiment : l'altérité et Yingenium
Avant d'être une esthétique, l'énigmatique est un sentiment. Il colore,
mais d'une couleur changeante, la perception des phénomènes et du texte;
si bien qu'il faut, avant toute chose, séparer, dans la complicatio de
l'énigme, l'objet qui inquiète, du raisonnement qui rassure, sans oublier
pourtant ce qui les relie. Car, pour autant qu'on se refuse à croire au
schématisme de l'histoire des idées, qui voudrait que le sujet humaniste se
r

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