Contribution à une théorie historique de la production de la pensée religieuse dans les sociétés du Paléolithique et du Néolithique - article ; n°1 ; vol.7, pg 53-92
41 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Contribution à une théorie historique de la production de la pensée religieuse dans les sociétés du Paléolithique et du Néolithique - article ; n°1 ; vol.7, pg 53-92

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
41 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1981 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 53-92
40 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Pierre Lévêque
Contribution à une théorie historique de la production de la
pensée religieuse dans les sociétés du Paléolithique et du
Néolithique
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 7, 1981. pp. 53-92.
Citer ce document / Cite this document :
Lévêque Pierre. Contribution à une théorie historique de la production de la pensée religieuse dans les sociétés du
Paléolithique et du Néolithique. In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 7, 1981. pp. 53-92.
doi : 10.3406/dha.1981.1422
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1981_num_7_1_1422l
!
!
i
l
l
1
7 1981 53 - 92 DHA
CONTRIBUTION A UNE THÉORIE HISTORIQUE DE LA PRODUCTION
DE LA PENSÉE RELIGIEUSE DANS LES SOCIÉTÉS DU
PALÉOLITHIQUE ET DU NÉOLITHIQUE.
I - LE PALÉOLITHIQUE.
23 22
2 31
Puissances Puissances zoomoiphes Mères de
animales 232 fécondité
Hiérogamie
u 111 113 112
Echanges accrois- animal 1131 femme
sant le potentiel tue déguisements possède énergétique du homme animaux homme groupe 1132
chasse conçue
s comme
sion sexuelle 1 ."S -h -a "
il
121 US |E 12 123 122
Echanges animal femme livrée animal
nuant le tue à l'animal tue tiel énergétique homme femme du groupe 54 Pierre LÉVÊQUE
Les travaux de S. de Carvalho, 0) menés à partir de son expérience
anthropologique des chasseurs-cueilleurs et des agriculteurs de l'Amérique du
Sud - donc de sociétés dont on peut connaître les mythes, contrairement à
celles des premiers chasseurs et des premiers agriculteurs, partant dont on
peut mieux analyser les structures idéologiques - ont bien montré chez eux la
cohérence d'une pensée fermement structurée et systématisée à partir de
deux mondes antithétiques et complémentaires, celui des animaux et celui des
hommes, entre lesquels fonctionnent des échanges compensateurs assurant un
nécessaire équilibre.
A partir de l'analyse que je viens de mener des sociétés de chasseurs de
l'Eurasie et de la moitié Nord de l'Afrique, je crois pouvoir préciser dans un
tableau comment j'entends la structure globale de leurs idéologies. Ce tableau
est fondé sur l'antagonisme et la complémentarité du monde réel et de son
double supranaturel.
I . L'équilibre de la vie réelle des chasseurs repose sur des échanges entre
les deux activités fondamentales qui assurent leur survie : la chasse qui pro
duit de la nourriture, la copulation qui produit des enfants. Il y a là une dis
tinction binaire, fondée sur les impetus de l'homme en tant qu'être de nature,
mais dont l'idéologie tend à transcender la contradiction : С Lévi-Strauss O)
peut parler de «l'analogie très profonde que, partout dans le monde, la pensée
humaine semble concevoir entre l'acte de copuler et celui de manger, à tel
point qu'un très grand nombre de langues les désignent par le même mot».
Parmi les échanges entre monde de la chasse et monde de la fécondité,
les uns sont lus comme accroissant et les autres comme diminuant le potentiel
énergétique du groupe, d'où une compensation qui permet la survie de la col
lectivité dans son écosystème.
I 1 . La reproduction du groupe est assurée par la mise en oeuvre de la
chasse et de la fécondité :
1 1 1 : l'homme tue le gibier;
112 : l'homme possède et féconde la femme, ce qui assure le r
enouvellement de l'espèce par l'enfantement de nouveaux chasseurs qui tue
ront à leur tour le gibier, lui-même reproduit par la fécondation des femelles
par les mâles.
La pensée se construit donc sur un double temps : le quotidien instanta
né de la chasse et de l'acte sexuel ; la longue durée du groupe, qui est fonction
de la permanence d'un équilibre fragile entre bêtes et hommes, d'où les an
goisses qui s'expriment, au niveau des structures idéologiques, par une double
interconnexion établie entre eux (ИЗ) е^ qUi vise à les concaténer ferme- DIALOGUES D'HISTOIRE ANCIENNE 55
ment et durablement.
1131. Hommes et femmes se font animaux en revêtant des
masques, des dépouilles, des postiches (cornes, peau, queue...). Plus spécif
iquement, dans le Paléolithique supérieur européen, il y a une recherche d'ass
imilation par la représentation figurée, assimilation au reste différenciée selon
les sexes : les visages des hommes sont l'objet d'une stylisation bestiale w) ;
les femmes sont très souvent dotées d'une attitude semi-penchée qui leur don
ne la courbe du tracé dorsal des animaux \V.
1132. La domination de l'homme sur l'animal - qui est en
fait la résultante d'un rapport de forces où l'énergie, l'intelligence, le courage,
l'agressivité jouent le rôle déterminant - est lue comme la résultante d'une
possession sexuelle : d'où notamment l'équation blessure = vulve du Paléoli
thique supérieur ; d'où la «bestialité» de certains chasseurs de l'Afrique.
12. Ces échanges gratifiants pour le groupe ne fonctionnent que par
leur mise en tension avec des échanges péjorant son potentiel énergétique et
où il compense la domination sur le monde animal que lui ont permise les
échanges précédents.
121. La chasse est ambiguë et peut aboutir à la blessure et à la
mort du chasseur. C'est le sens d'un ensemble de scènes de caractère tragique
où l'homme joue le rôle du vaincu et qui ont été bien étudiées dans l'Europe
du Sud-Ouest (y) : ainsi s'opère, de manière plus dramatique que dans le
trépas inéluctable de chacun des membres de la communauté, la nécessaire
restitution des énergies vitales fournies à l'homme (je dirais mieux : prêtées à
l'homme) par l'animal tué et mangé.
122. L'animal tue la femme, ce qui est considéré dans l'imaginaire
comme une union sexuelle О23)} d'où \а dramatisation dans les mythes
analysés par l'anthropologue de la femme livrée ou mariée à la bête ou
entretenant avec elle des relations adultères.
2. Mais le système des échanges compensatoires ne peut fonctionner
que par le recours à un double supranaturel des réalités matérielles de la chas
se et de la fécondation, où l'on retrouve les deux aspects complément
aires des puissances animales et des puissances de fécondité.
21. Les puissances animales doivent être clairement distinguées
des animaux réels, ce qui n'est pas toujours aisé dans la représentation figurée 56 Pierre LÉVÊQUE
et est beaucoup plus clair dans les traditions mythiques des sociétés archaï -
ques encore vivantes w. Nous avons vu cependant que, sur les rupestres
d'Afrique, on repère selon toute vraisemblance des animaux-déités qui s'im
posent «comme une affirmation psychique transcendante». Il doit en être de
même des figurines d'animaux qui sont, dans le Centre et l'Est de l'Europe
paléolithique, con temporainesdes représentations féminines (7).
22. Parmi les puissances humaines, les Mères de fécondité jouent un
rôle essentiel, bien connu surtout grâce à l'art religieux mobilier du Paléoli
thique eurasia tique. Elles répondent aux questionnements du groupe sur sa
nécessaire reproduction dans les conditions difficiles de la forêt (mortalité in
fantile élevée ; nécessité pour la mère d'allaiter longtemps, d'où retard de la
naissance suivante ; espérance de vie faible ...), qui ne semblent néanmoins pas
avoir empêché une augmentation, faible, mais continue, de la population 00.
La spécification des Mères en tant que telles résulte d'un remarquable
effort d'abstraction, bien plus fort que dans le cas des puissances animales
qui ne sont que la simple transposition, au niveau du double imaginaire, des
' ^- animaux de la forêt. Cette conceptualisation est bien notée par J. Hawkes
«Lorsque l'artiste prenait pour sujet un personnage féminin, il ne voulait pas
montrer la femelle de sa race avec le même esprit de réalisme précis (que lors
qu'il représentait des animaux), mais plutôt l'idée de la femme, source de
toute fécondité. Il ne peignait pas la femme, mais la fertilité». Et A. Leroi-

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents