Des grandes compagnies au quatorzième siècle. I. Leurs commencements. — Prise de Vire en 1368.  - article ; n°1 ; vol.3, pg 258-281
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Des grandes compagnies au quatorzième siècle. I. Leurs commencements. — Prise de Vire en 1368. - article ; n°1 ; vol.3, pg 258-281

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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1842 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 258-281
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1842
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Ernest De Fréville
Des grandes compagnies au quatorzième siècle. I. Leurs
commencements. — Prise de Vire en 1368.
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1842, tome 3. pp. 258-281.
Citer ce document / Cite this document :
De Fréville Ernest. Des grandes compagnies au quatorzième siècle. I. Leurs commencements. — Prise de Vire en 1368. In:
Bibliothèque de l'école des chartes. 1842, tome 3. pp. 258-281.
doi : 10.3406/bec.1842.451653
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1842_num_3_1_451653Tí
DES
GRANDES COMPAGNIES
AU QUATORZIÈME SIÈCLE.
I.
Leurs commencements. — Prise de Vire en 13G8-
On vit paraître en France , à une distance d'environ un siècle
et demi , deux grands fléaux , qui se ressemblent par beaucoup
de points : les Routiers et les Grandes Compagnies. Toutefois ,
on peut établir entre eux une distinction caractéristique. Au
douzième siècle , ce sont des serfs qui se révoltent contre leurs
seigneurs absents. Ils reproduisent en France les horribles excès
de ces multitudes désordonnées des premières croisades ; chez les
adversaires des Confrères de la Paix, tels que nous les dépeignent
les Grandes chroniques de France ( l ) , chez les Cotereaux , les Pastou
reaux, les paysans de la Jacquerie, les Flagellants, c'est toujours l'
ignoble réaction de gens abrutis par le fanatisme ou l'oppression.
Leur force n'est que la confiance du nombre : dès que ce nombre
devient impuissant, ils succombent et leurs déroutes sont de véri
tables boucheries (2) . Dans les Compagnies du quatorzième siècle,
chaque individu a une énergie qui lui est propre. Formée d'él
éments guerriers , la Compagnie , bien que traînant à sa suite un
(t) T. IV, p. 20 de l'édit. in-8° de M. P. Paris.
(2) Voyez dans l'article intitulé les Routiers au xiic siècle, par M. Gérmid , Bïbl.
de l'École des Chartes, t. IV, p. 142 , le passage sur la journée de Dun-le-Roi , per
due par les Routiers. Il est à remarquer que leurs adversaires , les Paciferi , sont ré
duits au même é'at dès que la noblesse les abandonne. 259
pêle-mêle d'hommes et de femmes trois et quatre fois plus nom
breux qu'elle, entretenait parmi ses membres un principe de hié
rarchie, indispensable à toute association de quelque durée. Cette
milice indépendante des lois tendit même avec excès , si l'on
peut ainsi parler, ce ressort hiérarchique, afin d'en opposer la
seule force à tous les principes d'ordre social qu'elle attaquait.
La base de ces associations est partout la même ; et Matthieu
Villani, en exposant l'organisation d'une de celles qui se montrè
rent en Italie, nous les fait à peu près connaître toutes, il raconte
comment un chevalier de Saint-Jean de Jérusalem forma une
compagnie dans la Marche d'Ancône, en 1353. « Frère Moriale
convoqua , par lettres ou par messages, une grande quantité de
soldats qui se trouvaient sans emploi... Illeur fit dire de venir
à lui , qu'ils seraient défrayés de tout et bien payés. Ce moyen
lui réussit parfaitement ; il rassembla bientôt autour de lui quinze
cents bassinets et plus de deux mille compagnons , tous hommes
avides de gagner leur vie aux dépens d'autrui (1). « Bientôt la
compagnie se montre exerçant ses ravages. « Ils se mirent, con
tinue notre auteur, à chevaucher le pays et à piller de tous
côtés. . . Puis ils attaquèrent Feltrano , l'emportèrent par force ,
et y tuèrent cinq cents hommes. Comme le pays était rempli de
tous biens, ils y séjournèrent un mois. . . Pendant ce temps , l'ef
froi qu'ils inspiraient mit tous les châteaux d'alentour à leur
disposition. Beaucoup de soldats mercenaires, qui avaient fini leur
temps, apprenant que la compagnie faisait un grand butin, refu
sèrent du service pour se réunir à frère Moriale. Quelques-uns
même se firent casser pour venir le joindre ; et il les faisait ins
crire (2). -
Si le récit des dévastations de Moriale n'était là pour rap
peler qu'il s'agit d'un capitaine de brigands , on serait tenté de
lui accorder une véritable considération. « II observait , dit le
chroniqueur italien , la plus grande régularité dans la répartition
du butin. Les objets pillés ou dérobés qui pouvaient se vendre
étaient vendus par ses ordres. Il donnait des sûretés aux ache
teurs, et, afin que sa marchandise eut cours, il s'arrangeait de
façon à se montrer loyal. Il institua un trésorier (Camarlingho)
pour la recette et la dépense ; il créa des conseillers et des se-
(1) Istoria cil MA.TTEO Volaní , 1. ш , chap. 89, dans Mcratori, Script, rer. itali-
carum, t. XIV, col. 9Л6.
(2) /d.,chap. 108.
17. 260
créťaires avec lesquels il réglait toutes choses. Tl était obéi des
cavaliers et des compagnons, comme s'il eût été leur seigneur. Il
leur rendait la justice, et faisait exécuter ses arrêts immédiate
ment (1). »
Une aussi excellente administration fit rapidement prospérer
la compagnie. Dès 1354, après qu'elle se fut recrutée d'un grand
nombre de barons et de comtes , on commença à l'appeler la
grand' -Compagna (2). Ses membres renouvelèrent leur associa
tion pour un certain temps, et la jurèrent entre les mains de mes- '
sire Moriale. « Mais ce qui fit le meilleur effet , ajoute Yillani , ce
fut que de grands barons allemands , affiliés de la Compagnie ,
voulurent, à l'unanimité, qu'elle continuât à porter le nom de
frère Moriale , et que celui-ci gardât le commandement suprême
( la Capitaneria) (3). » On lui donna quatre secrétaires de la
cavalerie (Segretari de' cavalieri), dont l'un fut le comte de
Lando (4) ; et, pour les compagnons, quatre connétables italiens
(Conestaboli italiani). Ces principaux dignitaires composaient le
conseil secret, où se débattaient les entreprises et où étaient
pesés les intérêts de cette association guerrière. Ils nommaient
une sorte de conseil des prises, composé de quarante conseillers
et d'un trésorier. « Celui-ci recevait tout le butin, faisait les
payements et fournitures sur les ordres du capitaine. Les com
mandements de Moriale étaient observés comme l'eussent été ceux
de l'Empereur lui-même. Il faisait chevaucher la nuit dans la
campagne, jusqu'à vingt-cinq et trente milles, aussi loin qu'il
l'avait prescrit ; et le jour, ses soldats revenaient chargés de r
iches dépouilles , qu'ils rapportaient fidèlement à la masse
commune (5). »
II serait difficile, je crois, d'être plus clair et plus impassible
que Villani. L'obéissance aveugle aux volontés du chef, l'ordre sé
vère établi pour la bonne administration des gains de la compagnie,
(1) Mat. Villani, 1. ш, chap. 108.
(2) il ne faut donc pas s'imaginer que ces mots Grandes Compagnies aient été
appliqués indistinctement par les chroniqueurs à toutes les indépendantes.
L'épithète de grande tenait , comme on le voit ici, au nombre et à l'importance. Mais
ces deux mots , Grandes Compagnies , ayant prévalu dans l'histoire pour désigner
généralement les Compagnies indépendantes du quatorzième siècle, j'ai dû les con
server, et j'en ai fait usage avec cette signification.
(3) Id., chap. ПО.
(4) II devint ensuite lui-même un très-célèbre chef de compagnie.
(5) fd. , ibid. 2fil
tout ici est naïvement dépeint. Ce qu il y a de plus précieux, ce
sont les détails sur la hiérarchie militaire fondée par Moriale. On
y trouve des institutions nouvelles pour le temps, et qui ont en
core aujourd'hui leurs analogues dans nos armées. Ces secrétaires
de la cavalerie ressemblent singulièrement à nos chefs d'escadron ;
et l'on pressent nos chefs de bataillon dans ces connétables des
compagnons ou fantassins italiens. A la vérité, toutes les compag
nies n'étaient pas organisées avec cette perfection d'ensemble ;
mais on ne saurait douter qu'il ne s'y trouvât les commencements
de ce que Moriale avait si habilement complété. Ainsi ce nom de
connétable y était fort connu ; on le trouve dans un grand nombre
de montres ou revues de compagnies, au quatorzième siècle. Ce
grade répond assez bien à celui de lieutenant. Les pre

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