Des voix de la nation à celles de l Eglise : le premier dialogue du Reveille-matin des François - article ; n°1 ; vol.46, pg 47-62
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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 1998 - Volume 46 - Numéro 1 - Pages 47-62
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Raymond Fanlo
Des voix de la nation à celles de l'Eglise : le premier dialogue du
Reveille-matin des François
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°46, 1998. pp. 47-62.
Citer ce document / Cite this document :
Fanlo Jean-Raymond. Des voix de la nation à celles de l'Eglise : le premier dialogue du Reveille-matin des François. In: Bulletin
de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°46, 1998. pp. 47-62.
doi : 10.3406/rhren.1998.2199
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_1998_num_46_1_2199Des voix de la nation à celles de l'Eglise :
le premier dialogue du Reveille-matin des François
Le Reveille-matin des françois et de leurs voisins1 est un des plus
célèbres pamphlets protestants parus après la Saint-Barthélémy. Le
premier « dialogisme », qui a eu une influence capitale sur l'histori
ographie du massacre à travers des auteurs comme Agrippa d'Aubigné,
pose un double problème, politique et poétique.
Politiquement, le choix de personnages incarnant la France2 et
soucieux de « Testât »3 affirme un souci de légitimité et une identité
nationale. Le texte prévoit pourtant une quasi-autonomie des protes
tants qu'il veut fédérer démocratiquement4 ; bien plus, il reconnaît
par deux fois que les Guise, pourtant ennemis des protestants et sou
vent considérés comme des princes étrangers en France, ont sur la
couronne des prétentions légitimes5 ; il affirme aussi que certaines
terres ont été usurpées par la France sur l'Empire, et autorise de fait
une intervention étrangère6.
1. Edimbourg, 1574. Nous utilisons la reproduction offset EDHIS, Paris, 1977.
2. Le personnage du Politique est un seigneur qui appartenait à « une trouppe de
bons François, qui estions pour lors à la cour, zélateurs du bien de Testât, & de la
reputation du Roy » (p. 20). Il incarne une identité et une mémoire nationales, qu'il
convoque par exemple en citant explicitement les Recherches historiques de
Pasquier (p. 71-2).
3. Il est dit du Politique et de l'Historiographe qu'ils « ne cognoissent pour toutes
veritez, que celle de Testât » (p. 2).
4. Ce qui implique l'abolition de la souveraineté du royaume.
5. Dans le paratexte, aussitôt après YEpistre... d'Eusèbe Philadelphe (pseudonyme
de l'auteur), un Double d'une lettre missive escrite escrite au Duc de Guise par un
gentihomme, duquel on n'a peu scavoir le nom lave Guise du massacre et lui
propose presque une alliance avec les réformés français contre les Valois. On
pourrait penser que l'écrit n'est pas pris à son compte par l'auteur, qui
exploiterait simplement une possibilité tactique d'affaiblir le roi. Mais l'idée est
reprise dans le texte, où il est explicitement reconnu que les princes lorrains sont
« descendus de Charlemagne » et ont été « privez de la couronne de France » (p.
104).
6. P. 102-3.
RHR 46 -Juin 1998 48 JEAN-RAYMOND FANLO
Poétiquement, l'auteur exploite les possibilités du dialogue en
jouant des oppositions de style entre les différents énonciateurs. Or
cette stratégie, plutôt réservée au débat d'idées, entre ici en concur
rence avec le genre du récit historique. Dès YEpistre... dirigée contre
Pibrac, est revendiqué le langage « simple & sans afféterie » d'un
ouvrage « qui ne marche que rondement en son stile & au sujet »7.
Plus loin, la métaphore picturale qui définit le dialogue comme une
« tragique peinture »8 revendique une transparence du texte à son
objet, et justifie la simplicité du style par le refus d'interposer des
couleurs de rhétorique entre lecteur et événement : « Dy-nous
simplement le faict »9, demandera Alithie (Vérité) à l'Historiographe.
Si la production du fait (par opposition au droit et aux passions) est le
telos de la narration historique, la pluralité des voix du dialogue, leurs
styles différents, sont susceptibles de brouiller cette transparence.
Ces deux questions d'un discours politique français mais hostile à la
couronne française et d'une narration historique mais dialogique sont
liées.
Un Argument précède le dialogue :
Alithie, c'est à dire la vérité, estant en une de ses maisons, qu'elle a
librement dressée ez quartiers de la Hongrie qui est sous la puissance du Turc,
voit venir son amy Philalithie eschappé de la France : l'historiographe à la
prière de Philalithie la luy recite, discourant en gros les choses avenus
touchant la Religion en France, dés François premier jusques au mois d'Aoust
1572. sous Charles neuviesme où il commence à raconter plus par le menu ce
qui s'est passé. Le politique aide l'historiographe au récit de l'histoire &
marque incidemment les fautres faictes de tous les costez, monstrant à l'œil le
miserable estât de la France. L'église qui là estoit prie & parle par fois selon la
matière subjette. Daniel, c'est à dire jugement divin prononce sur tout cela un
arrest de grande consequence. Le politique & l'historiographe François, qui
jusques à lors estoyent Papistes sont convertis à Dieu & envoyez par l'Eglise en
charge : A scavoir l'historiographe aux princes & Nations voisines pour leur
devoir envers les bons. Et le politique aux Francois oppressez pour les avertir
de l'arrest de Daniel & de l'ordre qu'il leur donne.
7. Signet a. iiii v°.
8.b. ii v°. Voir l'étude de Nicole Cazauran, « La « tragique peinture » du
premier dialogue du Reveille- matin », Etudes seiziémistes offertes à V.-L.
Saulnier, Genève, Droz, 1980, p. 327-346.
9. P. 5. LE REVEILLE-MATIN DES FRANÇOIS 49
Ce résumé de l'évolution des personnages ne rend qu'imparfaite
ment compte de leurs positions respectives. Philalithie, le protestant
français en exil, que caractériseront religieusement et l'Amen par quoi
il ponctue une prière de l'Eglise (p. 79) et le fait qu'il se compte lui-
même au nombre des victimes persécutées pour leur amour de la
Vérité10, ne jouera qu'un rôle minime dans le dialogue. L'essentiel du
récit et du commentaire sera assuré par le Politique et par l'Histori
ographe « françois » à l'intention d'Alithie, qui, « plustost Cosmovague
qu'arrestee en certain lieu » (p. 2)11, est séparée du corps des nations.
De ceux-là à celle-ci, la communication a donc des enjeux identitaires,
où s'implique aussi le rapport du personnage fictif de Philalithie, pro
testant français, à l'auteur du texte, « Eusebe Philadelphe,
Cosmopolite »12, qui, tandis que l'Eglise est en Hongrie, écrit de
Eleutheroville, la ville de la liberté, c'est-à-dire, de nulle part.
L'Historiographe raconte et le Politique commente. La partie
centrale du dialogue, consacrée au massacre, sera monopolisée par le
premier — comme un document se passant du commentaire — , tandis
que le second intervient plus ou moins longuement pour discuter un
point de droit, révéler des causes cachées13, réfléchir sur la dénatura-
tion politique du royaume ou faire remarquer les erreurs commises14,
alléguer des exemples historiques et établir des analogies (p. 71). Le
contrepoint des deux personnages veut donc associer la réflexion
politique au témoignage, pour faire collaborer l'histoire et l'analyse devant la Vérité.
Telle est la situation de départ. Elle se modifie cependant assez
vite. En effet, Alithie ne reste pas longtemps auditrice. Elle inter
vient pour apporter à son tour un certain nombre d'informations,
révélant les dessous de l'entrevue franco-espagnole de Bayonne (p. 18)
10. « Tu vois cependant Alithie, quel blasme on nous met à sus, & la façon dont nous
traicte, & le tout pour l'amour de toy » (p. 77).
11. Les « maisons » d'Alithie, comme celles du zodiaque, sont des étapes, des lieux
provisoires : comme le dira Du Moulin, « l'Eglise de Dieu est ambulatoire et
voyagère, et Dieu l'a souvent transportée d'un lieu dans un autre » (Nouveauté du
papisme, cité par R. Vœltzel, Vraie et fausse Eglise selon les théologiens
protestants français du XVIIe siècle, Paris, PUF, 1956, p. 84).
12. Signet a iii, v°.
13. P. 11-1

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