Du métaphysicien au bricoleur. Les débuts de la psychologie dans les universités américaines - article ; n°1 ; vol.54, pg 241-261
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Du métaphysicien au bricoleur. Les débuts de la psychologie dans les universités américaines - article ; n°1 ; vol.54, pg 241-261

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Description

Communications - Année 1992 - Volume 54 - Numéro 1 - Pages 241-261
II s'agit ici de mettre en évidence des constantes dans les itinéraires des premiers psychologues universitaires afin de retracer les voies de leur professionnalisation. La carrière de James constitue une transition. C'est la raison pour laquelle elle ressemble aux trajectoires des psychologues de la génération suivante, G. S. Hall en tête, et en diffère tout à la fois. Ils s'emploieront à délimiter un territoire pour la psychologie, entre la philosophie et la physiologie psychologique. L'initiation scientifique à cette dernière se faisait en Allemagne, sous la direction de Wundt. Mais les apports de la neue Psychologie étaient radicalement transformés dans le contexte américain. Le recours à l'expérimentation était néanmoins le garant de légitimité de la nouvelle discipline. Point de passage obligé, le travail de laboratoire, qui débouchait parfois sur de cuisants échecs, était progressivement abandonné par ses pratiquants. La tension entre pratique épurée de la science et pressions en faveur des applications et de l'utilité sociale ne pouvait être résolue que dans une perspective fonctionnaliste.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Geneviève Paicheler
Du métaphysicien au bricoleur. Les débuts de la psychologie
dans les universités américaines
In: Communications, 54, 1992. pp. 241-261.
Résumé
II s'agit ici de mettre en évidence des constantes dans les itinéraires des premiers psychologues universitaires afin de retracer
les voies de leur professionnalisation. La carrière de James constitue une transition. C'est la raison pour laquelle elle ressemble
aux trajectoires des psychologues de la génération suivante, G. S. Hall en tête, et en diffère tout à la fois. Ils s'emploieront à
délimiter un territoire pour la psychologie, entre la philosophie et la physiologie psychologique. L'initiation scientifique à cette
dernière se faisait en Allemagne, sous la direction de Wundt. Mais les apports de la neue Psychologie étaient radicalement
transformés dans le contexte américain. Le recours à l'expérimentation était néanmoins le garant de légitimité de la nouvelle
discipline. Point de passage obligé, le travail de laboratoire, qui débouchait parfois sur de cuisants échecs, était progressivement
abandonné par ses pratiquants. La tension entre pratique épurée de la science et pressions en faveur des applications et de
l'utilité sociale ne pouvait être résolue que dans une perspective fonctionnaliste.
Citer ce document / Cite this document :
Paicheler Geneviève. Du métaphysicien au bricoleur. Les débuts de la psychologie dans les universités américaines. In:
Communications, 54, 1992. pp. 241-261.
doi : 10.3406/comm.1992.1825
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1992_num_54_1_1825Geneviève Paicheler
Du métaphysicien au bricoleur
Les débuts de la psychologie
dans les universités américaines
RÉSUMÉ
II s'agit ici de mettre en évidence des constantes dans les itiné
raires des premiers psychologues universitaires afin de retracer les
voies de leur professionnalisation. La carrière de James constitue une
transition. C'est la raison pour laquelle elle ressemble aux trajectoires
des psychologues de la génération suivante, G. S. Hall en tête, et en
diffère tout à la fois. Ils s'emploieront à délimiter un territoire pour
la psychologie, entre la philosophie et la physiologie psychologique.
L'initiation scientifique à cette dernière se faisait en Allemagne, sous
la direction de Wundt. Mais les apports de la neue Psychologie
étaient radicalement transformés dans le contexte américain. Le
recours à l'expérimentation était néanmoins le garant de légitimité
de la nouvelle discipline. Point de passage obligé, le travail de laborat
oire, qui débouchait parfois sur de cuisants échecs, était progressiv
ement abandonné par ses pratiquants. La tension entre pratique épu
rée de la science et pressions en faveur des applications et de l'utilité
sociale ne pouvait être résolue que dans une perspective fonctionna-
liste.
* *
241 Geneviève Paicheler
LES TRIBULATIONS DE WILLIAM JAMES
A l'origine, j'ai étudié la médecine [...], mais, par une sorte de fata
lité, j'ai dévié vers la psychologie et la physiologie. Je n'ai jamais
eu aucune sorte d'éducation philosophique, le premier cours de
psychologie dont j'aie jamais entendu parler fut celui que j'ai
donné (Perry 1 935, vol. I, p. 5).
Lorsque James écrit ces lignes, en 1902, à l'âge de soixante ans, il
est parvenu au bout de sa relation d'attirance et de répulsion à la
psychologie. Il en a abandonné l'enseignement, demandant à recou
vrer le titre de professeur de philosophie. Le parcours qui apparaît ici
- de la médecine à la physiologie, puis à la psychologie - tranche
avec le cursus plus habituel de son époque : de la philosophie
(morale) à la psychologie (des facultés), matières toutes deux ensei
gnées par les ecclésiastiques dirigeant les colleges.
Le rôle pionnier de James réside véritablement dans le fait qu'il a
ouvert aux États-Unis la voie à une psychologie rénovée. Ce faisant,
il a suivi la route que d'autres avaient ouverte en Allemagne, dans le
cadre de la neue Psychologie. Néanmoins, s'il a tracé une voie, James
ne s'est pas efforcé d'atteindre les sommets. Il s'est essoufflé et a
abandonné en chemin. En ce sens, il reste essentiellement un person
nage de transition, tiraillé entre deux mondes : socio-économique et
intellectuel.
Né en 1842, mort en 1910, il fut le témoin de la transformation
abrupte d'une société agraire en puissance industrielle. Sa personnal
ité même est le reflet de cette période d'indétermination dont il fut
témoin et acteur. Son parcours initiatique le situe à mi-chemin de
l'amateur et du professionnel.
William James rencontra l'opposition farouche de son père à sa
vocation artistique et à son désir de devenir peintre, et il se laissa
diriger fermement vers une carrière scientifique. Il commença des
études de chimie à Harvard, sous la direction du président de cette
université, C.W. Eliot. Il étudia ensuite la physiologie et l'anatomie
comparative avec le grand naturaliste suisse L. Agassiz, qui s'était
installé en Amérique dans les années 1840. En 1864, il entra à la
Medical School de Harvard, puis, sans terminer ses études de médec
ine, partit en expédition avec Agassiz au Brésil en 1865. Ce voyage
fut un échec : il tomba malade, souffrant du dos, d'une baisse de la
vue et, surtout, d'une profonde dépression. Afin de recouvrer sa
santé, il alla en Allemagne en 1867 pour y prendre les eaux.
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C'est alors que, poursuivant son vagabondage universitaire, il se
familiarise avec la psychologie physiologique allemande. Celle-ci fai
sait alors autorité après qu'un certain nombre d'innovations eut été
accompli, grâce à Johannes Miiller et à ses travaux sur l'énergie ner
veuse - liant la sensation aux stimulus externes -, et grâce à Her
mann Helmhotz, qui soumettait le processus neurologique à la
mesure et à l'expérimentation. Ce fut dans leur lignée que Fechner et
Weber, puis Wundt, fondèrent la psychologie des temps de réaction,
champ de recherche privilégié des dernières décennies du XIXe siècle.
En 1867-1868, il suit avec enthousiasme les cours de physiologie
d'Emil Du Bois-Reymond à Berlin. A l'automne 1867, il fait part de
ses impressions dans une de ses lettres :
il me semble qu'il est peut-être temps que la psychologie
commence à être une science. Certaines mesures ont déjà été effec
tuées dans le domaine se situant entre la modification physique
des nerfs et l'apparition de la conscience (sous la forme des sensa
tions perceptives) et beaucoup peut venir de là (Peny 1935, vol. I,
p. 3).
James perçoit d'emblée l'intérêt de cette nouvelle façon d'aborder
la psychologie pour élaborer une nouvelle discipline qui lui permett
rait de prendre pied dans le milieu académique.
Jusqu'à la fin de ma visite à Teplitz l'hiver dernier, j'ai espéré être
capable de travailler en physiologie, non que je n'aie aucun intérêt
particulier dans ces détails, mais parce qu'il y a du travail à faire
dans ce domaine ; je soupçonne, peut-être à tort, que la psychol
ogie ne sera à l'ordre du jour ' que lorsque des progrès imprévus
seront accomplis dans la physiologie du système nerveux, et si
j'étais capable, par un bricolage assidu, de définir quelques faits
psychologiques, humbles cependant, j'aurais l'impression que ma
vie n'a pas été complètement vaine. Mais je me rends compte
maintenant que je ne pourrai probablement jamais mener des tr
avaux de laboratoire, aussi suis-je obligé de me tourner vers autre
chose (ibid., p. 275).
Sa correspondance de 1867 et 1868 est émaillée de ses attentes, de
ses espoirs et de ses hésitations. Le moins qu'on puisse dire est que
son choix n'est pas positif. Son intérêt naissant pour la psychologie
est un moyen pour lui de fuir la physiologie pure, dont il déteste la
routine et la pratique cantonnée au laboratoire. La lui
semble, au contraire, un domaine riche de promesses qui pourrait, en
se situant entre les sciences biologiques et la philosophie, se renouvel
er grâce à la physiologie nerveuse et

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