Écrire l histoire : le choix du vers ou de la prose aux XIIe et XIIIe siècles - article ; n°38 ; vol.19, pg 71-85
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Écrire l'histoire : le choix du vers ou de la prose aux XIIe et XIIIe siècles - article ; n°38 ; vol.19, pg 71-85

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Médiévales - Année 2000 - Volume 19 - Numéro 38 - Pages 71-85
Writing History : the Choice of Verse or Prose in the XIIth and XIIIth - Century In the 12th century, the invention of the historical discourse preferentially occurs within the works which, while adapting the antique legends and/or relating the history of a people and a dynasty, create inside the octosyllabic verses some literary methods original in romanz, such as a descriptive protocole made to restore the colors of the past. The same process may be observed in some cruisades chronicles where the expeditions are related according to the chronology of the events, in an epic and novelistic way. On the fronteer between the 12th and the 13th century, some protestations raise against these « contes rimes » (Nicolas de Senlis), considered as untrue because they are made in verses : verses actually demand some artificial means opposite to the historical work. The interest for the method of procedure, which generally induces the choice of prose instead of verse, leads to a new reflection upon history, its links with literature and fiction, and it gives way to different historical works (either old histories or cruisades chronicles) which intend to be as realistic as possible and refuse verses or use them in order to create a refined prose. Although the choice of the method of procedure is only one of the points, it obviously raises the real qustions about historiography in the romance language and it permits to approach the writers aims.
Au XIIe siècle, l'invention du discours historique se produit de manière privilégiée dans des œuvres qui, adaptant les légendes de l'Antiquité et/ou retraçant l'histoire d'un peuple ou d'une dynastie, mettent au point, dans l'espace du couplet octosyllabique, des procédés littéraires inédits en romanz, dont un protocole descriptif chargé de restituer les couleurs du passé. La même entreprise s'observe dans quelques chroniques de croisade où les expéditions sont relatées suivantla trame chronologique des événements, en termes épico-romanesques. À la charnière des XIIe et XIIIe siècles, des voix critiques s'élèvent cependant contre ces « contes rimes » (Nicolas de Senlis), jugés mensongers parce qu'ils sont composés en vers : celui-ci requiert en effet des artifices contraires au travail de l'historien. La focalisation sur la question de la forme, qui infère, en règle générale, le choix de la prose contre le vers, engage une nouvelle réflexion sur l'histoire, sur ses liens avec le littéraire et la fiction, et donne lieu à des œuvres historiques variées - histoires anciennes et chroniques de croisade aussi bien - qui, dans le souci d'être au plus près du réel, dénient tout ce qui ressortit au vers ou en utilisent certaines composantes pour créer une prose sophistiquée. Bien que la problématique de la forme ne soit qu'un aspect de l'historiographie en langue romane, elle permet à l'évidence de poser ses enjeux essentiels et de cerner les desseins que s'assignent les auteurs.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Catherine Croizy-
Naquet
Écrire l'histoire : le choix du vers ou de la prose aux XIIe et XIIIe
siècles
In: Médiévales, N°38, 2000. pp. 71-85.
Citer ce document / Cite this document :
Croizy-Naquet Catherine. Écrire l'histoire : le choix du vers ou de la prose aux XIIe et XIIIe siècles. In: Médiévales, N°38, 2000.
pp. 71-85.
doi : 10.3406/medi.2000.1479
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_2000_num_19_38_1479Abstract
Writing History : the Choice of Verse or Prose in the XIIth and XIIIth - Century In the 12th century, the
invention of the historical discourse preferentially occurs within the works which, while adapting the
antique legends and/or relating the history of a people and a dynasty, create inside the octosyllabic
verses some literary methods original in romanz, such as a descriptive protocole made to restore the
colors of the past. The same process may be observed in some cruisades chronicles where the
expeditions are related according to the chronology of the events, in an epic and novelistic way. On the
fronteer between the 12th and the 13th century, some protestations raise against these « contes rimes
» (Nicolas de Senlis), considered as untrue because they are made in verses : verses actually demand
some artificial means opposite to the historical work. The interest for the method of procedure, which
generally induces the choice of prose instead of verse, leads to a new reflection upon history, its links
with literature and fiction, and it gives way to different historical works (either old histories or cruisades
chronicles) which intend to be as realistic as possible and refuse verses or use them in order to create a
refined prose. Although the choice of the method of procedure is only one of the points, it obviously
raises the real qustions about historiography in the romance language and it permits to approach the
writers aims.
Résumé
Au XIIe siècle, l'invention du discours historique se produit de manière privilégiée dans des œuvres qui,
adaptant les légendes de l'Antiquité et/ou retraçant l'histoire d'un peuple ou d'une dynastie, mettent au
point, dans l'espace du couplet octosyllabique, des procédés littéraires inédits en romanz, dont un
protocole descriptif chargé de restituer les couleurs du passé. La même entreprise s'observe dans
quelques chroniques de croisade où les expéditions sont relatées suivantla trame chronologique des
événements, en termes épico-romanesques. À la charnière des XIIe et XIIIe siècles, des voix critiques
s'élèvent cependant contre ces « contes rimes » (Nicolas de Senlis), jugés mensongers parce qu'ils
sont composés en vers : celui-ci requiert en effet des artifices contraires au travail de l'historien. La
focalisation sur la question de la forme, qui infère, en règle générale, le choix de la prose contre le vers,
engage une nouvelle réflexion sur l'histoire, sur ses liens avec le littéraire et la fiction, et donne lieu à
des œuvres historiques variées - histoires anciennes et chroniques de croisade aussi bien - qui, dans le
souci d'être au plus près du réel, dénient tout ce qui ressortit au vers ou en utilisent certaines
composantes pour créer une prose sophistiquée. Bien que la problématique de la forme ne soit qu'un
aspect de l'historiographie en langue romane, elle permet à l'évidence de poser ses enjeux essentiels et
de cerner les desseins que s'assignent les auteurs.Médiévales 38, printemps 2000, p. 71-85
Catherine CROIZY-NAQUET
ECRIRE L'HISTOIRE :
LE CHOIX DU VERS OU DE LA PROSE
AUX XIIe ET XIIIe SIÈCLES
À la difficulté, depuis si longtemps soulevée, d'établir l'acte de
naissance de l'écriture de l'histoire, s'ajoute en français celle de sa
définition, le terme signifiant aussi bien un récit d'événements réels ou
imaginaires qu'une relation précise des faits passés. Plus qu'une ambig
uïté sémantique, cette ambiguïté ontologique ne fait qu'accentuer
l'embarras pour définir l'histoire et son champ d'application. Néan
moins, le Moyen Âge français est une époque décisive pour l'avenir de
l'historiographie en langue vernaculaire et, en corollaire, de la science
historique émergeant à peine des limbes du néant. En effet, c'est là
qu'apparaît l'histoire en romanz, en vers puis en prose, parallèlement
au latin, langue utilisée jusqu'alors dans les chancelleries et les monast
ères pour relater les origines et les chroniques des règnes. C'est là que
se noue une réflexion sur la pratique historienne, c'est-à-dire sur la
façon d'appréhender le passé et d'en faire l'objet de l'histoire. Enfin,
c'est là que s'exerce la première méditation sur la rhétorique à élaborer
pour penser et exposer le passé, littéraires et historiens à l'origine
confondus forgeant en langue vulgaire les instruments d'un dire dont il
faut inventer les mots. Dans ce long Moyen Âge, le xne siècle se dis
tingue comme un moment de foisonnement extraordinaire, où s'unissent
une somme d'acquis hérités d'un fonds latin très nourri de théories et
de pratiques, et l'invention de modèles poétiques qui dépassent large
ment le champ historique et à partir desquels se déterminent de façon
irréversible les cheminements de la langue, de l'histoire et de la litt
érature françaises. Le xnr siècle prolonge l'effervescence créatrice du
siècle précédent, se livrant à de nouvelles explorations sous forme
d'approfondissements, d'écarts ou encore de diversifications1.
Pour esquisser en quelques traits l'évolution qui s'est produite du
xne au xiir siècle, notre choix s'est porté sur les romans antiques qui
1. Voir D. Boutet, Formes littéraires et conscience historique. Aux origines de la
littérature française (1100-1250), Paris, 1999. C. CROIZY-NAQUET 72
rapportent les légendes de l'Antiquité prises comme de l'histoire, et sur
quelques récits de croisade qui traitent de l'histoire immédiate. Ce fai
sant, est exclu par force, dans le cadre restreint d'un article, tout un pan
de la riche production historiographique de l'époque, notamment anglo-
normande avec des auteurs à vocation d'historiens comme Geoffroi
Gaimar, Guernes de Pont-Sainte-Maxence, Wace et bien d'autres dont
il conviendrait de comparer les techniques de mise en récit. Mais la
finalité première de ce travail est de voir comment l'Antiquité et l'actual
ité récente sont reçues et transposées en langue vernaculaire versifiée,
comment elles suscitent au xir siècle, grâce à la forme en vers, ce que
l'on peut appeler une « esthétique de l'histoire », qui sera interrogée ou
remise en cause au siècle suivant. Cette expression est une façon de
souligner les efforts mis en œuvre pour donner à l'histoire une beauté
formelle, à la fois fidèle à l'événement mais suggestive de ce qu'il fut,
de privilégier en somme la littérarité sur la littéralité.
Au xir siècle : romans antiques et histoire poétique
S 'agissant des romans antiques du xir siècle, il est paradoxal de
parler d'histoire dans la mesure où ils adaptent les grands mythes de
l'Antiquité2. La description de villes dont les noms ont une résonance
mythique, Thèbes, Troie et Carthage, et dont l'importance n'est ni hiss-
torique ni même économique, est de ce point de vue édifiante3. À
l'exception du Roman de Thèbes où la description est étique, les Romans
d'Eneas et de Troie se livrent à des réalisations architecturales idéales ;
calquée sur la ville réelle - historique ? -, la ville imaginaire n'en
demeure pas moins un lieu mirifique, une sorte de paysage rêvé où se
mêlent les couleurs sémantiques de l'Orient et de l'Occident, où l'abon
dance rivalise avec la merveille, où les civilisations se côtoient dans
une union totalisante. Les bornes des murailles qui enclosent cet îlot
rêvé répondent à des motivations guerrières tout en constituant un objet
d'esthétisme, mais jouent également le rôle de frontières, de l'ordre du
pomerium sacré. C'est au sein de cet univers que s'épanouit un idéal
2. Sur le sens à donner au terme « mythe », voir la mise au point de M. Stanesco
et M. Zink,

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