Entreprise et progrès technique : Saint-Gobain de 1830 à 1939 - article ; n°1 ; vol.2, pg 19-39
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Entreprise et progrès technique : Saint-Gobain de 1830 à 1939 - article ; n°1 ; vol.2, pg 19-39

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Description

Histoire, économie et société - Année 1983 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 19-39
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean-Pierre Daviet
Entreprise et progrès technique : Saint-Gobain de 1830 à 1939
In: Histoire, économie et société. 1983, 2e année, n°1. pp. 19-39.
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Daviet Jean-Pierre. Entreprise et progrès technique : Saint-Gobain de 1830 à 1939. In: Histoire, économie et société. 1983, 2e
année, n°1. pp. 19-39.
doi : 10.3406/hes.1983.1314
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1983_num_2_1_1314ENTREPRISE ET PROGRES TECHNIQUE :
SAINT-GOBAIN DE 1830 A 1939
par Jean-Pierre DAVIET
Cet article aborde un certain nombre de thèmes qui seront plus largement dévelop
pés dans une thèse consacrée à l'histoire de la Compagnie de Saint-Gobain, de 1830 à
1939. Qu'est-ce que Saint-Gobain dans les années 1830 ? C'est une entreprise qui emp
loie environ 1000 personnes, avec deux localisations industrielles, distantes de 15 kilo
mètres, situées dans le département de l'Aisne : Saint-Gobain et Chauny. La vocation
fondamentale de Saint-Gobain, entreprise fondée sous le règne de Louis XIV (1), est la
fabrication des glaces. Mais, depuis l'époque du blocus continental, Saint-Gobain exploite
une soudière, mettant en œuvre le cycle Leblanc et ses fabrications annexes pour pro
duire du carbonate de soude, qui est l'une des matières vitrifïables nécessaires dans la
fabrication des glaces. Après les travaux d'agrandissement réalisés au début des années
1830, cette soudière représente 15% du potentiel des soudières françaises. A l'autre ex
trémité de la période étudiée, Saint-Gobain est un groupe européen occupant environ
30000 personnes, avec, comme branches fondamentales d'activité, les industries du verre,
où la gamme des produits verriers s'est largement étendue au-delà de la glace, les pro
duits chimiques, y compris les engrais, la cellulose, le pétrole.
Cet article tente de recenser les points de contact et les rapports qui existent entre
exercice du métier industriel et innovation technique. La nécessité de donner des des
criptions de procédés industriels nous a contraint à privilégier une branche d'activité,
qui est celle des glaces. Ce choix se justifie par le rôle de pivot de l'industrie des glaces
dans la politique générale de Saint-Gobain, et par la place qu'occupe cette industrie dans
l'attention des dirigeants, les produits chimiques ayant longtemps été considérés comme
un soutien des glaceries.
Cependant le choix peut sembler paradoxal, si on prend en considération une his
toire considérée comme un incessant conflit du «neuf» et du «vieux» (2). Ce conflit
dépasse le domaine propre de la technique, car le neuf peut être fait de la conquête géogra
phique d'un nouveau marché, de nouveaux modes de financement ou de nouvelles
formes d'organisation de la direction des affaires. A-t-on beaucoup de chances d'illus
trer la victoire du neuf par l'exemple d'une industrie ancienne, qui produisait déjà des
glaces au XVIIème siècle ?
En se limitant au domaine strict du progrès technique, on peut partir d'une vision
1 . Voir Pris (Claude), La Manufacture royale des glaces de Saint-Gobain, 1 665-1830, Thèse, Lille,
1975.
2. Cf. Lebraty (J.), Le conflit du neuf et du vieux comme instrument d'analyse de la croissance
économique, Thèse de sciences économiques, Paris 1962. 20 Jean-Pierre DAVIET
naïve et optimiste exposée dans un ouvrage consacré à la chimie dans la collection Biblio
thèque des Merveilles de la Librairie Hachette au siècle dernier. L'auteur y expose que
la chimie va infiniment plus loin que les rêves les plus extravagants des chercheurs d'or
de l'alchimie médiévale, dans la réalisation du «bien-être général», résolvant du même
coup la question du salariat, où, jusqu'ici, on s'«agite dans le faux et dans le vide». «Une
production infiniment plus grande de toutes les choses nécessaires à l'existence, obte
nue avec une somme de travail musculaire infiniment moindre, tel est le problème que
les deux dompteurs de la matière, la Physique et la Chimie, se chargent de résoudre,
elles ne vous demandent qu'un peu de temps pour y parvenir» (3).
Réfléchir au progrès technique n'implique-t-il pas une certaine faculté d'émerveille
ment, une sensibilité à ce qui peut changer la vie ? Le champ de la nouveauté technique
apparaît très vaste, puisqu'il comprend la découverte et l'obtention d'états de la matière
restés longtemps méconnus, la domestication de l'énergie, l'élaboration de produits nou
veaux pour satisfaire des besoins ancestraux, la possibilité de mettre sur le marché des
produits qui existaient déjà, mais qui deviennent moins rares.
Dans le cas de l'industrie des glaces, il n'y a pas de nouveauté du produit, dans la
mesure où ce produit était fabriqué par Saint-Gobain au XVIIème siècle, mais, tout au
plus, amélioration de sa qualité, et découverte de propriétés nouvelles grâce au progrès
de la science des matériaux au XXème siècle, en particulier par la microscopie en lumière
polarisée et à la diffractométrie par rayons X. Il n'y a pas non plus nouveauté révolu
tionnaire dans les principes de fabrication, qui, dans leurs grandes lignes, restent inchang
és. En revanche il est intéressant d'observer sur une longue histoire comment une in
dustrie traditionnelle se renouvelle par l'apport du progrès scientifique et technique gé
néral, dans la connaissance des propriétés de la matière, dans l'acquisition de moyens
nouveaux, comme la machine à vapeur ou les fours à récupération de chaleur, dans la
maîtrise des cycles de production par les instruments de mesure et de contrôle, avec
tout ce que cela implique pour l'abaissement des coûts en facteurs de production. Bref,
ce que nous voulons montrer par une description précise, c'est qu'il existe un processus
de création technique dans cette branche d'industrie, et qu'explorer les voies de cette revient à donner un large aperçu de la relation vivante entre progrès
technique et entreprise.
L'INDUSTRIE TRADITIONNELLE DES GLACES VERS 1830
La glace peut être définie comme une feuille de verre, formée d'un matériau parfa
itement homogène, sans défauts visibles dans la pâte, avec des faces ayant comme pro
priétés fondamentales un parallélisme et une planimétrie de surface qui permettent la
vision sans déformation des objets examinés au travers de la glace ; si l'une des faces est
revêtue d'une surface réfléchissante, par apposition d'un tain, la glace sert de miroir.
En fait, il existe en 1830 deux sortes de glaces : la glace soufflée, c'est-à-dire souff
lée à la bouche par un souffleur, ce qui limite l'épaisseur et la dimension de la feuille,
et la glace épaisse, qui reçoit sa forme plane par une sorte de laminage sur table, appelé
coulée sur table. Bien que Saint-Gobain ait fabriqué des glaces soufflées jusqu'en 1850,
nous ne décrirons pas ce procédé, et nous nous limiterons à la véritable spécialité de
Saint-Gobain, qui est la glace épaisse. Nous allons donc décrire comment les choses se
3. Deherrypon (Martial), Les merveilles de la chimie, Paris (1ère édition : 1868), 4ème édition,
1890, p. 56. SAINT-GOB AIN 21
présentent vers 1830, ce qui permettra ensuite de voir clairement les nouveautés surve
nues jusqu'en 1939.
Avant d'en venir aux descriptions techniques, on peut préciser que l'industrie des
glaces épaisses, en 1 830, n'existe que dans deux pays : la France, depuis la fin du XVIIème
siècle, et l'Angleterre, depuis les années 1770. La production est faible, de l'ordre de
50000 mètres carrés par an dans chacun des deux pays. La glace est un bien de luxe,
vendue par Saint-Gobain aux miroitiers à un prix de 90 F le mètre carré : pour le con
sommateur, compte tenu des frais d'encadrement et de la marge bénéficiaire des miroit
iers, il faut peut-être imaginer un prix double, alors qu'un ouvrier gagne en moyenne
45 F par mois. Dans ses caractères économiques originaux, l'industrie des glaces n'est
pas à proprement parler une industrie de main-d'œuvre, en ce que l'outillage est assez
complexe et onéreux, et en ce que la part de la programmation et de l'organisat

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