Espaces, dramatis personae, rapports sociaux dans le Conte de Psyché - article ; n°2 ; vol.20, pg 227-276
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Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1994 - Volume 20 - Numéro 2 - Pages 227-276
Le «conte de Psyché» raconté par Apulée dans les Métamorphoses est-il un «conte» ? Ce «conte» est-il une simple digression ou annonce-t-il la suite des aventures de Lucius ? Est-il une simple narration ou possède-t-il une dimension symbolique ? Notre lecture prend en compte deux éléments structurels du conte : les espaces dans lesquels se déplacent les héros, et la nature des dramatis personae. Elle permet de montrer que les règles du conte ne sont suivies qu'en apparence, que les espaces sont brouillés, que les personnages ont une nature ambiguë. En réalité ce texte se donne les apparences d'une narration par une série de «procédés compensatoires» et révèle une architecture baroque fondée sur l'équivoque. Cette architecture qui est aussi celle du roman, permet de développer tout un jeu de symboles qui dissout les frontières du conte.
Is the tale of Psyche, told by Apulée in the Metamorphoses a tale ? Is the tale a mere digression or does it announce the continuation of Lucius' adventures ? Is it a mere narration or does it bear a symbolical dimension ? One reading of it takes two structural elements of the tale into account : the spaces the heroes move in and the nature of the dramatis personae. It can be shown that the rule of the tale are only apparently followed, the spaces are confused and the characters have an ambiguous nature. In fact, this text assumes the appearances of a narration through a series of procédés compensatoires and reveals a baroque architecture based on ambiguity. This architecture, which also belongs to the novel, permits to develop a whole range of symbols that blurs the frontiers of the tale.
50 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Monsieur Jacques Annequin
Espaces, dramatis personae, rapports sociaux dans le "Conte"
de Psyché
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 20 N°2, 1994. pp. 227-276.
Résumé
Le «conte de Psyché» raconté par Apulée dans les "Métamorphoses" est-il un «conte» ? Ce «conte» est-il une simple digression
ou annonce-t-il la suite des aventures de Lucius ? Est-il une simple narration ou possède-t-il une dimension symbolique ? Notre
lecture prend en compte deux éléments structurels du conte : les espaces dans lesquels se déplacent les héros, et la nature des
"dramatis personae". Elle permet de montrer que les règles du conte ne sont suivies qu'en apparence, que les espaces sont
brouillés, que les personnages ont une nature ambiguë. En réalité ce texte se donne les apparences d'une narration par une
série de «procédés compensatoires» et révèle une architecture baroque fondée sur l'équivoque. Cette architecture qui est aussi
celle du roman, permet de développer tout un jeu de symboles qui dissout les frontières du conte.
Abstract
Is the tale of Psyche, told by Apulée in the "Metamorphoses" "a tale" ? Is the tale a mere digression or does it announce the
continuation of Lucius' adventures ? Is it a mere narration or does it bear a symbolical dimension ? One reading of it takes two
structural elements of the tale into account : the spaces the heroes move in and the nature of the "dramatis personae". It can be
shown that the rule of the tale are only apparently followed, the spaces are confused and the characters have an ambiguous
nature. In fact, this text assumes the appearances of a narration through a series of "procédés compensatoires" and reveals a
baroque architecture based on ambiguity. This architecture, which also belongs to the novel, permits to develop a whole range of
symbols that blurs the frontiers of the tale.
Citer ce document / Cite this document :
Annequin Jacques. Espaces, dramatis personae, rapports sociaux dans le "Conte" de Psyché. In: Dialogues d'histoire
ancienne. Vol. 20 N°2, 1994. pp. 227-276.
doi : 10.3406/dha.1994.2187
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1994_num_20_2_2187Dialogues d'Histoire Ancienne 20.2, 1994, 227-276
ESPACES, "DRAMATIS PERSONAE",
RAPPORTS SOCIAUX DANS LE "CONTE" DE PSYCHÉ*
Jacques ANNEQUIN
Université de Franche-Comté
"Au commencement était la fable"
P. Valéry, Petite lettre sur les mythes.
"L'Amour est-il un dieu, un démon ou une passion de l'âme ?"
Plotin, Ennéades, III, V, 1.
"... Tout respire la déesse dans la femme qui a des voix pour
servantes et qui commande même aux vents..."
Apulée, Métamorphoses, V, IX.
La jeune Charité - au nom symbolique - est enlevée par des
brigands le jour de ses noces. Détenue, elle a un songe affreux
{" saevissimum somnium") ; produit de son infortune il décuple son
inquiétude1. Elle voit en effet, en songe, son fiancé pleurant sur ce
rapt, être tué d'un coup de pierre par un des larrons. Cette vision la
* Le texte des Métamorphoses est celui établi par D.S. Robertson et traduit
par P. Vallette, aux Editions "Les Belles Lettres" (1958). Nous
utiliserons aussi bien les noms grecs que romains des "dramatis personae"
et singulièrement des personnages divins. "Discours" dans notre texte,
désigne tout usage spécifique de la langue.
1. IV, XXVII. 228 Jacques Annequin
tire de son funeste sommeil ; elle confie son cauchemar à une vieille
femme chargée de la garder.
Et la vieille la rassure : il ne faut pas se laisser impressionner
par de vaines fictions, les images qu'apporte le sommeil diurne sont
réputées mensongères et même les visions de la nuit peuvent avoir
des effets contraires à ce qu'elles représentent : pleurer, être battu et
même égorgé peut présager d'heureux profits ; se gaver de friandises,
goûter au plaisir de l'amour peut signifier tristesse, maladie,
disgrâces... à venir2.
De ce somnium (oneiros, songe proprement dit, dans la trans
cription que donne Macrobe des catégories d'Artémidore)3, la vieille
propose quelques recettes d'interprétation qui devaient courir les
Clefs des songes ; elle connaît l'inversion de sens, la non coïncidence
du signifiant et du signifié... Mais ne nous égarons pas, puisque de
tout cela nous avons parlé ailleurs4.
De fait ce songe n'est pas introduit là par hasard ;
Merkelbach le pensait déjà, et l'école jungienne a construit à partir
des personnages du roman et de ceux du conte la figure du fameux
"mariage quaternaire" qui met en jeu le moi conscient de l'Homme et
de la Femme et leurs "anima" et "animus"5. Quoiqu'il en soit de cette
figure archétypale, dans son langage, le songe annonce la séparation
définitive des époux ; il rappelle que cette séparation momentanée
n'est qu'image de leur couple déchiré par la mort... L'événement est
différé comme il convient pour tout songe dit "allégorique" dont le
propre est de ne pas se réaliser immédiatement...6.
2. Ibid.
3. Commentaire sur le songe de Scipion, (generi somnium) I, III.
4. Encore que ce point est essentiel pour comprendre l'agencement du récit.
Sur l'interprétation des songes cf. nos études : Les esclaves rêvent aussi-
Remarques sur la Clef des Songes d'Artémidore, DHA, 13, 1987, p. 79-113
et Rêver, c'est vivre ; du songe de l'esclave à la réalité de l'esclavage chez
Artémidore, Colloque Girea de Varsovie 1987, Index, 17, 1989, p. 139-154.
5. R. Merkelbach, Roman und Mystérium in der Antike, (1962) p. 1-90 et
Eros und Psyche, Philologus, СП, 1958, p. 103-116 et surtout l'interpré
tation jungienne de M.L. v. Franz, Interprétation d'un conte "L'âne d'or"
(1978), p. 100 sq. Cf. aussi, La voie de l'individuation dans les contes de
fées (1978).
6. Cf. n. 4. On sait qu'en XI, III, YEselmensch après une fervente prière,
reçoit pendant son sommeil la vision ("visum") d'Isis. Le lendemain, la
prédiction salvatrice de la déesse s'accomplit. Cette vision
(orasma/visio chez Macrobe) est en fait une vision parlante
DHA 20.2, 1994 "dramatis personae"... dans le "Conte" de Psyché 229 Espaces,
A nos yeux, le rêve ne tisse pas de lien entre l'histoire de
Charité et celle de Psyché, il jette un pont par-dessus une longue
"parenthèse", annonce la reprise prochaine d'un récit différé.
En effet, pour atténuer les angoisses provoquées par le songe
que ses paroles consolatrices n'ont pas réussi à dissiper, la vieille se
décide à distraire la jeune captive par un conte présenté comme tel :
"il était, dans une certaine ville, un roi et une reine. Ce roi et cette
reine avaient trois filles d'une beauté remarquable..."7, et conclut
comme tel : "C'est ainsi que Psyché passa selon les rites sous la
puissance de Cupidon, et quand le terme fut venu, il leur naquit une
fille que nous nommons Volupté"8.
Nous aurions donc là, la plus longue digression du roman,
puisqu' Apulée s'écarte de son sujet : les aventures de Lucius, et que ce
conte est lui-même le résultat de cet écart. Ce développement
parasite qui vient s'ajouter aux digressions brèves, est retenu parfois
contre Apulée comme une faute de composition9. Comme toute
digression elle est délimitée par des formules d'introduction et de
conclusion et adopte un ton spécifique. Aussi a-t-on publié le conte de
façon indépendante, comme P. Grimai par exemple, s'autorisant de
son autonomie... tout en se posant des questions sur les correspon
dances qui pourraient exister avec le reste du roman10.
Car la question est incontournable. Qu'est-ce donc que le conte
de Psyché ?
- Un emprunt identifiable, ie, réductible à quelque chose
d'autre ?
- Un résumé du récit principal qui donne la clé de l'oeuvre ?
A partir de présupposés apparemment contradictoires, le but
est le même : réduire la spécificité de cette étrange digression ; la
démarche est semblable, chercher le modèle auquel on puisse
(chretnatismos/oraculum) qui, comme tout songe dit "théorématique" chez
Artémidore, s'accomplit sans délai.
7. IV, XXVIII.
8. VI, XXIV. Le "c

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