Essentialisme et dissymétrie des sexes - article ; n°1 ; vol.40, pg 91-104
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1989 - Volume 40 - Numéro 1 - Pages 91-104
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Françoise Collin
Essentialisme et dissymétrie des sexes
In: Les Cahiers du GRIF, N. 40, 1989. Georg Simmel. pp. 91-104.
Citer ce document / Cite this document :
Collin Françoise. Essentialisme et dissymétrie des sexes. In: Les Cahiers du GRIF, N. 40, 1989. Georg Simmel. pp. 91-104.
doi : 10.3406/grif.1989.1789
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1989_num_40_1_1789et dissymétrie des sexes Essentialisme
Françoise Collin
Les parties de l'uvre de Georg Simmel qui sont consacrées à la différence
des sexes sont bien certainement tributaires des débats d'une grande intensité
menés par les féministes allemandes de son temps sur des questions comme
celle de l'éducation, de la protection du travail, des droits politiques, de la l
iberté sexuelle, débats dans lesquels s'affrontaient des positions qui ne recou
paient pas toujours exactement la division entre féministes « bourgeoises »,
libérales, et féministes socialistes. Mais elles ne doivent pas pour autant être
considérées comme purement circonstancielles ou périphériques s'il est vrai
que, comme il l'affirme « nombreux sont les modes universels de comporte
ment humains qui possèdent dans la relation entre les sexes leur modèle nor
matif. »* De sorte que la tragédie du rapport les et la « tragédie de
la culture » pourraient bien relever de la même structure.
Sa position d'homme d'une part d'intellectuel de l'autre, permet à Simmel
de ne pas s'impliquer dans les enjeux immédiats de ces débats, auxquels il
n'est cependant pas indifférent puisqu'il leur consacre divers articles, pour
s'interroger plus radicalement sur ce qui forme leur horizon : qu'en est-il en
fin de compte de la féminité, et corrélativement de la masculinité? Car il n'y
a pas de travail de libération, pas d'option politique, qui n'engage implicit
ement ou explicitement ces définitions.
Les féministes socialistes telle Clara Zetkin, ou de manière plus complexe
Lily Braun, si elles pensent que la suppression du capitalisme permettra seule
celle du sexisme, sont cependant convaincues qu'il y a une lutte spécifique à
mener pour résoudre celui-ci auquel elles se heurtent d'ailleurs constamment
dans leur organisation. Et que dès lors hommes et femmes ne sont pas ident
iquement situés dans ^exploitation capitaliste ».
Quant aux libérales, dites « bourgeoises », dont la gamine est fortement di
versifiée, elles rompent difficilement avec l'idée d'une nature spécifique des
femmes qui les destine à occuper dans la société une place propre dont la si- 91 tuation doit certes être améliorée (plus d'instruction, plus d'aides, plus de
droits, plus de libertés), mais sans entraîner nécessairement un bouleverse
ment social radical. Elles insistent plutôt sur ce que les femmes pourraient
apporter à la société si elles y étaient mieux intégrées. Comme l'écrit Alfred
Meyer, le courant libéral, illustré entre autres par Hélène Lange « charriait
presque toujours la conviction implicite que les femmes sont différentes, et
qu'il y a dès lors quelque chose comme une culture féminine, égale en valeur
et peut-être de plus grande valeur que la masculine. »2 Ainsi Barbara
von Suttner, première femme à avoir obtenu le prix Nobel de la Paix déclar
ait-elle : « La question des femmes n'implique pas la question de savoir si
les femmes pourraient devenir ce que sont les hommes... Le mouvement des
femmes n'est pas du tout un combat des femmes contre les hommes, mais
plutôt une phase dans l'évolution de l'humanité... L'humanité a besoin d'em
ployer toutes ses énergies pour faire des progrès; elle ne peut pas, elle ne doit
pas laisser la moitié de son intelligence en jachère - ou la moitié de son pou
voir et de son potentiel productif, la moitié de ses talents... »3
Ainsi positions égalitaristes et positions différencialistes, si elles se dis
tinguent et s'affrontent, ont-elles des frontières communes et se chevauchent-
elles, comme aujourd'hui encore, dans le féminisme.
On perçoit bien d'emblée les dangers de l'affirmation d'une nature spéci
fique des femmes en même temps que son intérêt : si elle permet d'éviter le
risque de l'assimilation pure et simple à une société masculine, on ne peut ou
blier qu'elle a justifié aussi toutes les discriminations traditionnelles. C'est
parce que leur nature est autre que les femmes peuvent et doivent être confi
nées dans certains rôles, assignées à leur place. Cette affirmation est donc ré
gressive avant d'être ou en même temps qu'elle est transgressive, et ses él
éments de régression et de transgression sont toujours difficilement
discernables. Rien parfois ne ressemble davantage à une définition obscurant
iste du féminin qu'une définition féministe du féminin. Cette confusion est
en tout cas constamment perceptible dans la pensée de Georg Simmel, en l
aquelle on peut trouver tour à tour ou à la fois des accents réactionnaires et
des accents proches du féminisme différencialiste contemporain. Mais dans
les deux cas, la détermination naturaliste ou ontologique des sexes, qu'elle
soit basée sur la biologie, la morphologie ou des caractéristiques comporte
mentales, tend à confondre ce qui n'est qu'une grille de lecture, voire une in
terprétation, avec la réalité même, et à s'ériger dès lors en norme. Elle fige les
différents de la différence.
92 Georg Simmel en tout cas prend position en faveur de la différence des et s'efforce de l'analyser. Il ne ratifie pas pour autant l'inégalité sociale sexes
à laquelle celle-ci donne lieu : il souligne au contraire son inscription en terme
de domination masculine. Dans Du relatif et de l'absolu, il affirme d'abord
que telle qu'elle se présente, elle résulte sans doute d'une formation histo
rique tributaire de rapports de pouvoir, mais il ne pense pas que celle-ci
l'épuisé et il la croit enracinée, au-delà de cette formation historique, dans
des conditions supra-historiques. En réalité, ces conditions supra-historiques,
c'est-à-dire naturelles, semblent définir les femmes plus que les hommes car
la maternité, « la responsabilité et le soin de la génération suivante » comme
dit Simmel dans Fragments d'une psychologie des femmes (publiés ci-joint)
leur impose un contenu, tandis que « cette absence de contenu fixé par la na
ture à leurs activités » contraint les hommes à « une liberté créatrice ». (Ce
lien privilégié femme/nature transit d'ailleurs toute la pensée dominante.)
Ainsi, si dans La culture féminine il s'interroge sur la possibilité de voir se
développer une culture alternative produite par les femmes, et répond final
ement par la négative dans la mesure où la féminité résiste à l'objectivation,
dans Du relatif et de l'absolu, il affirme le caractère ontologique de la diffé
rence entre masculinité et féminité. De sorte que, s'il faut le suivre, les
femmes auraient bien une réalité et un rapport au monde spécifique - égal ou
même supérieur à celui de l'homme - mais ne produiraient pas de culture
spécifique. La structure même de la langue, tout entière imprégnée de mascul
inité, y ferait déjà obstacle.
C'est à l'éclairage de ce deuxième texte que nous nous attacherons davan
tage ici, les articles de Guy Oakes et de Suzanne Vromen étant surtout inspi
rés par le premier.
Simmel souligne d'abord avec force le caractère hétérogène des deux pôles
sexués, hétérogénéité qui fait que non seulement ils ne sont pas de même na
ture mais qu'ils n'entretiennent pas non plus le même rapport l'un avec l'autre.
Il montre d'une part comment c'est la masculinité qui incarne l'absolu auquel
est référée la féminité; il montre d'autre part comment au contraire et en quel
sens c'est la féminité qui incarne l'absolu et la masculinité le relatif. Ainsi le
titre de son article comporte une ambivalence que seul son développement
permet d'éclairer.
Dans tous les couples produits par la pensée, écrit-il, que ce soit « le moi
et le mo

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