Faire renaître la Bièvre - article ; n°1 ; vol.74, pg 117-137
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Description

Communications - Année 2003 - Volume 74 - Numéro 1 - Pages 117-137
« La Bièvre à l'air libre, ce sera le retour de la nature en ville [...], une ville désirable. » Toute la complexité du projet « Bièvre, rivière d'Ile-de-France » promu par un collectif d'associations s'expose ainsi. D'abord créées pour la défense d'un cadre de vie très localisé, elles ont fédéré leurs actions auprès des pouvoirs publics, des élus, des riverains et des usagers. L'objectif affiché est multiple : redonner vie à la rivière en réparant les outrages causés par les activités humaines antérieures ; créer des solidarités actives et des lieux de concertation. La Bièvre devient ainsi un bien partagé, sous la responsabilité de groupes vigilants. Elle devient symbole de vie réassurant l'équilibre biologique et satisfaisant aux exigences de mieux-être et de plaisir (sans risque) des urbains.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Mme Anne Luxereau
Faire renaître la Bièvre
In: Communications, 74, 2003. pp. 117-137.
Résumé
« La Bièvre à l'air libre, ce sera le retour de la nature en ville [...], une ville désirable. » Toute la complexité du projet « Bièvre,
rivière d'Ile-de-France » promu par un collectif d'associations s'expose ainsi. D'abord créées pour la défense d'un cadre de vie
très localisé, elles ont fédéré leurs actions auprès des pouvoirs publics, des élus, des riverains et des usagers. L'objectif affiché
est multiple : redonner vie à la rivière en réparant les outrages causés par les activités humaines antérieures ; créer des
solidarités actives et des lieux de concertation. La Bièvre devient ainsi un bien partagé, sous la responsabilité de groupes
vigilants. Elle devient symbole de vie réassurant l'équilibre biologique et satisfaisant aux exigences de mieux-être et de plaisir
(sans risque) des urbains.
Citer ce document / Cite this document :
Luxereau Anne. Faire renaître la Bièvre. In: Communications, 74, 2003. pp. 117-137.
doi : 10.3406/comm.2003.2132
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2003_num_74_1_2132Anne Luxereau
Faire renaître la Bièvre
pour rendre la ville « désirable »
La Bièvre, seule rivière à s'être jetée dans la Seine en plein Paris, fait
parler d'elle depuis plus d'un siècle. Toujours personnifiée, elle est pré
sentée comme un être féminin dépendant des actions des hommes qui
s'affrontent à son propos, prennent parti et agissent au nom d'une salu
brité à la fois biologique et sociale dont le sens a évolué au cours des
derniers siècles. Elle a permis aux Parisiens d'exprimer tour à tour leurs
craintes devant une nature polluée, contaminante, qui doit être mise à
distance, et leurs aspirations à régénérer une nature bienveillante, à nou
veau équilibrante, qu'on s'approprie par le regard et le savoir. Les amé
nagements et réaménagements qui ont été effectués par les services tech
niques reflètent l'évolution de nos sensibilités et l'appréciation changeante
de notre relation à la nature, notamment en milieu urbanisé.
Depuis le début du XXe siècle, la rivière a été progressivement enterrée
sur une grande partie de son cours, mais un projet de réhabilitation et
même de réouverture partielle est actuellement à l'étude ; promu par des
associations, il est accompagné et a été repris par les scientifiques et depuis
peu par les élus. Une nouvelle répartition des responsabilités entre les
citoyens, les acteurs industriels, les collectivités locales et les services
techniques se dessine 1. Le « songe écologique » dont parlait Alain Corbin2
s'enracine en ce lieu particulier et perd ainsi son caractère u-topique. Si
la part de rêve demeure, ce projet est présenté comme devant faire date
et signifier que « quelque chose de grand a commencé3 ».
Planter le décor.
Les enjeux politiques et culturels successifs, la perception mouvante de
la place et du rôle de la rivière, les représentations complexes et souvent
contradictoires au fil du temps ont brouillé l'image de la Bièvre et modifié
117 Anne Luxereau
son cours. A vrai dire, elle n'a plus grand-chose de naturel, à telle enseigne
que dans Paris, à la fin du XIXe siècle, la « Bièvre vive » était constituée
d'une série de biefs détournant l'eau de son lit d'origine, devenu quant
à lui « Bièvre morte ».
Le mot « bièvre » renvoie sans doute à la boue 4, et le lit de notre rivière
a été longtemps « encombré de végétation, d'arbres déracinés, aux abords
flous et marécageux5 », de ses sources jusqu'à la confluence avec la Seine,
près du Jardin des Plantes. Mais l'étymologie la plus généralement retenue
est celle de « castor », nettement plus valorisante. La Bièvre, que Joris-
Karl Huysmans se figure « incarnée en une jeune fille à peine pubère, en
une naïade toute petite6 », est aussi associée à la nymphe Gentilia, méta
morphosée en rivière par Diane afin de lui permettre d'échapper aux
assauts d'un soudard. Les références aux Gaulois premiers défricheurs,
comme aux Romains, sont aussi largement sollicitées. Ainsi est-elle ins
crite dans l'histoire longue, dans notre antiquité plus sylvestre que sau
vage mais toujours « vierge ». Le castor emblématique de ce que fut la
vallée fait recette : la ville de Montigny-le-Bretonneux en a fait son logo,
une ancienne tentative d'élevage est constamment rappelée et des projets
de réintroduction existent.
La rivière se constitue à partir de multiples ruissellements de vallons
proches du hameau de Bouvier, mais cette réalité est également magnifiée.
En amont, la Ville Nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines revendique ses
sources. Alimentées par des forages et des systèmes de pompage souter
rains, elles sont marquées par des monuments, « une tentative pour sacral
iser le jaillissement de l'eau, pour donner une légitimité à la fondation
de la ville7 ». L'eau vive et, mieux encore, celle qui chante sont des
éléments valorisés du décor urbain8 et ont autorisé certaines manipulat
ions du naturel : à Paris, le bief du square Le Gall, situé sur l'ancien lit
de la Bièvre, est actuellement alimenté, par l'eau de la ville.
Entre l'amont et l'aval, deux Bièvre existent et s'opposent9. Depuis les
sources,- à Guyancourt, jusqu'à Verrières-le-Buisson et Massy, elle coule
sur une vingtaine de kilomètres dans une vallée étroite. C'est un « écrin
boisé », tout à la fois rustique, par ses paysages de campagne sagement
aménagée, et sophistiqué, par ses parcs et son bâti de demeures nobles
ou bourgeoises déjà construites, dans les siècles passés, pour des urbains
de grande notoriété. Cette partie de la vallée, avec une « vraie rivière et
de vrais bois - enfin, à peu près vrais —, des paysages qui ressemblent à
la campagne » (IAURIF), figure sur le plan de ceinture verte du conseil
régional d'Ile-de-France de 1982-1983, avec des priorités d'acquisition
publique, ce qui l'institue comme périurbaine ; elle vient d'être classée
(2000) par la Commission des sites et des paysages. Elle est cependant
118 renaître la Bièvre pour rendre la ville « désirable » Faire
dominée par les plateaux de Saint-Quentin, Vélizy et Saclay, au contraire
très densément urbanisés depuis les années 70.
Puis la Bièvre bifurque au nord vers Paris et traverse des villes -dortoirs
comme Massy, Antony, * Fresnes ou Cachan. Elle est alors qualifiée de
« virtuelle » (SIAVB), car elle a été recouverte et même totalement rem
blayée dans certaines parties. Dès le XVIIe siècle, dans Paris, la rivière
concentre les rejets des riverains et ceux d'une multitude d'ateliers de
teinture, de tannerie, de mégisserie, etc., et elle est comparée à un « pot
de chambre de pourceau10 ». Elle dégage des odeurs épouvantables, sur
tout l'été, et elle est accusée en 1791 d'être « un foyer pestilentiel dont
s'exhalent des miasmes mortifères que le vent dissémine sur tous les points
de la capitale11 ». Elle sera curée pour éviter la stagnation des eaux (en
particulier après l'été 1821), puis progressivement enterrée. Selon le phar
macien militaire Antoine Poggiale,
Le seul moyen rationnel et efficace pour faire disparaître les effets des
industries riveraines et des égouts qui se déversent dans la rivière se
résume à la couverture pure et simple de la Bièvre n.
Cet enfouissement sera total à Paris en 1912 et s'étendra jusqu'à Massy
au fil de l'urbanisation de la banlieue. Dès son entrée dans Paris, à la
Poterne des Peupliers, les eaux basculent dans les égouts de la ville (le
collecteur de Bièvre en particulier) vers les stations d'épuration d'Achères
et de Valenton: Seules quelques sections des anciens lits demeurent intac
tes ; elles ne servent plus que de drains mais, selon certains, elles cr&

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