Georges Lefebvre et les historiens russes de la Révolution - article ; n°1 ; vol.237, pg 399-410
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Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1979 - Volume 237 - Numéro 1 - Pages 399-410
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 27
Langue Français

Extrait

Gianni Oliva
Georges Lefebvre et les historiens russes de la Révolution
In: Annales historiques de la Révolution française. N°237, 1979. pp. 399-410.
Citer ce document / Cite this document :
Oliva Gianni. Georges Lefebvre et les historiens russes de la Révolution. In: Annales historiques de la Révolution française.
N°237, 1979. pp. 399-410.
doi : 10.3406/ahrf.1979.1045
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1979_num_237_1_1045GEORGES LEFEBVRE
ET LES HISTORIENS RUSSES
DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Pour comprendre l'influence des historiens russes de la
Révolution française sur la formation intellectuelle de Georges
Lefebvre et plus généralement leur apport aux études d'histoire
économique et sociale de la Révolution, il faut d'abord situer
le milieu politique et culturel dans lequel ils développèrent leurs
recherches historiques.
L'intérêt pour l'histoire de la Révolution française se manif
esta en Russie à partir de la seconde moitié du siècle dernier,
lorsque, à l'avènement du tsar Alexandre II, commença une ère
nouvelle, celle des « grandes réformes ». Dans la période
précédente, dominée par l'obscurantisme politique et culturel du
régime absolutiste de Nicolas Ier, où <c tout était intentionnellement
tourné pour empêcher le développement de toute pensée indé
pendante » ( 1 ), les cours universitaires sur la Révolution française
étaient expressément défendus (comme aussi les cours sur la
réforme religieuse du XVIe siècle) et la censure empêchait la
traduction des ouvrages étrangers. Après la mort de Nicolas Ier,
une des premières préoccupations de la classe dirigeante fut la
réforme universitaire : la loi de 1863 accorda à l'enseignement
supérieur une liberté relative et révoqua, en particulier, l'interdic
tion des cours sur la Révolution française ; la loi de 1865 sur
la publication de livres à caractère scientifique relâcha les mailles
de la censure. Délivré du rigoureux contrôle gouvernemental, le
problème de l'analyse politique de la Révolution française se
manifesta en Russie avec une urgence et une actualité identiques
à celles qui engageaient les historiens et les grands politiques
d'Occident. Si en Occident où, dès le début, la Révolution était
entrée « dans le patrimoine d'idées, de préjugés, d'orientations,
(1) F. Vbntuki, II popuHsmm nu», S72, tM. U, p. 32. 400 G. OLIVA
de programmes politiques >► (2), les Quarante-huitards avaient
fait appel aux idéaux jacobins de Quatre-vingt-treize et la classe
dirigeante de la Troisième République trouvait « dans la révolution
des ancêtres la garantie de sa propre politique anticléricale » (3),
en Russie commencèrent à foisonner les analogies (parfois même
trop faciles) entre tantôt l'absolutisme de Nicolas Ier et celui
des rois de l'Ancien Régime, tantôt la nuit du 4 août et le 19
février 1861 (la libération des serfs).
Dans ' l'historiographie, cet intérêt se manifesta d'abord par
la traduction des études les plus connues des historiens français :
l'un après l'autre, Thiers, Mignet, Blanc, Tocqueville furent
traduits en russe. Quelques années plus tard, parurent les premières
études des historiens russes et W. Guerrier, professeur à l'Uni
versité de Moscou, eut l'honneur, écrit Karéiev, « de l'initiative
d'un enseignement sérieux de la Révolution française dans une
chaire universitaire » (4), consacrant des cours spéciaux à l'histoire
de la France du XVIIIe siècle. Dès lors, les études russes sur
la France de l'Ancien Régime et de la Révolution se multiplièrent,
et au début de notre siècle on commença à parler d'une « école
russe ». L'expression était cependant inexacte, car les historiens
russes suivaient en fait deux orientations différentes : l'une
« conservatrice » s'intéressant à l'origine et à la réalisation pratique
des idées politiques et aux problèmes d'organisation administrative,
l'autre « libérale » à l'histoire sociale et économi
que (5).
Le premier groupe était formé par des historiens soucieux
de l'organisation et de la stabilité intérieure de l'empire tsariste,
qui redoutaient une crise révolutionnaire comme celle de France :
parmi eux, Guerrier même, qui, au début du siècle, suivant les
traces de Cochin, prenait la défense de Taine contre Airîard,
et Ardachev, auteur d'une étude sur l'administration provinciale
dans les dernières années de l'Ancien Régime. Mais ceux qui
eurent en France une forte influence et contribuèrent à frayer
le chemin aux recherches d'histoire économique et sociale furent
les historiens libéraux qui se déclaraient eux-mêmes « libéraux
en politique et positivistes en philosophie » (6) : en particulier
N. Karéiev, M. Kovalevsky et I.V. Loutchitsky, dont les thèses
(2) L. Guerci, La Rivoluzitme francese, 1973, p. 7.
(3) A. Gérard, La Rivoluzione 1972, p. 80.
(4) N. Karéiev, « La Révolution française dans la science historique russe »,
La Révolution française, t. XXXIV, p. 325.
(5) N. « Les derniers travaux des historiens russes sur la Révolution
française », Annales historiques de la Révolution française, 1925, p. 254.
(6) Ibid., p. 256. GEORGES LEFEBVRE ET LES HISTORIENS RUSSES 401
sont exposées et discutées en particulier par G. Lefebvre dans
Les paysans du Nord. Quoique ces historiens n'épuisent pas toute
l'école russe « libérale », ils en sont tout de même les repré
sentants les plus lucides.
*♦
Ces historiens eux-mêmes ont soutenu que ce fut la brûlante
actualité russe qui les poussa à l'étude de la Révolution française.
En 1899, dans l'introduction de la traduction française de Les
paysans et la question paysanne en France dans le dernier quart
du XVIIIe siècle, paru en Russie vingt ans auparavant, N. Karéiev
écrivait : « le sujet de cet ouvrage m'a été suggéré non seulement
par l'intérêt scientifique propre à l'histoire de la Révolution
française, mais aussi par l'intérêt social que la question paysanne
présente pour la Russie. Le 19 février 1861 a été pour mon pays
ce que le 4 août 1789 a été pour la France et, dès ma jeunesse,
en étudiant l'histoire de la Révolution française, j'avais été
vivement intéressé par la manière dont la question paysanne fut
posée et résolue en France. Au XVIIIe siècle, ce fut dans ce
pays la principale question sociale, et chez nous, vers le milieu
de ce siècle, elle domine aussi toutes les autres. Les historiens
français, pour autant qu'ils aient considéré la Révolution au point
de vue social, ont, sous l'influence des circonstances contemporaines,
mis en avant la question ouvrière, le principal problème social
du XIXe siècle... C'est sous l'influence directe de la vie russe
que j'ai, dans mon travail, touché certains points particuliers » (7).
En 1909 encore, M. Kovalevsky, dans l'appendice de la
traduction française de La France à la veille de la Révolution
parue en Russie en 1890, soulignait l'actualité de la
française en rapportant un discours qu'il avait entendu à la
clôture de la Première Douma, dans lequel un homme politique
soutenait qu'« en 1789 les paysans en France n'étaient pas mieux
préparés aux réformes politiques qu'en 1905 la même classe en
Russie : les premiers étaient aussi pauvres, aussi ignorants, aussi
écrasés d'impôts que les sujets du tsar » (8).
C'est dans la Russie des années Soixante et Soixante-dix que
ces historiens s'étaient formés, dans cette immense Russie rurale
qui, sur l'impact des idées et des techniques de l'Occident, cherchait
un nouvel équilibre, tantôt enflammée d'espoirs par les réformes
d'Alexandre II, tantôt méfiante à l'égard des nouvelles techniques
(7) N. Karéiev, Les paysans et ta question paysanne en France dans le dernier
quart du

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