Identité canaque et intégration coloniale - article ; n°1 ; vol.92, pg 47-51
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Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1991 - Volume 92 - Numéro 1 - Pages 47-51
5 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 31
Langue Français

Extrait

Jean-Marie Kohler
Identité canaque et intégration coloniale
In: Journal de la Société des océanistes. 92-93, 1991-1-2. pp. 47-51.
Citer ce document / Cite this document :
Kohler Jean-Marie. Identité canaque et intégration coloniale. In: Journal de la Société des océanistes. 92-93, 1991-1-2. pp. 47-
51.
doi : 10.3406/jso.1991.2895
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1991_num_92_1_2895canaque et intégration coloniale * Identité
par
Jean-Marie KOHLER **
Le thème de l'identité culturelle et ethnique que possible leurs modes de vie traditionnels
a joué un rôle essentiel dans la genèse et l'évo dans les réserves, tout en se convertissant au
lution de la dynamique nationaliste au cours christianisme.
Il fallut attendre le « Festival Melanesia des quinze dernières années. Mais à l'heure
actuelle, et plus précisément depuis que les 2000» organisé en 1975 par J.-M. Tjibaou,
accords de Matignon ont inauguré une poli pour voir le peuple indigène s'affranchir de
l'indignité radicale dont il se trouvait frappé tique résolument intégrationniste, l'idéologie
identitaire canaque connaît des développements depuis le début de la colonisation. Surmont
contradictoires. ant des inhibitions déjà plus que séculaires, il
affirma à cette occasion l'existence passée et
toujours actuelle d'une culture canaque,
réclama « sa part de soleil » face aux colons,
1. — Infamie et réhabilitation culturelle. et sa place parmi les peuples du monde. Durant
huit jours, deux mille Mélanésiens célébrèrent
Pour les Blancs, les Canaques ont long à Nouméa, haut-lieu de l'hégémonie blanche,
temps incarné les sauvages les plus primitifs : les valeurs et les façons de vivre de leurs ancêt
non seulement sortis tout droit du néolithique, res, transmuant en sujet de fierté ce qui avait
mais anthropophages de surcroît — ce qui était jusque là fait l'objet de leur honte. Ils mirent
considéré comme le dernier degré de la en scène ce qui les différencie des Blancs, pour
construire et manifester leur identité — « l'identdéchéance humaine. Aux antipodes des mœurs
civilisées, le comportement des « naturels » ne ité culturelle de l'ethnie kanak ». Au delà des
relevait d'aucune culture et ne renvoyait qu'aux règles de conduite particulières qui régissent la
instincts. Ces représentations furent largement vie quotidienne et cérémonielle des individus
utilisées par les missionnaires pour condamner et des communautés autochtones, cette ident
et détruire le paganisme, et par les colons pour ité fut présentée comme une manière commune
justifier leurs spoliations et légitimer la domi d'être au monde, une éthique propre
nation blanche. Elles ne tardèrent pas à être à l'ethnie et qui transcenderait l'histoire. La
intériorisées par les Canaques eux-mêmes. « coutume », qui exprime cette éthique, trans
Dépossédés et parqués dans des réserves, ils met les traditions sacrées relatives à la terre,
s'enfoncèrent dans la culpabilité et la honte aux ancêtres et aux clans qui en sont issus ;
face aux Blancs, se dévalorisant au point de elle règle la dévolution des statuts sociaux, le
bloquer pour longtemps les possibilités d'idéa contrôle de l'espace, la production, la circula
lisation de leur héritage culturel et l'émergence tion des biens et des personnes, et la répar
de revendications identitaires. Pour survivre à tition des pouvoirs dans les clans et les
une aliénation aussi radicale, c'est à l'insu des chefferies. En proclamant cette identité, « Teê
colons qu'ils prirent soin de préserver autant Kanake », porte-parole archétype des autoch-
* Communication présentée aux «Journées des sociologues de l'ORSTOM (17-18 sept. 90)», consacrées au thème
« Formes d'identification, production d'identités... »
•* ORSTOM, Paris. 48 SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
tones à « Melanesia 2000 », voulut avant tout gue parenthèse. Les victimes de la répression,
se faire connaître et être reconnu, sa démarche de Machoro à Dianou, furent perçues comme
étant plus une quête de dignité et une offre de des héros et des martyrs, dans la ligne du
dialogue qu'une revendication de pouvoir. Grand Chef Ataï qui avait mené l'insurrection
L'impact de « Melanesia 2000 » fut consi de 1878. Mais c'est par rapport à l'école que
dérable au plan culturel. Les Canaques prirent l'élaboration de modèles identitaires allait about
confiance en eux-mêmes et s'engagèrent dans ir aux productions les plus achevées.
une recherche active de leur identité : collecte Le rejet du dogme de la supériorité cultur
des traditions orales, inventaire des savoir- elle des Blancs après « Melanesia 2000 » eut
faire artisanaux et artistiques, retour aux « sen pour corollaire que l'échec scolaire massif des
tiers coutumiers », réactivation des cérémonies élèves indigènes cessa d'aller de soi. L'école ne
traditionnelles, etc. Les Blancs commencèrent, fut plus considérée par les Canaques comme
bon gré mal gré, à accepter ce qu'ils avaient un lieu politiquement neutre, offrant à tous les
élèves des chances de formation égales ; mais nié jusque là : l'existence d'une société et d'une
culture mélanésiennes. Et l'administration se elle fut dénoncée comme un instrument pri
résolut, en créant l'« Institut Culturel Mélan vilégié de la domination coloniale, ayant pour
ésien » entre autres, à prendre en compte l'i fonction de reproduire et de légitimer la réuss
mportance nouvelle des facteurs culturels dans ite des enfants blancs et la relégation des
l'élaboration de ses stratégies politiques. Sous jeunes Mélanésiens. Les militants indépendant
le couvert du respect des spécificités ethniques, istes en conclurent qu'une autre école devait
la revendication d'« authenticité culturelle » fut être créée, au service de la cause noire : une
encouragée, pour maintenir les colonisés à école attachée à former des hommes et des
l'écart des domaines à forts enjeux économi femmes capables de participer à la lutte de
ques et politiques, et l'on vit le pouvoir colo libération du peuple colonisé et à l'édification
nial se faire le défenseur de la coutume cana d'une nation canaque souveraine. Promouvoir
que contre les Canaques eux-mêmes. l'identité canaque, pour faire pièce aux pré
tentions hégémoniques de la culture française,
fut désigné comme l'objectif prioritaire de cette
2. — L'identité canaque contre l'identité école alternative.
française. Les valeurs et les modèles de comportement
devant servir de principes directeurs à la nouv
Tout en continuant à s'inscrire dans les pers elle école furent dégagés à la faveur d'une
pectives ouvertes par « Melanesia 2000 », la relecture politico-culturelle des relations entre
recherche identitaire accompagna la radicali- les Mélanésiens et les Blancs. Tandis que ces
sation politique de la lutte nationaliste. La derniers sont dénoncés comme matérialistes et
revendication des terres claniques se trans seulement intéressés par le profit, pratiquant à
forma en tentative de reconquête politique outrance l'individualisme et la concurrence,
(voire militaire) du territoire. De matrice d'ident l'école mélanésienne devra apprendre aux petits
ité pour les individus et les clans, la terre fut Canaques à toujours rechercher le partage qui
promue matrice d'identité pour la nation cana maintient la solidarité et l'égalitarisme carac
que, en tant que source d'une légitimité ori téristiques des communautés traditionnelles.
ginelle prééminente (celle des « premiers L'ensemble des maux dont souffre le peuple
occupants»). Le pays des Canaques fut pro autochtone est imputé à la colonisation, et tout
clamé « Pays Kanak », cadre immanent de ce qui vient de l'Occident est suspect — car
l'État-nation de Kanaky. Le soulèvement de susceptible d'aliéner le Canaque et

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