Jutta Brückner : Pornographie, la tache de sang dans l œil de la caméra  - article ; n°1 ; vol.25, pg 121-136
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Jutta Brückner : Pornographie, la tache de sang dans l'œil de la caméra - article ; n°1 ; vol.25, pg 121-136

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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1982 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 121-136
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 53
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jutta Brückner
Elisabeth Plard
Christine Graeber
Jutta Brückner : Pornographie, la tache de sang dans l'œil de la
caméra
In: Les Cahiers du GRIF, N. 25, 1982. Jutta Brückner : cinéma regard violence. pp. 121-136.
Citer ce document / Cite this document :
Brückner Jutta, Plard Elisabeth, Graeber Christine. Jutta Brückner : Pornographie, la tache de sang dans l'œil de la caméra . In:
Les Cahiers du GRIF, N. 25, 1982. Jutta Brückner : cinéma regard violence. pp. 121-136.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1982_num_25_1_1359Jutta Brûckner:
Pornographie
La tache de sang dans F il
de la caméra
les des plus «romantique» extrait d'action tant Un cinéma femmes de souhaiteraient de de significations femmes pour presse porno à la d'éventuelles est, vont sensualité, dans de heureusement que voir, plus Berlin lequel cela des au investigations «romantiques». a on nous films apposé corps, peut pour laisse pornos, au lire à nous, sa voir, un que sur devanture mais large à vecteur de le Le la rapport qu'elles plus champ sexualmot un en de
ité, à l'imagination, etc. Notre connaissance de l'his
toire des sens est à ce point imprécise qu'à chaque géné
ralisation sur les hommes et sur les femmes nous ri
squons aussi bien de taper dans le mille que de nous four
voyer. Il se peut aussi que l'objet de notre recherche ne
se trouve ni ici, ni là, mais dans quelque entre-deux.
I. Depuis l'ère industrielle et le romantisme, les hom
mes voient dans la femme cette «autre», cette gardienne
d'un lieu utopique imaginé à l'opposé du monde du tra
vail de l'homme, (rationalisé et de plus en plus défiguré).
Lieu utopique qui - revers de la médaille - dépend év
idemment entièrement d'elle. L'histoire a refoulé au sein
du foyer les valeurs culturelles et morales humaines
pour lesquelles il n'y avait plus de place dans la compét
ition effrénée des hommes. De la place, il y en avait par
contre dans cette utopie, et pour tout; ce qui jette une
lumière significative sur le concept même d'utopie. On
y trouve l'idée d'une nature inépuisable et éternellement
généreuse, permettant à la société de justifier son exploi
tation comme un acte progressiste et non rétrograde,
l'aspiration à un lieu où les lois de la lutte pour le pou
voir ne sont plus d'application, où l'homme peut jouir
de sa vie en toute simplicité (1 ). Mais on y trouve surtout
l'idée de mutation de la force du sexe exigeant en amour
abnégateur. Plus la femme devenait ce lieu utopique,
moins elle avait une identité et une sexualité propres,
devenant un attribut dont le seul épanouissement
consistait à servir l'entité homme-enfants jusqu'à 121 l'abnégation d'elle-même.
Elle devenait nature faite cadeau à l'homme. Le sexe se
travestissait en amour, se désincarnait pour nier sa pro
pre substance. L'amour devint le point de fusion absolue
de deux individus dans l'oubli du monde avec une vague
pulsion sexuelle quelque part dans une nébuleuse loin
taine comme aboutissement final d'un désir en principe
sans fin. Cette pulsion n'était pas vécue dans une proxi
mité manifeste pour tous et pour toutes, mais en tant
que mystère tirant son secret de la distance même.
L'amour était présent et infini ausi longtemps qu'il
n'atteignait pas le sexe. Cette tension entre proximité et
distance est décrite dans le conte de Novalis Hyacinth et Bouton de Rose Hyacinthe
und Rosenblùtchen. Hyacinth vit avec Rosenblùtchen, « Hier bin ich Mensch, hier darf
ich's sein » (n.d.t.). mais s'en va parce qu'il veut découvrir quelque chose de
merveilleux au terme d'un long chemin. Et ce qu'il
trouve de plus merveilleux, après maintes difficultés et Nietsche: Zarathoustra (n.d.t.).
périls, c'est Rosenblùtchen. Ce mouvement infini vers
un but qu'il ne fallait généralement pas atteindre afin
d'augmenter la douceur du chemin, jouait sur la tension
entre proximité et distance et la manière singulière dont
les gens peuvent s'y mouvoir, éloignant le proche et rap
prochant le lointain grâce au pouvoir de leur imaginat
ion.
Mais le refoulement de la sexualité n'entraînait null
ement celui des corps, car les sensations physiques étaient
incroyablement amplifiées dans leur sensualité par les
fantasmes passionnels. Un simple contact, la marche
côte à côte, ne fut-ce que la pensée de l'autre étaient déjà
d'une violence sensuelle bouleversante. Le refoulement
de la sexualité rendait au contraire les pulsions sexuelles
plus erotiques et intensifiait bien plus la sensualité qu'il
ne la tuait. L'imagination devint le moteur tout puissant
des sensations physiques. La sexualité réprimée qui ne
trouvait pas de lieu d'épanouissement s'étendait à tout
le corps, se fixait sur tout et imprégnait le monde d'éro-
tisme.
L'imagination n'y était pas le simple substitut d'une réal
ité niée, mais un mode indépendant et complémentaire.
Au sein de l'imaginaire se font des expériences qui ne
veulent ou ne peuvent devenir réalité, parce qu'elles
conduisent aux zones qui sont la limite même de toute
expérience. L'imagination apaise les désirs fantastiques,
pas les désirs réels. Quand les femmes rêvaient (et
rêvent) du sujétion sexuelle, cela n'est pas par désir de se 122 faire violer dans le couloir sale d'une maison, mais désir
d'être submergées par leurs propres sens.
Cette dilution de la sexualité en amour et en érotisme
correspondait aux besoins de l'homme, il faut le dire très
clairement, sauf que les femmes y avaient un rôle très
important. D'abord, elles étaient celles qui devaient
donner la réplique, courant le risque de donner la mauv
aise réplique au mauvais moment. Comment pouv
aient-elles connaître le moment où il fallait céder ou ne
pas céder pour faire durer l'intérêt de l'homme sans le
laisser attendre ni trop, ni pas assez pour que le mystère
ne perdit pas sa valeur? Tout un canon de règles, trans
mis de mères en filles, a survécu jusqu'à nos jours. Le
corps des femmes était aussi le temple du mystère qui
devenait d'autant plus merveilleux qu'il restait inaccess
ible. On dit parfois qu'il s'agit ici d'une forme d'oppres
sion qui agit par idéalisation. Sans en douter, je pense
qu'il est néanmoins important de comprendre que cette
mise en scène laissait une certaine latitude aux femmes,
leur permettant de travailler activement à leur propre
légende. L'homme créa le cadre dans lequel elles
tenaient le premier rôle. L'homme y exprimait le désir
du mâle et elles devaient le refuser et réconduire dans le
but d'augmenter la volupté de leur attente.
la femme fut soumise et livrée au pouvoir social de
l'homme, mais elle gardait la maîtrise des mises en scè
nes erotiques. Il était de son propre intérêt de faire durer
ce jeu aussi longtemps que possible, car une fois le myst
ère dévoilé commenceraient soit la monotonie et la
banalité conjugales, soit l'amour maternel d'abnégation
non seulement désexualisé mais aussi dépouillé d'éro-
tisme. Comme la mise en scène exigeait par ailleurs
l'emploi de tout son corps, la femme pouvait au moins
croire à l'individualité de son sexe, car chaque regard de
l'homme sur sa manière de le cacher lui paraissait pré
cisément confirmer celle-ci.
Le rôle de la femme prévoyait également la possibilité de
surmonter sans perte d'identité même une violation des
règles du jeu par l'homme. Le ramassis de ces idées que
l'on trouve dans les romans populaires du début de ce
siècle montre une femme précieuse, incomprise, peut-
être même maltraitée, mais moralement tellement au-
dessus de l'homme que même lorsqu'elle doit se soumett
re à son instinct brutal, elle lui reste infiniment supé
rieure par l'intégrité de son être, le menant parfois 123 jusqu'au repentir et à la pénitence. C'est ici que la dés-
incarnation non seulement du sexe mais de la femme
toute entière atteint son paroxysme, et c'est en souffrant

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