L'affaire du Val-de-Grâce (août 1637). Les documents de la cassette de Richelieu - article ; n°1 ; vol.83, pg 111-165

Paul-M. Bondois

Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1922 - Volume 83 - Numéro 1 - Pages 111-165
55 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: BIBLIOTHEQUE_DE_L-ECOLE_DES_CHARTES
• Publié le: 01 janvier 1922
• Nombre de lectures: 34
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 6 Mo

Extrait

Paul-Marie Bondois
L'affaire du Val-de-Grâce (août 1637). Les documents de la
cassette de Richelieu
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1922, tome 83. pp. 111-165.
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Bondois Paul-Marie. L'affaire du Val-de-Grâce (août 1637). Les documents de la cassette de Richelieu. In: Bibliothèque de
l'école des chartes. 1922, tome 83. pp. 111-165.
doi : 10.3406/bec.1922.448673
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1922_num_83_1_448673L'AFFAIRE DU VAL-DE-GRÂCE (AOÛT 1637)
LES
DOCUMENTS DE LA CASSETTE DE RICHELIEU
La collection de Saint-Albin, dont le département des manusc
rits de la Bibliothèque nationale vient d'acquérir une partie,
contient, entre autres pièces intéressantes sur l'histoire de France
au xvii6 siècle, un important dossier relatif à l'affaire du Val-de-
Grâce, dans laquelle la reine Anne d'Autriche fut gravement
compromise, en août 1637. Ces documents, au nombre de dix-
sept, proviennent de la cassette du cardinal; ils figuraient au
xvme siècle dans les archives du maréchal-duc de Richelieu,
qui les fît communiquer au Père Griffet, lorsque celui-ci rédigeait
son Histoire de Louis XIII. Cet historien les a intelligemment
analysés dans le tome III de son ouvrage1.
Le dossier complet, réuni par le ministre, fut dispersé proba
blement à l'époque de la Révolution. Une partie des documents,
— la plus considérable, — fut recueillie par le marquis de
Bruyère-Chalabre, puis vendue à sa mort en 18332. Ces origi
naux, achetés alors par le libraire Fontaine, puis par la « Société
des Bibliophiles françois», ont été mis en vente par les membres
1. P. 39 à 61. Voir V. Cousin, Madame de Chevreuse, 11C éd., p. 30. Le maré
chal communiqua aussi à l'historien le dossier relatif à l'affaire de Château-
neuf (voir Griffet, t. II, p. 392). Aucune indication relative aux archives du
cardinal ne se trouve dans le travail d'E. Bonnaffé sur les Collections de
Richelieu, 1883, gr. in-8".
2. Catalogue des livres imprimés et manuscrits et des autographes compos
ant le cabinet de feu M. de Bruyère-Chalabre. Paris, Merlin, 1833, in-8°,
p. 104, n° 165 bis. 112 LES DOCUMENTS J)E LA CASSETTE DE RICHELIEU.
de cette association en 1847 [ et acquis en 1850 pour la Biblio
thèque, où ils constituent le ms. 10215 du fonds français (ancien
supplément français 4068 2).
Le reste du dossier, passé entre les mains deA.-Ch.-O. Rous-
selin de Gorhin, comte de Saint-Albin, formait un des groupes
les plus intéressants de sa collection et les pièces qui concernent
l'affaire du Val-de-Grâce sont venues compléter heureusement le
ms. français 10215. Elles sont aujourd'hui réparties dans les
volumes 22896, 22897 et 22898 des nouvelles acquisitions du
fonds des manuscrits français3.
Ces divers documents, qui n'étaient connus que parles allu
sions inexactes, contenues dans les Mémoires d'un des prin
cipaux acteurs de l'affaire, Pierre de La Porte, l'écuyer d'Anne
d'Autriche4, et par les analyses, bien faites mais résumées, du
Père Griffet, permettent de dresser une liste à peu près comp
lète des actes officiels et des documents originaux et authent
iques, relatifs à cette affaire, liste qui se peut compléter ut
ilement à l'aide de pièces annexes : récits, notes, lettres, etc.
Par cette enumeration, il est possible de suivre, jour par
jour, le développement de l'enquête menée pour connaître
tous les détails de cette curieuse intrigue et d'en saisir la comp
lexité. La publication intégrale des documents, récemment
entrés à la Bibliothèque nationale, complétera le travail de Vic
tor Cousin qui, dans la première édition de son important
ouvrage sur Madame de Chevreuse5, a donné les textes des
1. Catalogue de documents historiques et de lettres autographes relatifs au
règne de Louis XIII. Paris, Techener, 1847, in-8°, p. 13-17.
2. Ces documents furent communiqués par B. Hauréau à D.-M. Avenel lors
qu'il recherchait les lettres de Richelieu. Voir Lettres et papiers de Richelieu,
t. V, p. 835. Paulin Paris, dans les notes de son édition des Historiettes de
Tallemant (t. II, 1854, in-8°, p. 80), donne la date de 1850 pour l'entrée de
ces documents au département des manuscrits.
3. Nouv. acq. fr. 22896, fol. 45-46, 50-65; 22897, fol. 91-92; 22898, fol. 50,
140-148. Cf. H. Omont, Nouvelles acquisitions du déparlement des manusc
rits, 1918-1920, dans Bibliothèque de l'École des chartes, année 1921,
p. 151-153. — Sur ce collectionneur, voir Nouvelle biographie générale Didot,
t. 42, 1866, col. 1017-1019.
4. Mémoires contenant plusieurs particularités des règnes de Louis XIII
et de Louis XIV. Genève, 1755, in-12. Voir E. Bourgeois et L. André, les
Sources de l'histoire de France : XVII" siècle, t. II, 1913, p. 51, n° 724. Au
cours de ce présent travail, ces mémoires sont cités d'après l'édition de la col
lection Michaud et Poujoulat, 36 série, t. VIII, p. 24-36.
5. P. 250 et suiv. Cf. les autres éditions, p. 416 à 424. DOCUMENTS DE LA CASSETTE DE lilCHELIEU. 113 LES
pièces de la cassette de Richelieu, contenues dans le tns. fran
çais 10215. Ces notes, lettres et interrogatoires prouvent, con
trairement aux affirmations des mémorialistes, favorables à la
reine, que le rôle d'Anne d'Autriche dans cette intrigue était
important, et que Richelieu n'a pas fait passer, quoi qu'on ait
dit, « des choses de rien pour de graves conspirations » ; elles cons
tituent la source sûre et définitive, à laquelle doit recourir l'histo
rien, en délaissant les affirmations plus ou moins vraies des
mémoires, dont la forme vive et les détails amusants et roma
nesques ont trop souvent frappé l'imagination d'écrivains, qui
n'ont pas craint d'affirmer, en se fiant à leurs dires, des faits tout
à fait inexacts.
I.
La haine qu'Anne d'Autriche avait conçue pour l'influence
autoritaire du cardinal de Richelieu l'avait amenée à conserver
des relations dangereuses avec les pires ennemis de la France. Les
correspondances qui ont été conservées, malgré les efforts faits
pour les dissimuler ou les détruire, ne laissent pas de doutes
sur les négociations que, de 1630 à 1637, la reine, sous l'i
nfluence et par l'intermédiaire de ses amies, Madeleine de Silly,
dame du Fargis, et Marie de Rohan, duchesse de Ghevreuse,
noua avec son frère, le cardinal-infant Fernand, l'ambassadeur
d'Espagne, le marquis de Mirabel, le duc Charles IV de Lorraine
et des agents et des seigneurs anglais l .
Mais Richelieu veillait. Bien renseigné par une active police2,
il avait appris, à la fin de juillet 16373, que le commissionnaire
1. Voir V. Cousin, Madame de Chevreuse, lro éd., p. 44; 2e éd., p. 115.
L. Baliflol, la Duchesse de Chevreuse, p. 140. Voir, sur Mme du Fargis, les
indications bibliographiques données par Livet dans la Nouvelle biographie
générale (Didot), t. XVII, 1873, in-8% col. 106-107, et par P. Paris dans son
édition de Tallemant, t. II, p. 6, 80, 120, etc. Sur l'entourage de la reine, host
ile à la France, voir A. Baschet, le Roi chez la reine, 2e éd., 1866, in-8°,
p. 321.
2. « Je vous disois, affirmait Louis XIII, que M. le Cardinal est un étrange
esprit, car il découvre toutes choses. Il a des espions proches des princes
estrangers ; il apprend leurs desseins et fait surprendre leurs paquets par des
hommes déguisés, qui détroussent les courriers. » Cité par Griffet, Histoire de
Louis XIII, t. III, p. 39.
3. Le cardinal avait eu vent de la chose par une lettre adressée à la reine et
saisie dans un paquet de M. de Mirabel, intercepté par ses espions. Il la fil
1922 8 114 LES DOCUMENTS DE LA CASSETTE DE RICHELIEU.
qui se chargeait de porter les lettres de la reine, où devaient se
trouver les preuves indéniables de la trahison, était un « port
emanteau » de la souveraine, Pierre de La Porte, qui avait des
relations suivies avec Mme de Chevreuse1. Il le fit arrêter le
vendredi 12 août, alors qu'il avait sur lui une missive d'Anne à la
duchesse, alors reléguée à Tours, missive qu'il n'avait pu remettre
au sieur de La Thibaudière, qui s'était chargé de la porter2.
La reine était cependant allée rejoindre Louis XIII à Chant
illy. Elle apprit avec effroi l&