L alliance de l Humanité et du Progrès - article ; n°1 ; vol.78, pg 113-128
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Description

Communications - Année 2005 - Volume 78 - Numéro 1 - Pages 113-128
Le Titan démiurge, emblème romantique du « génie créateur » (Goethe, Beethoven), fut célébré par la musique du XIXe siècle en tant que symbole d'un progrès. Reposant à la fois sur les idéaux chrétiens, la science et l'art, cette conception s'exprima, notamment, à travers les fêtes démocratiques, telles les célébrations en l'honneur des grandes personnalités artistiques et intellectuelles (Franz Liszt et ses Chore zu Herder's « Entfesseltem Prometheus »), les festivals, les expositions universelles (Exposition universelle de Paris, 1867) et les prix musicaux.
The mythical Titan, emblem of the romantic creator genius (Goethe, Beethoven), was celebrated by the music of the XIXth century as a symbol of civil, social and technological progress. Based on Christian ideals, science and art, this conception was expressed by democratic feasts such as the celebrations in honour of artistic and intellectual figures (Franz Liszt and his Chore zu Herder's Entfesseltem Prometheus ), the festivals, the universal expositions (Exposition universelle de Paris, 1367) and musical prizes.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mara Lacchè
L'alliance de l'Humanité et du Progrès
In: Communications, 78, 2005. pp. 113-128.
Résumé
Le Titan démiurge, emblème romantique du « génie créateur » (Goethe, Beethoven), fut célébré par la musique du XIXe siècle
en tant que symbole d'un progrès. Reposant à la fois sur les idéaux chrétiens, la science et l'art, cette conception s'exprima,
notamment, à travers les fêtes démocratiques, telles les célébrations en l'honneur des grandes personnalités artistiques et
intellectuelles (Franz Liszt et ses Chore zu Herder's « Entfesseltem Prometheus »), les festivals, les expositions universelles
(Exposition universelle de Paris, 1867) et les prix musicaux.
Abstract
The mythical Titan, emblem of the romantic "creator genius " (Goethe, Beethoven), was celebrated by the music of the XIXth
century as a symbol of civil, social and technological progress. Based on Christian ideals, science and art, this conception was
expressed by "democratic feasts" such as the celebrations in honour of artistic and intellectual figures (Franz Liszt and his Chore
zu Herder's "Entfesseltem Prometheus "), the festivals, the "universal expositions" (Exposition universelle de Paris, 1367) and
musical prizes.
Citer ce document / Cite this document :
Lacchè Mara. L'alliance de l'Humanité et du Progrès. In: Communications, 78, 2005. pp. 113-128.
doi : 10.3406/comm.2005.2277
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2005_num_78_1_2277Lacchè Mara
L'alliance de FHumanite et du Progrès.
La célébration de Prométhée
par les musiciens du XIXe siècle
Dans Prométhée enchaîné^ après avoir été cloué aux rochers de Scythie,
le Titan expliquait les raisons de son châtiment au chœur compatissant
des Océanides :
Écoutez plutôt les misères des mortels et comment d'enfants qu'ils
étaient auparavant j'ai fait des êtres doués de raison et de réflexion.
Je veux vous le dire, non pour dénigrer les hommes, mais pour vous
montrer de quelles faveurs ma bonté les a comblés. Autrefois ils
voyaient sans voir, écoutaient sans entendre, et semblables aux fo
rmes des songes, ils brouillaient tout axi hasard tout le long de leur vie
[...] ; ils faisaient tout sans user de leur intelligence, jusqu'au jour où
je leur montrai l'art difficile de discerner les levers et les couchers des
astres .
En énumérant les bienfaits du Titan enchaîné, source de « tous les arts
aux mortels2 », Eschyle allait loin dans la « voie de la valorisation cultu
relle de Prométhée, héros rationnel, inventeur de la science3 ». Parmi les
images poétiques, les multiples visages qui depuis l'Antiquité ont fait
du Titan la « figure paradoxale 4 » de Gaston Bachelard, celle du bienfai
teur, de l'initiateur des arts, apportant la téchne avec le feu, séduisit
particulièrement l'imaginaire des penseurs et artistes entre la fin XVIIIe et
le XXe siècle.
L'homme qui allume, qui active le feu [affirme Bachelard] tra
vaille à majorer et cependant à maîtriser et à régler les forces du
monde'3.
Tel est le Prométhée goethéen, qui, dans son invective contre le Souverain
céleste, tonne :
113 Mara Lacchè
Essaie tes forces, tel l'enfant
Qui abat des chardons,
Sur les sommets des monts et sur les chênes :
II te faut bien pourtant
Laisser en paix ma terre,
Et ma maison que tu n'as point bâtie,
Et aussi mon foyer,
Avec son feu ardent,
Pour lequel tu m'envies .
Le Titan du jeune Goethe, qui prit son origine dans la nouvelle concep
tion de la mythologie herdérienne, est l'œuvre charnière entre les temps
révolus et les temps à venir. En effet, après plusieurs siècles d'interpré
tation symbolique et philosophique du mythe, le génie goethéen restitua
à Prométhée non seulement la puissance « démonique » du rebelle, qui
trouvera parmi les grands révoltés du romantisme sa famille naturelle,
mais aussi la faculté démiurgique et philanthropique du Titan qui pétrit
l'argile en forme humaine et qui l'anime de son souffle. Comme Pierre
Albouy7 le souligne, c'est par la révolte que passe le progrès qui libère
ou constitue l'humanité. C'est ainsi que le rôle central du mythe dans
l'univers littéraire goethéen a offert à Hans Blumenberg l'idée d'une
psycho -biographie du génie weimarois, avec son assimilation, comme
pour le génie beethovénien 8, à la figure même de Prométhée. Ces grandes
personnalités prométhéennes, issues du Sturm und Drang., sont devenues
les incarnations de l'artiste, de son pouvoir, qui lui permet de créer un
univers nouveau, de façonner des créatures et de leur insuffler la vie, cette
étincelle divine qui fait, selon une fameuse formule de Jules Michelet
(1869), « de l'homme son propre Prométhée » 9.
La «fortune saint- simonienne de 10 » caractérisa la réception
du mythe pendant la première moitié du XIXe siècle. Elle annonçait la
conception lisztienne de Fart qui, en tant que manifestation de Dieu, peut
rapprocher et unir les hommes comme, selon le positivisme social et
spirituel de Saint-Simon, la science participe à améliorer sensiblement la
qualité de la vie humaine11.
Franz Liszt, Prométhée et l'art : le sacerdoce de l'artiste
pour l'accomplissement du progrès.
Héritier de la conception beethovénienne du Beau et de l'Art, considérés
comme les forces qui interviennent dans l'accomplissement du progrès
humain, Liszt manifesta son « credo humanitaire12 » durant une intense
114 L'alliance de l'Humanité et du Progrès
période de création musicale, la période weimaroise, commencée sous le
signe de Prométhée.
La fréquentation des salons littéraires parisiens et la rencontre d'intel
lectuels et d'artistes tels Victor Hugo, Balzac, Sainte-Beuve, George Sand,
Henri Heine, l'influence du saint- simonisme 13 et sa rencontre avec l'abbé
de Lamennais rapprochèrent Liszt des idées socialistes et stimulèrent sa
prise de conscience de sa mission d'artiste et de compositeur. Dans ses
Lettres d'un habitant de Genève (1802), qui fascinèrent tant le jeune
musicien, Saint-Simon soulignait la nécessité d'un nouveau pouvoir spi
rituel, appelé à prendre une position importante dans l'utopie scientif
ique 14. L'homme de génie était ainsi considéré comme le type suprême de
l'humanité et, par vocation, son bienfaiteur. Les poètes et les artistes
étaient promus au rang qu'ils occupaient dans la Grèce ancienne et pou
vaient assurer à l'industrie les idées dont elle avait besoin :
Les Athéniens ont été incontestablement, de tous les Grecs, ceux qui se
sont le plus occupés de commerce, de fabrication et de culture ; c'est
cependant Athènes qui a été, dans l'ancienne Grèce, la principale école
des beaux-arts ; c'est à Athènes que les poètes, que les peintres, que les
sculpteurs, que les architectes, ainsi que les musiciens, ont été les plus
considérés et les mieux récompensés °.
Les poètes, les peintres, les artistes contemporains devaient accomplir
les tâches que leurs ancêtres avaient déjà assurées : donner au peuple
l'énergie dont il avait besoin pour résister aux armées ennemies, comme
les Grecs face aux Persans, contribuer à inspirer chez tous les chrétiens
le mépris des tyrans et stimuler les peuples européens à constituer un
régime libéral. La mission des philanthropes, qui feraient adopter le prin
cipe de la morale divine aux puissants de la terre, confirmait l'idée de
l'industrialisme en tant que forme ultime du christianisme, annonçant les
positions de Jules Michelet.
Cette conception du sacerdoce de l'artiste, qui prépara Franz Liszt à sa
rencontre avec l'abbé de Lamennais et sa foi dans l'art en tant que « chri
stianisme du peuple », prévoyait ainsi la création d'un nouveau genre de
musique de circonstance pour grandes foules, capable de réunir de nomb
reuses personnes pour la célébration de mêmes idéaux16, de personnages
éminents de l'intelligentsia et de l'art allemand17. Telle est, par exemple,
la composition des Chœurs extraits de &

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