L enchantement du 6 octobre : une lecture des Reflections on the Revolution in France - article ; n°1 ; vol.24, pg 77-89
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XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles - Année 1987 - Volume 24 - Numéro 1 - Pages 77-89
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Publié le 01 janvier 1987
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Langue Français

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Jacques Sys
L'enchantement du 6 octobre : une lecture des Reflections on
the Revolution in France
In: XVII-XVIII. Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles. N°24, 1987. pp. 77-89.
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Sys Jacques. L'enchantement du 6 octobre : une lecture des Reflections on the Revolution in France. In: XVII-XVIII. Bulletin de
la société d'études anglo-américaines des XVIIe et XVIIIe siècles. N°24, 1987. pp. 77-89.
doi : 10.3406/xvii.1987.1355
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xvii_0291-3798_1987_num_24_1_1355L'ENCHANTEMENT DU 6 OCTOBRE :
UNE LECTURE DES REFLECTIONS ON THE REVOLUTION
IN FRANCE
Les Reflections on the Revolution in France (1) mettent en
jeu une vision «magique» et féerique de la causalité politique qui,
pensons-nous, peut contribuer à expliquer la violence toujours
croissante du discours de Burke de 1790 à l'hystérie des derniers
écrits. Nous aimerions montrer ici que les Reflections peuvent
être lues aussi comme un conte de fée et même comme un roman
gothique.
Pour Edmund Burke, et c'est ce qui fait l'essence de son
«conservatisme», la raison politique obéit à une ontologie de la
relation qui l'enfouit dans le sacré, dans le mythe et ses corrélats
rituels. Expliquons-nous. La raison classique et les Lumières nous
ont appris que la nature est simple, que ses lois sont peu nomb
reuses et réversibles, en bref que la nature est non seulement
très bête mais qu'elle est faite pour être dominée (2). A l'opposé
de cette conception la pensée de Burke va faire le pari du clair-
obscur, celui de l'opacité du réel et du caractère mystérieux des
ensembles humains : l'organisation est là, «the great primaeval
contract of eternal society» (RF, p. 195), elle est toujours déjà là,
et elle n'est jamais totalement réductible à la raison. Elle existe
donc, toujours précaire, toujours menacée, toujours tremblante
sur ses bases, comme l'est son principe, la propriété. L'organisation
est donc pour nous à la fois un objet d'émerveillement et de
crainte. L'émission des assignats nous donne un exemple de cette
fragilité : y a-t-il spectacle plus épouvantable que l'apparition sur
le marché de cette monnaie de singe ? A sa vue l'or et l'argent,
les deux piliers de la société civile, rentrent sous terre, l'édifice
de la Constitution se délite, la propriété est menacée et la société,
privée de son lest, court à sa perte (3). Tout cela est dans l'ordre
un peu magique des choses, tout cela peut se lire dans le filigrane
de cette monnaie de papier, fruit des «quadrimanous activities»
des révolutionnaires (RF, p. 283). Il ne faut pas oublier chez
Burke cette magie, ces enchantements, ces charmes et ces sorti
lèges, autant d'expressions des œuvres du Malin en ce monde.
Contre ces démons qui s'en prennent au «petit capital» de la
société civile et de son gouvernement il faut se prémunir, aussi
est-ce pourquoi l'organisation politique devra trouver son point
d'ancrage dans le sacré. L'origine des constitutions est certes
utilitaire, mais elle est aussi ce par quoi on rejoint le centre 78
mystérieux et incompréhensible de l'univers et qui nous lie, en
toute dignité, à l'ensemble de l'organisation du vivant et de
proche en proche à la «grande chaîne de l'être» :
Each contract of each particular state is but a clause in the great
primaeval contract of eternal society, linking the lower with the
higher natures, connecting the visible and the invisible world, ac
cording to a fixed compact sanctioned by the inviolable oath which
holds all physical and moral natures, each in their appointed place.
(RF, p. 195)
II convient donc que le roi ne soit pas nu, et qu'il soit assis
sur autre chose que sur son cul. Si l'on fait l'économie du supra-
naturel et de la causalité qui lui est propre, une autre se déchaî
nera : si l'on cesse d'obéir à la loi constitutive de notre humanité,
il faudra bien obéir aux lois de la nature (4). Désacraliser l'inst
itution politique, lui ôter toute assise mythique, revient à la rejeter
dans le chaos, dans l'univers démoniaque des accouplements
monstrueux. Hors les murs de la cité régnent en effet la causalité
naturelle, l'enchaînement monotone des causes, l'horreur d'un
monde déchu qui tend vers son centre infernal :
... but if that which is only submission to necessity should be made
the object of choice, the law is broken, nature is disobeyed, and the
rebellious are outlawed, cast forth, and exiled from this world of
reason, and order, and peace, and virtue, and fruitful penitence,
into the antagonist world of madness, discord, vice, confusion, and
unavailing sorrow. (RF, p. 195)
La raison politique ne peut éviter ces sanctions que si elle saisit la
dimension religieuse de l'humanité : «We know, and it is our pride
to know, that man is by his constitution a religious animal» (RF,
p. 187) ; la relation est bien ce qui fait la spécificité de la nature
humaine, et la religion est précisément ce qui relie. Inversement,
une démocratie coupe les liens et tue le temps, incapable qu'elle
est de concevoir (et de percevoir) le monde dans la totalité et la
complexité de ses relations, une infirmité qui a pour nom absence
«d'imagination morale» (RF, p. 171). Le souverain n'est donc pas
qu'un homme et le peuple est autre chose que la somme arithmé
tique de ses individus ; contrairement à ce que pose le rationalisme
des Lumières le roi et son peuple doivent être vêtus car c'est
l'existence même qui dans sa nudité, c'est-à-dire sa férocité,
demande à être couverte et contenue par le jeu complexe de la
pompe et de la majesté :
All the super-added ideas, furnished from the wardrobe of a moral
imagination, which the heart owns, and the understanding ratifies,
as necessary to cover the defects of our naked shivering nature, and
to raise it to the dignity of our estimation... (RF, p. 171) 79
L'imagination morale (et Burke dit-il autre chose dans son discours
sur le beau et le sublime ?) fait accéder la nature déchue de
l'homme à une dignité retrouvée par la vertu de ces idées «sura
joutées». L'homme nu est barbare, sauvage, féroce : il faut donc
l'habiller de sacré, premier viatique qui le protège des ténèbres
infernales et de l'émergence du pouvoir brut. Mieux vaut s'en tenir
à ce que les constituants appellent superstition ou obscurantisme
pour éviter qu'une superstition plus grande encore vienne dévorer
l'humanité. Encore une fois, il ne faut pas que le roi soit nu. Dire
qu'il l'est revient à se placer hors de la grande chaîne de l'ordre
universel, hors de cette harmonie où chaque chose et chaque
créature jouent à être à leur place. Or, aux yeux de Burke, le désir
affiché des hommes de la Constituante était de circonscrire l'ordre
naturel dans les limites d'une simple raison, ce qui pour notre
auteur équivaut à ne plus vouloir être homme mais Dieu. Cette
perversité ratiocinante ne pourra que renverser les garde-fous
institutionnels et aura tôt fait de faire sombrer la France dans le
vide ; et pire encore (car «the mind will not endure a void»,
RF, p. 188) la précipiter au sein de l'énergie déchaînée d'une
passion tyrannique ; car la raison raisonnante ne libère pas, elle
asservit : elle transforme les hommes en monomanes impudiques
et les sociétés en «shameless democracies» (RF, p. 191). l'exor
cisme passe par la superstition de ce que les romains appelaient
«decorum», de ce que Spenser appelait «ceremony» et Shakespeare
«degree».
Tout cela nous le savons d'instinct, comme d'instinct nous
savons ce qui dans l'ordre matériel nous répugne. Nous savons
qu'il existe une connaissance et un désir maléfiques, inspirés
peut-être par une puissance infernale. D'instinct (c'est-à-dire ce
qui reste de clarté après la faute originelle) l'homme sait les lieux,
les jeux interdits où se distillent envoûtements et sortilèges.
Il y a certes chez Burke un interdit, mais comme en tout conte
il y a aussi une mission. Car ces lieux possédés par le faux esprit
de liberté so

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