L’horlogerie a-t-elle tué les heures inégales ? - article ; n°1 ; vol.157, pg 137-156
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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1999 - Volume 157 - Numéro 1 - Pages 137-156
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Emmanuel Poulle
L’horlogerie a-t-elle tué les heures inégales ?
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1999, tome 157, livraison 1. pp. 137-156.
Citer ce document / Cite this document :
Poulle Emmanuel. L’horlogerie a-t-elle tué les heures inégales ?. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1999, tome 157,
livraison 1. pp. 137-156.
doi : 10.3406/bec.1999.450963
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1999_num_157_1_450963Abstract
For centuries, unequal hours remained the most common measure of time ; nevertheless astronomers
also made use of equal hours, and treatises on the use of the astrolabe regularly explained how to
convert the one into the other, as unequal hours alone were inscribed on the instrument. It is generally
believed that following the invention of mechanical clocks in the late 13th century, mechanical hours
progressively replaced unequal hours until the latter completely disappeared. However the
archaeological evidence does not corroborate such an abrupt view. Indeed astrolabes were graduated
in equal hours as from the 13th century, but they were still marked in unequal hours too, and so they
were for as long as astrolabes were made. More significantly, astronomical clocks often showed both
equal and unequal hours until the beginning of the 18th century : far from being responsible for the
disappearance of unequal hours, clocks may well have contributed to their survival.
Résumé
L'heure inégale a longtemps été l'heure usuellement employée ; mais les astronomes pratiquaient aussi
les heures égales, et les traités d'usages de l'astrolabe exposaient communément comment passer de
l'une à l'autre, les heures inégales étant seules inscrites sur l'instrument. Il est généralement admis que,
à partir de l'invention de l'horlogerie à la fin du XIIIe siècle, l'heure mécanique a fait régresser l'heure
inégale jusqu'à la faire disparaître. Pourtant, la documentation archéologique conduit à nuancer cette
conclusion trop abrupte. Certes, les astrolabes comportent désormais une graduation en heures égales,
mais sans abandonner pour autant le tracé des heures inégales, qui s'est maintenu tant qu'on a
fabriqué des astrolabes. Surtout, jusqu'au début du XVIIIe siècle, les horloges astronomiques ont
volontiers affiché les heures inégales en même temps que les heures égales : loin d'être responsable
de la disparition des inégales, l'horlogerie en a peut-être encouragé la survie.
Zusammenfassung
Die (mit der Jahreszeit variierenden) Temporal- oder Planetenstunden bildeten lange das übliche
System der Tages- und Nachteinteilung (mit jeweils 12 Stunden). Die Astronomen kannten jedoch auch
das System der isochronen Stunden, und die Traktate zur Verwendung des Astrolabs erklarten
üblicherweise, wie ein System in ein anderes umzurechnen war, da das astronomische Instrument nur
die Planetenstunden angab. Nach allgemeiner Auffassung ging der Gebrauch der Temporalstunden mit
der Einführung des Uhrwerks und der mechanischen Stundenmessung im ausgehenden 13.
Jahrhundert zurück, um unter ihrem Druck schließlich ganz zu verschwinden. Die Quellenbefunde
zwingen jedoch zu vorsichtigeren Schlußfolgerungen : Gewiß führen die Astrolabien nunmehr isochrone
Stundeneinteilungen, doch ohne die Planetenstunde aufzugeben, die so lange fortgeschrieben wurden,
wie man Astrolabien herstellte. Bis zum Beginn des 18. Jahrhunderts gaben auch die astronomischen
Uhren vielfach die Planetenstunden neben den isochronen Stunden an. Das Uhrwerk bat also eher das
Fortleben der Temporalstunden begünstigt als ihr Verschwinden bewirkt.L'HORLOGERIE A-TELLE TUE
LES HEURES INÉGALES ?
par
Emmanuel POULLE
Depuis la réflexion de Jacques Le Goff sur l'organisation du temps au Moyen
Age, et l'opposition, aujourd'hui classique, qu'il a établie entre le temps des
clercs et celui des marchands1, il est communément admis que la diffusion
de l'horlogerie, au XIVe siècle, a contribué à imposer dans la société les
heures égales comme division de la journée et à faire disparaître l'emploi
des heures inégales. Sans remettre en cause l'appréciation de cette substi
tution dans l'évolution culturelle de la fin du Moyen Age ni l'importance
de l'enjeu, sans contester le rôle qu'a pu jouer l'horlogerie dans une réforme
aussi profonde des habitudes, je propose de nuancer quelque peu ces con
clusions et, plus encore, de souligner la part qu'a pu avoir l'horlogerie dans
la survie des heures inégales.
Un rappel des définitions s'impose. L'heure égale est la vingt-quatrième
partie de la journée, ce que les spécialistes appellent du nycthémère, c'est-
à-dire de la somme d'un jour et de la nuit précédente ou suivante ou, pour
être plus exact, de l'espace de temps qui sépare deux passages du soleil
au méridien. L'heure égale est donc exactement (à l'équation de temps près,
néanmoins) ce que nous appelons aujourd'hui simplement l'heure, telle qu'elle
est décomptée sur les horloges et sur les montres.
L'heure inégale est la douzième partie de l'espace de temps qui va du
lever du soleil à son coucher, ou du coucher du soleil à son lever; chaque
jour de l'année, il y a une heure inégale de jour et une heure inégale de
nuit, et la durée de ces heures varie tout au long de l'année : en été les
heures de jour sont plus longues que les heures de nuit, tandis qu'en hiver
1. J. Le Goff, Au Moyen Âge : temps de l'Eglise et temps du marchand, dans Annales, éco
nomies, sociétés, civilisations, t. 15, 1960, p. 417-433, et Le temps du travail dans la « crise »
du XIVe siècle : du temps médiéval au temps moderne, dans Le Moyen Age, t. 69, 1963,
p. 597-613 (tous deux réimpr. dans Pour un autre Moyen Age : temps, travail et culture en
Occident, Paris, 1977, p. 46-65 et 66-79). Voir aussi Philippe Wolff, Le temps et sa mesure
au Moyen Age, dans Annales, économies, sociétés, civilisations, t. 17, 1962, p. 1141-1145.
Emmanuel Poulie, membre de l'Institut, 6 rue Lemaignan, F-75014 Paris.
BIBL. ÉC. CHARTES. 1999. 1 5* EMMANUEL POULLE B.E.C. 1999 138
ce sont les heures de nuit qui sont plus longues que les heures de jour. Si
on exprime les heures inégales en minutes d'heure égale, chaque jour la
somme d'une heure inégale de jour et d'une heure inégale de nuit est égale
à deux heures égales, mais la proportion de ces deux composantes de la
somme change quotidiennement.
Le système de décompte du temps en heures inégales remonte à l'Anti
quité, et il a été suivi au Moyen Age d'autant mieux qu'il pouvait se préval
oir de l'autorité de l'Évangile, puisque le moment de la mort du Christ et
ceux, dans la parabole, de l'envoi à la vigne des équipes successives d'ouvriers
sont rapportés par les évangélistes en heures inégales2. Si ce système nous
paraît aujourd'hui fort peu adéquat, il faut noter qu'il ne se heurtait à aucune
objection technique, car le matériel d'appréciation de l'heure antérieur à
l'horlogerie, cadrans solaires ou clepsydres3, permettait, indifféremment,
de rendre compte, au choix, de l'heure égale ou de l'heure inégale, selon
les principes sur lesquels il était étalonné.
Il va de soi, cependant, que, à partir du moment où l'innovation méca
nique avait vocation à ne produire que des heures égales, le poids de la
tradition a dû se révéler insuffisant pour continuer d'assurer la prééminence
de l'heure inégale; la confrontation des deux heures a-t-elle effectivement
tourné à l'élimination de l'une d'elles, comme on l'admet ordinairement ?
Les sources de l'histoire de l'astronomie peuvent apporter quelque lumière
sur les conditions de cette confrontation.
Un premier point doit être clair : bien avant l'introduction de l'horlo
gerie, les deux types d'heure coexistaient, en tout cas chez les savants. C'est
ainsi que, dès son introduction en Occident, si l'astrolabe tel qu'il est décrit
par les traités de composition de cet instrument ne comporte pas de gra
duation en heures égales, mais seulement en heures inégales (avec un
abaque sur le tympan, puis, un peu plus tard, un deuxième abaque sur le
dos ; ces deux abaques correspondent à deux méthodes différentes de déter-
2. Math. 20, 1-6; 27, 45; Me 15, 25; Le 23, 44.
3. Sur l'inscription d'une graduation en heures

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