La Bretagne et la guerre d Indépendance américaine. - article ; n°3 ; vol.84, pg 183-202
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Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest - Année 1977 - Volume 84 - Numéro 3 - Pages 183-202
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Publié le 01 janvier 1977
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Langue Français
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Jean Meyer
La Bretagne et la guerre d'Indépendance américaine.
In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 84, numéro 3, 1977. De l'Armorique à l'Amérique de
l'indépendance. Deuxième partie du colloque du bicentenaire indépendance américaine 1796 - 1976. pp. 183-202.
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Meyer Jean. La Bretagne et la guerre d'Indépendance américaine. In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 84,
numéro 3, 1977. De l'Armorique à l'Amérique de l'indépendance. Deuxième partie du colloque du bicentenaire indépendance
américaine 1796 - 1976. pp. 183-202.
doi : 10.3406/abpo.1977.2894
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1977_num_84_3_2894La Bretagne
et
la guerre d'Indépendance américaine
par Jean MEYER
Résumer en quelques pages la contribution de la Bretagne à la
guerre d'Indépendance relève de la gageure la plus folle. Ce, d'autant
plus qu'aucune histoire générale de la Bretagne n'a abordé la quest
ion, et qu'il n'existe, à l'heure actuelle aucune synthèse ! B. Pocquet
n'a évoqué, dans sa grande Histoire de Bretagne, que quelques épi
sodes spectaculaires : la bataille de la Surveillante, la réception
triomphante de La Fayette aux Etats, les questions fiscales, prin
cipalement celle des « étapes », conséquences du coût de la guerre (1).
Pourtant, le bicentenaire de la naissance des U.S.A. a provoqué une
floraison d'études très diverses à quoi vient s'ajouter l'ensemble
des études bretonnes sur le xviip siècle (2). Il est désormais possi
ble d'esquisser une ébauche nuancée recouvrant l'essentiel des don
nées historiques.
Ce retard de la recherche historique doit cependant être, au
préalable, expliqué. Dans une première étape, il était relativement
facile d'établir de bonnes biographies des principaux acteurs bre
tons de la guerre maritime (3). Une fois passé ce stade, les archives
bretonnes se sont révélées singulièrement pauvres en la matière :
ni celle des Etats de Bretagne, ni celles de l'intendance ne con
tiennent, en la matière, d'éléments massifs, cohérents, facilement
utilisables (4). La guerre a été menée au plan national, et cette pre
mière grande guerre vraiment planétaire comporte un tel nombre
d'éléments nouveaux : guerre de propagande, guerre psychologique,
guerre coloniale, commerciale, rivalité des services secrets, inter
vention de corps de volontaires, qu'on n'a pas fini d'en dégager les
tenants et les aboutissants. Les grandes histoires diplomatiques lais
sent quantité de faits dans l'ombre. La diplomatie secrète a joué
un rôle considérable, mais il existe aussi un mythe du secret tantôt
du roi, tantôt de Choiseul (5) qui complique singulièrement la recher
che de la vérité. On ne trouvera donc pas ici de solutions « défini
tives », mais simplement un tableau éminemment provisoire. 184 ANNALES DE BRETAGNE
1) LA BRETAGNE PANS L'ENTRE-DEUX-GUERRES
(1763-1774)
La Bretagne avait beaucoup souffert de la guerre de Sept Ans.
La flotte malouine avait été presque intégralement détruite lors de
la descente anglaise de Cancale (1758) (6). Nantes avait, de son côté,
perdu plus d'une centaine de navires (la moitié de sa flottille au
long cours). Sur 72 navires répertoriés dans le détail, on compte
4 corsaires (valant 250 277 livres), 2 terro-novas (53 708 livres), 16
négriers (3 418 478 livres), 15 caboteurs (237 105 livres), 35 navires de
« droiture » (8 436 539 livres) (7). Les pertes totales ont dû dépasser
18 millions de livres. Sans doute le traité de paix de 1763 spécifiait-i]
que les navires français seraient restitués à leurs propriétaires, mais
la valeur du navire, sauf s'il est neuf, entre pour peu dans le mont
ant d'une « mise hors » (8).
A ces pertes commerciales s'ajoutent les conséquences de la
grande défaite des îles Cardinaux (20 novembre 1759) qui décida
du sort de la guerre. En soi, les pertes n'étaient pas énormes :
6 vaisseaux de ligne (2 chavirés par la tempête, 3 incendiés, 1 seul
pris par les Anglais) contre 2 navires anglais. La bataille a eu beau
coup plus d'effets par l'éclatement géographique du corps de bataille
français, qui a permis à de petites escadres anglaises d'en bloquer
aisément les fragments à Rochefort ou dans l'embouchure de la
Vilaine (9).
Plus encore qu'à l'incurie des états-majors et de M. de Conflans,
le désastre était dû à l'insuffisance des équipages, terriblement
décimés par la grande épidémie de typhus rapportée à Brest en 1757
par l'escadre Du Bois de la Motte (10). J.-P. Goubert en a admira
blement décrit l'extension à la majeure partie de la basse Bretagne,
ainsi que la gigantesque mobilisation médicale mise en place par
l'autorité centrale, tâchant, à grand renfort de cordons de troupe
sanitaire, de limiter le développement du fléau, et même de le brider
en concentrant sur Brest médecins et chirurgiens de tout le nord
de la France, de Lille à Lyon, en passant par Strasbourg (11). Les
pertes humaines furent lourdes. On a cité le chiffre de 15 000 morts,
sans compter le fait que, pour longtemps, le typhus s'est installé à
domicile en basse Bretagne. Chaque armement ramène d'ailleurs son
épidémie maritime, qui s'étend au moins au Léon, et le dépasse sou
vent de beaucoup (12) : ainsi en 1733, 1741, 1746, 1757-58, et, enfin,
en 1779-81. Comme il fallait plus de 20 000 hommes pour armer les 21
vaisseaux de M. de Conflans, on emprunta 4 000 hommes de l'armée
de terre. Près du quart des effectifs n'avait jamais mis les pieds
sur un navire. C'est poser le très gros problème de l'insuffisance
dramatique des gens de mer en France. D'après le recensement de
1704, il n'y avait que 88 977 officiers et matelots en France (13),
dont beaucoup d'invalides et de mousses. Restaient 66 735 hommes, la Bretagne fournissait 29 % des effectifs de la flotte de guerre,
et 38 % de ceux de la marine de commerce. Les recherches de
M. Boudriot et du professeur J.-T. Le Goff de l'université d'York ANNALES DE BRETAGNE 185
de Toronto aboutissent à des constatations tout à fait comparables
pour le reste du xvme siècle. Toute guerre maritime constitue donc
un véritable exploit que n'importe quelle épidémie transforme en
quasi certitude de catastrophe face aux 120 000 gens de mer dont peut
disposer l'Angleterre (14). On comprend, dans ces conditions, le
scepticisme d'un Louis XV vis-à-vis des efforts de Choiseul pour
constituer une flotte (15), scepticisme que Louis XVI ne partage
pas (16). Quoi qu'il en soit, la Bretagne fournit, grosso modo, le
tiers des équipages français et subit des pertes équivalentes. S'y
ajoutent le poids propre de la défaite, les rancœurs inévitables d'une
partie des prisonniers longtemps retenus en Angleterre, les souve
nirs de l'occupation de Belle-Isle. La paix de Paris fut donc accueill
ie avec d'autant plus de soulagement que la perte du Canada ne
lésait guère les intérêts bretons, du moment que la pêche à la morue
de Terre-Neuve restait praticable (17). Le principal était que les
« isles » à sucre étaient préservées.
L'entre-deux-guerres, de 1763 à 1774, fut, pour la Bretagne, période
difficile. Après l'alerte de 1766, une série de très mauvaises récoltes,,
d'origine climatique, débute à partir de 1770 (18). Elles entraînent
une crise démographique aiguë, qu'elle partage d'ailleurs avec les
autres pays de l'Ouest (19), et qui perdure jusqu'à la Révolution. A
l'ère relativement heureuse du milieu du siècle, s'étendant de 1745
à 1765-1768, succèdent donc des temps difficiles des deux décennies
1770-1790. La hausse des grains est très forte, spécialement entre 176S
et 1773 (20). Or, cette crise contraste avec la prospérité retrouvée
du grand commerce maritime et l'impulsion donnée à la construction
navale par la préparation à la guerre de revanche. A Nantes, alors
qu'avant 1756 on armait de 120 à 125 navires au long cours par an
(soit près de 30 000 tonneaux et de 4 à 4 500 hommes d'équipage), les
chiffres s'

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