La cité, l oikoumène et la guerre - article ; n°1 ; vol.9, pg 171-187
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Description

Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens - Année 1994 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 171-187
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Catherine Darbo-Peschanski
La cité, "l'oikoumène" et la guerre
In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 9-10, 1994. pp. 171-187.
Citer ce document / Cite this document :
Darbo-Peschanski Catherine. La cité, "l'oikoumène" et la guerre. In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 9-
10, 1994. pp. 171-187.
doi : 10.3406/metis.1994.1020
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1994_num_9_1_1020LA CITÉ, "L'OIKOUMÈNE" ET LA GUERRE
Dans le cadre de l'atelier que Nicole Loraux a intitulé "Repolitiser le cité",
comme une invitation à répondre à une proposition de recherche et de débat
lancée il y a quelques années déjà1 sur la part irréductiblement conflictuelle
de la politique, voire sur la politique comme conflit toujours ouvert au sein
même de la cité, on ne saurait éviter de s'interroger, même si ce n'est que de
façon partielle et particulière, sur les rapports du droit positif civique et de la
guerre extérieure (πόλεμος).
Les historiens et les sociologues du droit nous ont appris, en effet, qu'on
ne pouvait concevoir l'avènement et l'individuation de la cité en dehors de
la mise en place et du fonctionnement d'institutions et de procédures
juridiques dans lesquelles s'affirme une autorité publique2.
Or, dans le prolongement de ces analyses, cet avènement a été pensé
comme le moment de grandes (re)distributions3 ou de grands partages dont
l'un concerne précisément les normes de justice. Tandis que les cités se
dotent, si ce n'est d'un droit systématique, du moins d'un ensemble de
1. "Repolitiser la cité", L'homme 97-98, janvier-juin 1986 XXVI (1-2), pp. 239-255.
2. C'est une idée force de toute l'oeuvre de L. Gernet, bien que, dans sa thèse,
Recherches sur le développement de la pensée juridique et morale en Grèce, Paris, 1917,
elle soit le corollaire d'une autre: celle de l'apparition progressive du sentiment et de la
notion d'individu. Voir aussi, entre autres études, l'article fondamental de H.J. Wolff,
"Origines of judicial litigation among the Greeks", Traditio, IV, 1946, pp. 31-87 et U.E.
Paoli, "Le développement de la polis athénienne et ses conséquences dans le droit
attique", Rev. Intern. Droit Ant., I, 1, 1948, pp. 153-161.
3. Par exemple, celle qui laisse le mariage dans la sphère de la vie privée et confère
exclusivement à l'autorité publique de la Cité la prérogative de décider de la guerre ou de
la paix, alors que guerre et mariage étaient des institutions étroitement associées dans le
cadre plus ancien, postulé par G. Glotz et L. Gernet notamment, des relations
interfamiliales. Voir J.-P. Vernant, Problèmes de la guerre en Grèce ancienne, Paris, 1968,
p. 12, 16 et 17. 172 Catherine darbo-peschanski
nonnes positives, dans l'espace interstitiel, le droit international stricto
sensu4, c'est-à-dire reposant sur un corps de traités en bonne et due forme5,
n'est guère développé.
La guerre se trouverait donc appartenir à un domaine juridiquement peu
balisé qui ferait contraste avec les différents ordres civiques.
De fait, en Grèce archaïque et classique les engagements internationaux
semblent avoir revêtu un caractère à la fois minimal et souple6. Le traité de
paix avait pour élément essentiel la clause de non-agression qui se bornait à
interdire l'invasion du territoire de l'autre partie contractante et la forme
dominante de contrat de gré à gré, la συμμαχία, était d'abord une alliance
défensive prévoyant le même type d'agression. Il s'ensuit que ni un traité de
paix ni une alliance n'interdisaient de favoriser l'adversaire (έπιμαχία) de
l'autre partie contractante, du moment que soi-même on n'envahissait pas le
territoire de cette dernière. De la clause d'engagement à avoir les mêmes
amis et les mêmes ennemis7, qui pourrait faire objection à une telle analyse,
on ne saurait dire avec certitude qu'elle caractérise une alliance offensive
autant que défensive, car elle peut aussi bien renvoyer à l'engagement de
renoncer au droit d'èjti^axia8 qu'à celui de ne pas faire de paix séparée9.
Mais il y a plus. La συμμαχία, elle-même, désigne également un contrat
inégal selon lequel une cité transfère sa souveraineté à une autre, à la suite
d'un accord de capitulation antérieur (ομολογία)10. C'est ainsi, résume Elie
Bikerman11, que du temps de son hégémonie, "la συμμαχία d'Athènes
comprenait trois classes de cités. D'abord les alliés originels de 478/477 et
les cités assimilées, lesquels étaient liés par un engagement à perpétuité.
Ensuite les cités conquises (ou les anciens alliés vaincus après sécession) qui
s'étaient rendues aux Athéniens. Troisièmement les cités liées aux Athéniens
par des alliances de collaboration militaire temporaires12".
Plutôt qu'un ensemble important de contrats internationaux, régnent, hors
4. "Le domaine du droit est intérieur à chaque cité", J.-P. Vernant, Problèmes de la
guerre, p. 22.
5. H. H. Schmitt, "Forme délia vita interstatale nell' antichità", Critica storica, 1988, 4,
pp. 529-546.
6. Voir E. Bikerman, "Remarques sur le droit des gens dans la Grèce classique", Rev.
Intern. Droit Ant., III, 4, 1950, pp. 99- 127!
7. i.G. 1, 90 (Tod, 68) S.E.G. III, 14 ou Thucydide, 1, 44, II, 70, 6 etc.
8. 1.G. I, 90 68).
9. Traité des Athéniens et des Ioniens (478/7).
10. Xenophon, Helléniques, V, 4, 1 1.
11. Art. cit. supra.
12. Égeste en 458/7, Léontinion et Rhégion 433/2 etc. CITÉ, "L'OIKOUMÈNE" ET LA GUERRE 1 73 LA
des cités, des normes communes. Ce sont, d'une part, les principes des pères
(τα πάτρια), et les lois et usages des Grecs (οί Ελλήνων νόμοι, τα κοινά
των Ελλήνων νόμιμα) dont parle Thucydide, les lois de la guerre (οί τοΰ
πολέμου νόμοι) ou les droits des hommes (δίκαια των ανθρώπων) dont
parle Polybe, autant de règles, considérées comme inscrites dans la
conscience commune, qui touchent essentiellement au respect religieux des
trêves, des sanctuaires, des morts et au traitement des prisonniers. Ce sont,
d'autre part, les procédures de déclaration des hostilités, et parfois de
déroulement des combats, dans lesquelles semblent subsister les fortes
parentés qui, à un stade antérieur (dont on trouve trace dans les poèmes
homériques), unissaient les jeux, les affrontements guerriers et les procé
dures d'une justice ordalique13. Les règles de la guerre dite "agonale", très
vite mises à mal, peut-être par les guerres contre les Barbares dès le début
du Ve siècle14, en tout cas par la guerre du Péloponnèse15, mais qui demeur
ent encore un modèle de référence au moment où écrit Polybe16, semblent,
en effet, relever de ce substrat religieux et social commun où les jeux,
comme les combats, servent à manifester les arrêts d'une justice diffuse,
garante du bon ordre du monde. Mais, même les procédures de ce que
Virgilio Ilari17 appelle la guerre de type "stratégico-diplomatique" qui aurait
pris progressivement le pas sur la guerre agonale et dans lesquelles on se
préoccupe moins du jus in bello (type d'armes, modalités du combat, prohi-
13. C'est ainsi que nous croyons pouvoir lire les pages 21 et 22 de l'introduction que J.-
P. Vernant a faite aux Problèmes de la guerre en Grèce ancienne, op.cit. supra. Pour la
mise en évidence de ces parentés, voir L. Gernet, "Jeux et droit", Revue historique de
droit français et étranger 1948, pp. 177-188.
14. Pour l'exception que constitue la bataille de Marathon, voir P. Vidal-Naquet, "La
tradition de l'hoplite athénien", Problèmes de la guerre, pp. 167 sqq., repris dans Le
chasseur noir., Paris, 1981, pp. 125-149. Sur la bataille de Marathon comme objet d'une
élaboration idéologique, voir N. Loraux, "Marathon ou l'histoire idéologique", Revue des
études anciennes, 75, 1973, pp. 13-42. Pour les manquements au code agonal, voir V. Ilari,
Guerra e diritto nel mondo antico, Milano, 1980, pp. 61-62; 92-94 et, d'une manière
générale, pour la comparaison des conduites guerrières des Grecs et des Barbares, R.
Lonis, Les usages de la guerre entre Grecs et Barbares,

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