La conception du pouvoir selon la Constitution du 4 octobre 1958 - article ; n°1 ; vol.9, pg 87-100
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Description

Revue française de science politique - Année 1959 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 87-100
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1959
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Georges Burdeau
La conception du pouvoir selon la Constitution du 4 octobre
1958
In: Revue française de science politique, 9e année, n°1, 1959. pp. 87-100.
Citer ce document / Cite this document :
Burdeau Georges. La conception du pouvoir selon la Constitution du 4 octobre 1958. In: Revue française de science politique,
9e année, n°1, 1959. pp. 87-100.
doi : 10.3406/rfsp.1959.402985
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1959_num_9_1_402985La Conception du Pouvoir
selon la Constitution Française
du 4 Octobre 1958
GEORGES BURDEAU
SUR la nature DES ÉVÉNEMENTS qui ont affecté la vie politique
française au mois de mai 1958, les exégètes n'ont pas fini
de discuter. Les historiens futurs seront sans doute moins
hésitants puisque, connaissant « la suite », ils pourront éclairer, par
elle, le sens des manifestations d'Alger et du désarroi de Paris.
Nous saurons alors si nous avons vécu une révolution ou une
émeute, si nous fûmes les témoins d'un pronunciamento ou d'un
réveil de la conscience nationale.
Dans l'immédiat, la seule affirmation qu'autorise l'observation
objective, c'est que le changement de régime se traduit exclusive
ment par une modification des techniques gouvernementales. Ni la
philosophie sociale ni l'idéologie politique antérieures n'ont été
atteintes. De cette continuité, le préambule de la Constitution
apporte un témoignage officiel en confirmant tous ensemble les
principes de 1789 et ceux de 1946.
Est-ce à dire, cependant, que seuls paraissent avoir été mis en
cause les mécanismes constitutionnels, que par son vote du 28 sep
tembre le peuple français n'a fait que sanctionner une revision, plus
générale peut-être mais de même nature que celles entreprises dans
les dernières années de la IVe République, et que le Parlement fut
incapable de conduire à leur terme ?
Répondre affirmativement ce serait rendre inexplicables les
réactions qu'a suscitées la Constitution alors qu'elle n'était encore
87 Georges Burdeau
qu'un projet gouvernemental ; ce serait aussi, et surtout, méconn
aître l'originalité profonde qui interdit de la placer, en l'affectant
seulement d'un numéro d'ordre, dans le lourd dossier des textes qui
jalonnent notre histoire constitutionnelle.
La Constitution de 1958 est peut-être « le texte le plus mal
rédigé de notre histoire constitutionnelle » 1 ; c'est en tout cas une
Constitution hors série. Et cette qualité, elle ne la doit pas à la
nouveauté des organes qu'elle établit ou à son habileté à agencer
les rouages gouvernementaux. Elle la doit à ce qui est l'essence
même d'une Constitution, c'est-à-dire à la conception du pouvoir
qu'elle met en œuvre.
Habituée à ne se voir offrir que des formules stéréotypées, la
théorie politique ne saurait laisser échapper l'occasion d'analyser un
texte où se révèle une pensée à ce point novatrice. Aussi bien,
pour théorique qu'elle soit, l'analyse, si elle est exacte, ne manquera
pas de situer dans leur véritable éclairage les dispositions techni
ques qui, sans elle, risqueraient d'être mal comprises. Elle per
mettra également d'évaluer les chances de durée de la Constitution
car il paraît indubitable que son avenir est lié aux possibilités d'en
racinement que la conception du pouvoir qu'elle adopte rencontrera
dans l'esprit politique des Français. Un peuple peut vivre selon
des institutions qu'il méprise — l'expérience l'a prouvé — mais non
sous un pouvoir qu'il considère comme lui étant étranger.
Le trait essentiel de la Constitution de 1958 réside dans le rétabli
ssement de l'Etat au rang des forces animatrices de la vie politique.
Cet Etat qu'un demi-siècle d'hégémonie parlementaire avait relégué
parmi les abstractions tout juste bonnes à peupler les méditations
de quelques théoriciens attardés, nous le voyons soudain repar
aître, non plus comme un symbole ou une allégorie, mais comme
une puissance armée pour l'action. Légitimé par le referendum, doté
d'un organe, — le président de la République, — assuré de faire
efficacement valoir ses exigences grâce aux prérogatives dont il
dispose défini enfin par son assise nationale et par son rôle de
1. R. Capitant, préface à L. Hamon, De Gaulle dans la République, 1948,
p. xiv.
88 La Conception du Pouvoir
mainteneur de la cohésion et de la grandeur française, l'Etat est
un pouvoir.
Cette restauration de l'Etat est déjà, par elle-même, originale
si l'on songe qu'il avait pratiquement disparu de la compétition des
forces politiques. Toutefois l'histoire récente nous a appris que la
neutralité du concept d'Etat peut servir d'alibi à des puissances
équivoques. Or ce qui distingue la Constitution de 1958 c'est
qu'elle conçoit le pouvoir d'Etat, non comme l'instrument d'un
homme ou d'un parti, mais comme l'énergie de la nation entière.
Et cela, qui nous ramène aux grandes journées de 1791, c'est, du
moins pour l'époque contemporaine, de l'inédit. Mais ce n'est pas
tout. En même temps qu'elle aménage les institutions pour y intro
duire le pouvoir étatique, la Constitution maintient le pouvoir popul
aire. Instruite par l'expérience, elle exclut la fiction selon laquelle
une pluralité de pouvoirs partisans pourraient engendrer un pouvoir
d'Etat unique. Seulement elle se refuse à prendre prétexte de cette
impuissance pour éliminer le pouvoir populaire inséparable aujour
d'hui de l'existence des partis. Entre le pouvoir d'Etat et le pou
voir du peuple, elle ne choisit pas : elle les consacre l'un et l'autre.
Elle tend à réconcilier l'autorité avec la démocratie : l'autorité
indispensable pour que la démocratie ne se dissolve pas dans
l'aveuglement des intérêts ou la rivalité des factions ; la démocratie
non moins nécessaire pour que l'autorité demeure légitime.
Sous les régimes antérieurs l'hypertrophie du pouvoir populaire
(hypertrophie dont les assemblées et les partis, plus que le peuple
lui-même, étaient responsables) avait abouti à l'élimination du pou
voir d'Etat. Dans les système dictatoriaux du type espagnol ou
portugais, le pouvoir d'Etat ne s'affirme que par le mutisme imposé
au pouvoir du peuple. La Constitution de 1958 échappe au dilemme
en faisant, à chacun des deux pouvoirs, sa place selon une hié
rarchie qu'elle définit elle-même.
Elle organise l'exercice de la fonction politique sur deux plans :
l'un où se révèle le pouvoir d'Etat, l'autre où intervient le pouvoir
démocratique.
Le premier c'est le plan des options irréversibles, celui où se
décide l'avenir de la collectivité. C'est le plan où, tel le 1 8 juin,
s'inscrivent les dates fatidiques ; celui où il ne s'agit plus de trouver
89 Burdeau Georges
des solutions de compromis pour concilier au jour le jour des inté
rêts contradictoires, mais de statuer durablement pour la nation
entière. Bref, c'est le plan où se situe l'histoire et, dans l'histoire,
le destin de la France.
Au plan du pouvoir démocratique se déroule la vie quotidienne.
Alors les intérêts s'affrontent ; classes et familles spirituelles font
entendre leurs exigences ; les partis élaborent les programmes, enca
drent les forces, accusent les antagonismes de telle sorte que, sur
les problèmes de l'heure, la volonté populaire puisse se prononcer.
Par le processus démocratique, la collectivité s'affirme dans sa réal
ité bigarrée et ses soucis de tous les jours, mais non pas dans
cette unité et cette abnégation que l'Histoire exige des peuples qui
la font.
Mais alors, dira-t-on, en consacrant ces deux pouvoirs, la Const
itution n'introduit-elle pas, dans son assise même, l'éventualité de
leurs conflits ? Il n'y a pas place pour deux maîtres dans la maison
et, plus que tout autre, l'édifice constitutionnel exige l'unité de
style, l'homogénéité de la source d'où procède l'énergie animat
rice des institutions. Si encore il ne s'agi

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