La course : romantisme, exutoire social, réalité économique. Essai de méthodologie - article ; n°2 ; vol.78, pg 307-344
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Annales de Bretagne - Année 1971 - Volume 78 - Numéro 2 - Pages 307-344
38 pages

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Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean Meyer
La course : romantisme, exutoire social, réalité économique.
Essai de méthodologie
In: Annales de Bretagne. Tome 78, numéro 2, 1971. pp. 307-344.
Citer ce document / Cite this document :
Meyer Jean. La course : romantisme, exutoire social, réalité économique. Essai de méthodologie. In: Annales de Bretagne.
Tome 78, numéro 2, 1971. pp. 307-344.
doi : 10.3406/abpo.1971.2561
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1971_num_78_2_2561JEAN MEYER
LA COURSE
ROMANTISME, EXUTOIRE SOCIAL, RÉALITÉ ÉCONOMIQUE
ESSAI DE MÉTHODOLOGIE
La course est, pour nos contemporains, sujet de choix.
Livres, romans, films, ouvrages d'érudition sont légion. Nos
siècles réputés rationnels se complaisent dans une cer
taine vulgate de l'évasion. Ce n'est pas une nouveauté. La
course, sa légende plutôt, son imaginaire exemplarité ont
séduit les générations du premier xvme siècle. Etrange
« refuge » intellectuel, faisant, en quelque sorte, partie du
subconscient collectif de l'Occident « moderne » ! L'étude
de la course, prolongée en cette perspective particulière,
serait matière à une recherche de psychologie collective
très révélatrice. Là n'est pas notre propos : il y faudrait
un volume. Quelques exemples suffiront ici.
Le début du xviii* siècle voit ileurir toute une littérature
de mémoires et de romans consacrés, il est vrai, tant à la
course qu'à la flibuste, voire à la piraterie (1). Parmi cet
amas, les mémoires de Duguay-Trouin et de Forbin domi
nent de très loin le lot (2). Toujours habile à voler au
secours du succès, Lesage narre les « aventures de M. Ro
bert Chevalierf, dit de Beauchêne » (3). Demi-échec à la
vérité, dont les raisons sont multiples, et qui ne nuit
guère au succès du genre (4). La Révolution elle-même en
(1) H. Deschamps, Pirates et flibustiers, Paris. 1952, p. 33-5:5 :
L. Buhnau, Histoire des pirates et des corsaires, Paris, 1965, etc.
(2) Les campagnes de Monsieur Duguay-Trouin, descrites et illustrées
pour servir à l'instruction des Jeunes Marins du Roy, Paris, 1725.
(3) A. Lesage, Les Aventures de M. Robert Chevalier, dit de Beau-
chêne, capitaine de flibustiers dans la Nouvelle-France, Paris, 1732.
(4) R. I,ai;fi:h, Lesage ou le métier de romancier, Paris, 1971, p. 389-
394. Sur le « marché » du livre de cette époque, cf. R. Laufeh, op. cit ,
p. 111-131 : la situation des hommes de lettres au tournant du xvii" n* .'Jt»8 LA COURSE
fera (nécessité fait loi) l'un de ses thèmes favori de pro
pagande, au point d'annexer — étrange tour de force —
Jean Bart à sa collection de grands hommes (5). Sautons
l'espace de quelques siècles. La course est restée de mode,
même chez les historiens. Jean Bart, à défaut de mémoires,
a trouvé son biographe (6). Dans le domaine de l'histoire
« quantitative », les recherches se sont multipliées, même
en Bretagne (7). Ainsi, la masse de la documentation dispo
nible ne cesse de s'accroître. Il parait donc possible de
dresser un constat provisoire, d'esquisser un premier bilan,
à la fois de l'acquis et de ce qui reste à faire, de cerner les
zones de lumière, de jalonner celles d'obscurité. Par la
même, — et c'est le but de toute synthèse, si provisoire
fût-elle — il devient possible de préciser la méthodologie,
d'en mesurer l'efficacité.
Distinguons d'abord les époques. L'apogée de la course
se situe au cours de la dernière décennie du xvne siècle,
pendant les guerres de la fin du règne de Louis XIV. Après
1715, elle décline. Son rôle, sans être tout à fait négligeable,
devient secondaire, tant pendant la guerre de la succession
d'Autriche, que pendant celles de sept Ans ou de la guerre
d'indépendance américaine, pour ne pas parler des guerres
de la Révolution et de l'Empire. Elle disparait quasiment au
xixe siècle (8). Avant 1680, elle reste très mal connue. De la
fin du Moyen-Age au milieu du xvne siècle s'étend la lon
gue « préhistoire » de la course, où flibuste, course et pira
terie se superposent. Elles sont, à ce moment, spécialité des
du xvme siècle. L'analyse qualitative de cette période peu connue est
excellente, mais il nous manque encore l'analyse quantitative.
(5) Cf. en particulier l'intitulé donné par le célèbre Père Duchesne
à son journal : « Et je m'en fouts... sorti des presses de l'imprimerie
de Jean Bart, qui n'est pas un jean-foutre, non », etc.
(6) A. dk Wismes, Jean-Bart et la yuerre de course, Paris. 1965 (collec
tion Archives).
(7) En particulier sur Saint-Malo, dans le cadre des recherches col
lectives menées sous la direction de J. Dclumeau.
(8) La guerre de course menée pendant la première guerre mondiale
pas la marine allemande est exclusivement une affaire d'Etat, et n'r.
donc pratiquement pas de rapports avec la course d'ancien régime,
affaire à la fois privée et étatique. LA COURSE .'509
Méditerranée* européennes et américaines (9). Trois pério
des donc, et qui s'entrecroisent, car flibuste et piraterie
connaissent , elles aussi, leur apogée entre 1680 et 1720.
Mais, à ce moment ,1a séparation des trois catégories est
faite, du moins sur le plan du droit international. Il existe
une législation précise qui n'est pas toujours respectée,
tant s'en faut. Du moins les Etats ont-ils pris la course à
leur compte (10).
Il ne peut, évidemment, être question de traiter ici ces
trois périodes : on se bornera à esquisser la problématique
des années 1680-1720, quitte à rappeler les traits essentiels
des deux autres époques.
Débarrassons-nous, tout d'abord, du faux romantisme de
la course. Elle est, avant tout, affaire commerciale, affaire
nationale ensuite. Laissons la parole à Duguay-Trouin.
Evoquant les gains réalisés dans l'entreprise dirigée en
1712 contre Rio-de-Janeiro, les chiffrant, tout amortisse
ment effectué, à un bénéfice de 92 % — qui eussent pu se
monter ,si latempête ne s'en était mêlée, à 200 % — , ce en
moins d'une année — il termine son ouvrage par la remar
que suivante : « les avantages que le succès de cette entre
prise procura à un assez grand nombre de particuliers qui
s'y trouvèrent intéressés, ainsi qu'à ceux qui composaient
les équipages de ces vaisseaux paraîtrons petits en compa-
(!)) Cf. notre article « Corsaires », in Encyclopaedia Universalis,
t. IV, p. 1053 (Paris, 1970). Sur la course méditerranéenne, F. Braidel,
La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II,
2" édition. Paris, 1967 ; A. Tenenti, Naufrages, corsaires et assurances
maritimes à Venise (1502-1600), Paris, 1962 ; H. et P. Chaunu, Séoille
et l'Atlantique (150U-1650), t. VI, vol II, tables statistiques, Paris-
Genève, 1957 ; en langue anglaise : G. F. Dow and J.H. Edmonds. TIuï
pirates of the New Engtand coast, 1630-1730, Salem, Mass., 1923 ;
P.K. Kkmp and C. Lloyd, The hrethren of the coast : the Britisch and
French buccaneers in the South Seas, 1960, etc.
(10) Commode résumé dans le Traité des prises maritimes (Pardessus,
Lois maritimes, t. V, Paris, 1855).
Parmi les ouvrages généraux, relevons en outre : P. Gossk, Histoire
de la piraterie, Paris, 1933 ; H. Malo, Les corsaires dunkerquois et
Jean-Iiurt, 1662-1702, Paris, 1914 ; du même auteur : La grande guerre
des corsaires : Dunkerque, 1702-1715, Paris, 1925 ; .1. Thousset, Histoire
illustrée des pirates, corsaires, flibustiers, forbans, etc., dans tous l?<
temps et dans tous les pays, Paris, Librairie illustrée, 1880 ; L. Vignols,
Un produit social de la guerre : flibuste et boucane (XVI«-XVIHC siècle),
Paris. 1928, etc. olO LA COURSE
raison du dommage que les Portugais en souffrirent,... par
la perte de 4 vaisseaux et de 2 frégates de guerre, et de
plus de de 60 marchands ; sans compter une
quantité prodigeuse de marchandises qui furent brûlées.
D'ailleurs le seul bruit de cet armement causa une grande
diversion et beaucoup de dépenses aux Anglais et aux
Hollandais. Ces premiers mirent d'abord en mer une escadre
d'une vingtaine de vaisseaux de guerre... et les uns et les
autres dépêchèrent nombr

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