La création, l art et l original - article ; n°1 ; vol.64, pg 55-76
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Description

Communications - Année 1997 - Volume 64 - Numéro 1 - Pages 55-76
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mr Olivier Boulnois
La création, l'art et l'original
In: Communications, 64, 1997. pp. 55-76.
Citer ce document / Cite this document :
Boulnois Olivier. La création, l'art et l'original. In: Communications, 64, 1997. pp. 55-76.
doi : 10.3406/comm.1997.1972
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1997_num_64_1_1972Olivier Boulnois
La création, Fart et Poriginal
Implications esthétiques de la théologie médiévale
Plasticien ou poète, musicien ou designer, metteur en scène ou concep
teur de spectacles, il n'est point d'artiste qui ne réclame aujourd'hui le
statut de créateur. Mais que signifie cette revendication ? D'où vient cette
identification de l'artiste avec le créateur ? La notion de création renvoie
implicitement aux attributs divins. Cela signifie-t-il que l'artiste reven
dique pour siennes les prérogatives divines ? Ou, au contraire, que Dieu
est le premier artisan ? Est-ce l'artiste qui est pensé sur le modèle du
créateur, ou l'inverse ? Je voudrais m'interroger ici sur cette relation à
double sens, et montrer qu'elle ne va pas de soi, mais qu'elle est le résultat,
propre à la culture occidentale, d'un montage historique et conceptuel
qui interprète la production du monde par Dieu, puis projette sur l'homme
le concept de création ainsi obtenu.
Qu'est-ce que faire ? Qu'est-ce que la poiesis ? Une telle question nous
invite à nous interroger sur le statut anthropologique de l'art et à resituer
l'idéal de création dans la fabrique du soi occidental. Se dit créateur celui
qui entend faire une œuvre originale. Mais qu'est-ce qui est original ?
D'où viennent les formes F Nous retrouvons ici l'ambiguïté foncière du
concept d'original, qui signifie tantôt ce qui est neuf," tantôt le modèle sur
lequel calquer une reproduction : tantôt la forme inouïe, tantôt le modèle
originel. Le concept de création suppose une théorie du modèle, de l'ori
gine, de la nouveauté. Être créateur, est-ce produire une forme absolu
ment neuve, ou faire apparaître la forme essentielle, originelle, des êtres ?
Si être moderne désigne un idéal d'humanité sans présupposition, libre
de déterminer elle-même la forme de son action, de ses œuvres et de son
être, la notion de création artistique se dévoile comme un versant du
projet anthropologique de la modernité. L'homme moderne se veut sans
modèle, libéré de toutes les traditions, ouvert à toutes les innovations.
Dans le domaine esthétique, cette exigence s'exprime par le pathos de
l'artiste solitaire ou du poète maudit, rejetant les canons et les classi-
55 Olivier Boulnois
cismes, ironisant sur les stéréotypes, séparé de ses contemporains par la
singularité de son travail et la nouveauté incomprise de sa recherche, la
signant par des scandales et la signalant au public par le renouvellement
continu des avant-gardes. Pour l'artiste moderne, l'œuvre est individuelle,
inexplicable et inévitable. Elle a pour revers le stéréotype, la reproduction bref,'
le contrôle global de la industrielle, la propagande médiatique,
représentation, qui assoit d'autant plus sa domination qu'il se nourrit de
ses marges artistiques. Nous interroger sur le concept de création artisti
que, c'est ainsi, d'une certaine façon, entreprendre la généalogie du projet
moderne : analyser le statut anthropologique du faire et resituer l'idéal
de création dans la fabrique du soi occidental.
/. Création. ,
L'ambiguïté du concept d'original, entre essence originelle et nouveauté
absolue, provient du même de création dans son sens théologique,
comme origine absolue de toute chose. ,
Dans les trois monothéismes, le terme de « création » désigne la pro
duction du monde dans sa totalité (en sa matière comme dans la multip
licité de ses formes), par un acte divin de liberté, de toute-puissance,
qui fait de Dieu une origine absolue et du monde > une totalité qui en
provient. « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre i. » Le concept
de création n'est pourtant pas une idée propre au monothéisme, ni à la
religion d'Israël. Il existait dans le milieu oriental, en Egypte, en Méso
potamie et à Ugarit. Des récits de la création se trouvent également dans
toutes les cultures sans écriture 2. Ils appartiennent moins à l'ordre théo
rique qu'à l'action rituelle et à l'acte performatif. Le thème de la création,
dans les hymnes, prières et rites, qu'il prenne la forme de louanges du
créateur ou d'émerveillements devant la beauté de son ouvrage, assure
l'ordre et le sens du monde contre les destructions et les ravages. Dans
les cas de naissance difficile, la puissance du créateur est mobilisée pour
assurer une heureuse naissance3. Parler de la création n'est pas d'abord
une proposition théorique, mais une affirmation d'espoir devant les menac
es du monde. La création au commencement se relie immédiatement à
l'instant présent. L'origine n'est pas éloignée, nous sommes encore en
elle. « La main de Dieu ne s'est pas atrophiée », dit un psaume. Les
mythes connaissent plusieurs formes de création : comme résultat d'une
bataille, par l'engendrement, par le modelage, par la parole. Dans cette
dernière version, attestée par des traditions égyptiennes et par la Bible,
l'agir divin est sublimé, tandis qu'est souligné son caractère miraculeux,
exceptionnel, séparé de l'action humaine.
56 La création, l'art et l'original
La création de l'homme semble avoir fait partie depuis toujours des
croyances des Israélites, mais l'idée de création du monde s'est développée
tardivement, à partir de l'époque des Rois. Elle reflète sur le plan cosmi
que l'intervention de , Yahvé dans l'histoire. Les Israélites avaient
conscience de partager l'idée de création avec d'autres peuples et retrou
vaient dans les religions polythéistes un aspect de leur propre Dieu. Mais
le propre de la religion d'Israël est de considérer le Dieu unique comme
le Sauveur d'Israël et l'auteur de l'alliance avec son peuple. La singularité
de Yahvé exclut la création par plusieurs dieux, ou comme résultat d'un
conflit entre eux. Le créateur ne fait pas partie de sa création, mais il en
est séparé par sa sainteté absolue. Etant absolument indépendant, il pro
duit sans matière préexistante, à partir de rien (ex nihilo) 4. Dieu seul a
cette prérogative, la finitude de l'homme se caractérisant par le besoin
d'une matière préalable et donc par son incapacité à créer ex nihilo. Mais,
contrairement à ce que laissent croire certaines analyses rapides, . cette
séparation n'est pas un éloignement. En devenant l'Autre, extérieur au
monde, Dieu se fait plus proche : il n'est plus une puissance parmi
d'autres, capable d'influence, mais pris dans une totalité qu'il ne maîtrise
pas et où il faut savoir l'atteindre ; sa puissance n'est pas limitée, il peut
agir au plus intime de la nature et de l'homme. Il a prise sur la totalité
du monde, dont il dirige chaque événement comme il en contrôle les
grandes articulations ; il peut se rendre présent à chacun, à chaque ins
tant, sans délai. La séparation est en fait une relation intime qui s'établit
entre Dieu et chaque homme. En produisant un monde bon, Dieu est le
partenaire de sa créature : les aspects négatifs de celle-ci ne viennent pas
de Dieu mais sont une conséquence de la faute humaine. Ainsi, la nature
et l'histoire forment un seul monde soumis à Dieu. L'activité créatrice de
Dieu est le modèle de tout travail humain : le septième jour, destiné au
repos et consacré à Dieu, donne à la vie de l'homme un rythme sacré.
Il serait insuffisant de voir déjà dans cette révélation biblique le concept
médiéval. de création avec tous ses développements métaphysiques.. Il a
encore fallu une longue période d'incubation spéculative. En même temps
que s'accentuait l'idée de principe, la spéculation philosophique et théo
logique approfondissait l'idée . d'une rationalité de , l

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