La criminalité militaire à Paris au XVIIIe siècle - article ; n°3 ; vol.88, pg 327-345
20 pages
Français

La criminalité militaire à Paris au XVIIIe siècle - article ; n°3 ; vol.88, pg 327-345

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
20 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest - Année 1981 - Volume 88 - Numéro 3 - Pages 327-345
19 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Chagniot
La criminalité militaire à Paris au XVIIIe siècle
In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 88, numéro 3, 1981. Criminalité et répression (XIVeXIXe
siècles). pp. 327-345.
Citer ce document / Cite this document :
Chagniot Jean. La criminalité militaire à Paris au XVIIIe siècle. In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 88,
numéro 3, 1981. Criminalité et répression (XIVeXIXe siècles). pp. 327-345.
doi : 10.3406/abpo.1981.3054
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1981_num_88_3_3054LA CRIMINALITÉ MILITAIRE
A PARIS AU XVIIIe SIÈCLE
par Jean CHAGNIOT
L'époque classique a donné deux explications successives de la
criminalité parisienne, qui sont loin de s'accorder entre elles. Vers
1640, les responsables de la police considéraient que la sécurité quoti
dienne des gens et des biens était menacée à Paris par les soldats
et par les domestiques. Forts du crédit de leurs officiers ou de leur
maître, ils étaient à peu près assurés de l'impunité ; s'ils quittaient
l'uniforme ou la livrée, ils devenaient des marginaux rompus au ma
niement des armes. Le lieutenant civil du Châtelet proposa ainsi en
1634 une interprétation sociologique des crimes et délits commis dans
la capitale : les coupables ne pouvaient être, selon lui, que les soldats
aux Gardes, les valets de chambre chassés par leur maître ou de
« grands croquants », domestiques de grandes maisons. Même point
de vue dans un écrit anonyme de 1643 : les meurtres et les vols étaient
commis par les
« soldats des régiments des Gardes, les cavaliers venant de leurs
garnisons, les pages et les laquais » (1).
Les choses paraissent avoir bien changé dans la seconde moitié du
XVIIP siècle. Le danger provient désormais des vagabonds indigents,
sans aveu surtout, puisque personne ne s'en porte garant. Les domest
iques ne volent plus guère que leur maître, peu enclin à les dénoncer ;
quant aux soldats, la discipline militaire est parvenue à les encadrer.
Elle ne se fonde plus sur un lien d'homme à homme, mais sur l'i
nsertion dans un corps, l'armée, soumis à des lois. D'après un sondage
effectué les dossiers criminels du Châtelet de 1755 à 1785, moins
de 3 % des inculpés seraient des militaires (2). Moufle d'Angerville
écrit en 1786, avec tout juste une pointe d'exagération :
(1) Mémoires d'Orner Talon, éd. Michaud et Poujoulat, XXX, p. 32 ; Mémoire pour
Sa Majesté pour remédier aux vols et assassinats qui se commettent de nuit dans la
ville de Paris, Bibl. de l'Institut, fonds Godefroy 514, fol. 202.
(2) P. Petrovitch, « Recherches sur la criminalité à Paris dans la seconde moitié
du XVIIP siècle», in Cahiers des Annales, n° 33, p. 187 à 261. 328 ANNALES DE BRETAGNE
« II est certain que les soldats du Régiment des Gardes sont
aujourd'hui tenus sévèrement comme des Séminaristes ; ce qui
est excellent pour la sûreté et la tranquillité de Paris » (3).
A dire vrai, l'évolution est à la fois prouvée et inchiffrable. Tout
effort pour mesurer l'importance relative de la criminalité militaire à
Paris à un moment donné du XVIIIe siècle, et à plus forte raison du
XVIIe, d'après les archives des juridictions ordinaires, est voué à l'échec.
Cinq facteurs au moins contribuent à la faire sous-estimer.
1°) Les affaires de contrebande, dans lesquelles les soldats se trou
vaient souvent impliqués, étaient de la compétence de l'Election et de
la Cour des Aides.
2°) Le développement des associations criminelles a motivé dans la
première moitié du siècle la désignation de commissaires par le Par
lement, qui était responsable de la grande police à Paris. Ni les
complices de Cartouche de 1720 à 1723, ni ceux de Raffiat de 1732
à 1742 ne furent jugés au Châtelet.
3°) Le Grand Juge du régiment des Gardes suisses et le prévôt
des Bandes aux Gardes françaises ont instruit de nombreux procès
criminels. Certes, les magistrats des tribunaux ordinaires ne reconnais
saient aux « juges naturels » des soldats qu'une compétence purement
militaire, limitée à la discipline, aux crimes et délits commis à l'inté
rieur des camps et des casernes. Mais, en pratique, les juges du
Châtelet et de l'Election se trouvaient dans l'incapacité d'engager la
procédure, toutes les fois que les militaires parvenaient à soustraire à
leur enquête, sur la voie publique, les cadavres, les blessés et les
coupables. L'issue du conflit juridictionnel dépendait du rapport de
forces entre civils et militaires et de leur rapidité d'intervention (4).
Les Gardes françaises remportèrent d'ailleurs une grande victoire sur
le lieutenant criminel du Châtelet quand, malgré l'avis du procureur
général Joly de Fleury, le conseil d'Etat arrêta, le 24 septembre 1718,
que le conseil de guerre devait seul juger les crimes et délits dé soldat
à soldat dans le régiment des Gardes (5).
4°) Quand il n'y avait pas mort d'homme, on s'habitua, aux Gardes
françaises du moins, à éliminer le soldat convaincu de vol, de fraude
ou de violence, en le mettant à Bicêtre avant de le faire passer aux
Iles. Le plus souvent, le major du régiment et le lieutenant général de
police prenaient en commun une décision proprement arbitraire, puisque
la nature et la durée de la peine étaient le fruit d'un compromis entre
eux deux. Quatre soldats, qui avaient volé ou commis des escroqueries
à l'égard de marchands parisiens, furent ainsi internés à Bicêtre en
1785, avant que leur procès ne fût instruit au Châtelet (6). Parfois aussi,
(3) Mémoires secrets..., XXXIII, p. 123-124, le 20 octobre 1786.
(4) Par exemple les Gardes françaises en février 1730, B.N., Ms. Joly de Fleury
249 (2476) ; les Gardes suisses en octobre 1754, ibid., 315 (3442).
(5) Arch. Nat,, E 2000, fol. 220-221 ; B.N., Ms. Joly de, Fleury 7 (45).
(6)Guerre, Ya 273, lettres du 31 mai et du 30 novembre 1785. ANNALES DE BRETAGNE 329
l'état-major prenait seul la responsabilité de châtier les coupables. En
janvier 1789, des soldats aux Gardes passèrent de Feau-de-vie en fraude.
Le major informa les fermiers généraux qu'il
« en a été fait sur le champ l'exemple le plus sévère et le plus
propre à réformer de pareils abus... Il en sera usé de même
toutes les fois que des soldats du régiment seront arrêtés en
flagrant délit et que MM. les fermiers généraux voudront bien
s'en rapporter à la justice du corps » (7).
5°) Dans les procédures et les arrêts du Châtelet et du Parlement,
la condition militaire des inculpés peut n'être pas déclarée. Outre les
déserteurs non repérés, qui n'avaient aucun intérêt à aggraver leur cas
en se découvrant, de nombreux « semestriers » des régiments tenant
garnison en province venaient travailler à Paris pendant leurs congés ;
or, leur métier, toujours indiqué, les caractérisait mieux que leur qual
ité de soldat, parfois notée, parfois omise. Enfin et surtout, les deux
régiments des Gardes, à cause de leur rôle particulier à Paris et auprès
du roi, devaient préserver leur réputation. Aussi les magistrats furent-
ils invités, de plus en plus régulièrement, à passer sous silence le fait
qu'un criminel était un garde-française ou un garde-suisse. Le 2 août
1774, le major des Gardes françaises rappela, à l'adresse du nouveau
lieutenant criminel, cette règle suivie par ses prédécesseurs :
« Je dois vous observer, Monsieur, que cela s'est toujours pratiqué
quand il s'est trouvé malheureusement de telles affaires, et vous
en sentez la conséquence » (8).
On prenait en outre la précaution de rayer les soldats des contrôles,
avant que ne commence l'instruction de leur procès.
L'importance relative de la criminalité militaire à Paris au XVIÏF
siècle ne saurait être évaluée, répétons-le. Il convient d'ailleurs de la
circonscrire, avant d'en analyser les facteurs et les manifestations, tous
les crimes et délits commis par des officiers ou par des soldats n'étant
pas

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents