La famille maternelle de Renan - article ; n°2 ; vol.53, pg 28-74
48 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La famille maternelle de Renan - article ; n°2 ; vol.53, pg 28-74

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
48 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Annales de Bretagne - Année 1946 - Volume 53 - Numéro 2 - Pages 28-74
47 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1946
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Léon Dubreuil
La famille maternelle de Renan
In: Annales de Bretagne. Tome 53, numéro 2, 1946. pp. 28-74.
Citer ce document / Cite this document :
Dubreuil Léon. La famille maternelle de Renan. In: Annales de Bretagne. Tome 53, numéro 2, 1946. pp. 28-74.
doi : 10.3406/abpo.1946.1840
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1946_num_53_2_1840.
,
Léon DUBREUIL
LA FAMILLE MATERNELLE
DE RENAN
Lannion.
Située sur le Léguer à sept kilomètres de la mer, à l'endroit où
cesse le flot de marée, Lannion, berceau de la presque totalité
de la famille maternelle d'Ernest Renan, a des origines plus
obscures que Tréguier. Il existe pourtant entre les deux cités
un singulier parallélisme : toutes les deux sont établies au fond
d'un estuaire; toutes les deux ont pour fondateurs des saints
venus peut-être l'un et l'autre de l'île de Bretagne. Mais alors
que saint Tugdual a retenu l'attention des légendaires, saint
Iudon est perdu dans la masse de ces saints éponymes dont le
nom seul est resté.
Ce Iudon est un saint que Renan ne dut pas connaître : il lui
eût inspiré quelques réflexions savoureuses. Il n'eût pas manqué
de faire appel, en sa faveur, de l'injustice des hommes à celle de
Dieu.
C'est le Léguer qui valut à Lannion, à diverses époques,
l'importance que l'histoire lui reconnaît. Ce fut une cité com
merçante qui eut des moments de prospérité; et c'est pour ce
motif que la famille maternelle d'Ernest Renan s'y établit et y
prospéra.
« Je ne pourrais en vérité, écrit-il à sa sur Henriette, le
15 décembre 1845, me résoudre à consacrer ma vie à des études
auxquelles on poserait un but aussi mince que celui de favoriser
quelques relations commerciales (1). » La phrase est piquante.
(1) Lettres intimes (Ed. Nelson), p. 264.LA FAMILLE MATERNELLE DE RENAN 29
On la rapproche involontairement de certains passages où il
module sa reconnaissance aux ancêtres inconnus, qui ont cons
titué le terreau sur lequel a pu croître et fleurir sa pensée souple
et nuancée (2). N'y a-t-il pas, chez lui, quelque ingratitude à
célébrer seulement des ancêtres qui, venus peut-être du Gla-
morgan, furent à l'origine de la lignée des ménagers et des
marins établis au pays de Goëllo? Car Alain et Philibert Renan,
son grand-père et son père, maître de barque ou capitaine au
long cours, étaient des marchands. Et les Féger, les Hamon,
les Heude, les Gautier, les Le Gaffric et même les Cadillan,
nobles hommes, sieurs de quelque chose ou de rien, étaient à peu
près tous capitaines de commerce ou « honorables marchands »,
dont la prospérité, tout en leur permettant de bien élever des
familles souvent nombreuses, contribuèrent pour une certaine
part à la prospérité générale de Lannion.
C'est le plus souvent dans l'église de Saint-Jean-du-Baly
que les nombreux ancêtres maternels de Renan furent baptisés,
mariés et honorés, à leur mort, de prières et de chants liturgiques.
...Il n'a pas manqué d'opposer Lannion à Tréguier, celle-ci la
ville de l'âme, celle-là la cité des contingences terrestres. Chaque
fois le morceau est joli, car il aime se bercer aux antithèses.
Bien des atténuations devraient être apportées aux volets de ce
diptyque. Il y eut des moments où Tréguier fut, elle aussi, une
cité commerçante avide des biens matériels. Les événements de
la Ligue brisèrent son essor. Lannion, qui eut également à en
souffrir, se redressa assez vite et connut au xvne et au xvine siè
cle, une ère de prospérité.
Ce n'est pas à dire que les préoccupations religieuses aient été
indifférentes aux Lannionnais. On y a vu se multiplier les
fondations pieuses. Elles y furent presque aussi nombreuses qu'à
Tréguier. Alors on adjoint à la chapelle Sainte-Anne, où Henriette
Renan aimait à prier, l'Hôtel-Dieu que desservent les surs de
la Miséricorde; alors est créée la communauté des Ursulines pour
(2) Essais de morale et de critique (Introd., p. XVIII).
(3) Adolphe Gun-LOtr, Essai historique sur Tréguier, p. 41. LA FAMILLE MATERNELLE DE RENAN 30
donner l'enseignement aux filles de la noblesse et de la bourgeoisie
judiciaire et mercantile. La grand'mère de Renan y sera instruite.
Il n'est pas moins vrai que, à Lannion, c'est le caractère civil
qui l'emporte.
A la fin du xvme siècle, la ville compte environ 3.000 habi
tants (4). Sa prospérité est due surtout au commerce et à l'arme
ment. Des bateaux remontent fréquemment la rivière et
s'échouent dans les vases près du pont de Sainte-Anne. Mais le
duc d'Aiguillon est nommé commandant pour le roi en Bretagne.
Ce que Lannion lui devra surtout, c'est le quai auquel la municip
alité a donné son nom, c'est l'Allée Verte, où la mère de Renan
viendra cacher sa misère en 1828, c'est aussi la construction de
la route qui conduit à Perros-Guirec.
Il est sûr que les Féger, les Cadillan et les Cugneau dont nous
aurons à parler dans la suite, ont été très sensibles à ces
facilités.
Aux marées de vives eaux, le port peut recevoir des bateaux
de 450 tonneaux, jauge d'ailleurs exceptionnelle. Le « Saint-Yves-
de-Tréguier » que Joseph Féger, le grand-père de Renan, conduira
à Marseille en avril 1784, passe pour un des plus forts de ceux
qui y abordent. Il est de 90 tonneaux (5). Ce sont le plus souvent
de grandes barques qui remontent la rivière après avoir caboté
le long des côtes. Il en passait cependant en Angleterre et même
en Belgique et en Hollande, plus rarement à Hambourg.
Parmi les denrées que le port recevait, il faut citer, outre la
houille d'Angleterre et les bois du Nord livrés dans les ports dés
Pays-Bas, les épiceries, les vins et les eaux-de-vie. Quelques
maisons du Bordelais avaient, à Lannion comme à Morlaix, des
courtiers ou des dépositaires. Les exportations consistaient
surtout en orge et en chanvre ayant subi les premières opérations
du rouissage et du teillage.
Bref, cette activité commerciale donnait aux bourgeois
lannionnais une ouverture d'esprit qu'on ne trouvait pas dans
les villes de l'intérieur. L'aisance y avait généralisé la bonne
(4) Cf. Henri Sée, Etudes sur la vie économique en Bretagne, 1772. an III.
(5) Cahier des Congés délivrés par le port de Lannion en 1784, (Arch. nat. G 5. 1 163). FAMILLE MATERNELLE DE RENAN 31 LA
humeur. Ce n'est pas sans de sérieuses raisons que Renan vieilli
regrettait des habitudes d'être et de penser dont il avait eu un
aperçu dans son enfance. « Lannion, dira-t-il en effet, me rappelle
des souvenirs de jeunesse, des souvenirs délicieux, le Lannion de
la vieille école surtout, avec ses rues étroites, la bonne humeur
de ses gens, cette placidité de vie qui en faisait. une petite cité
du moyen-âge (6). »
Aujourd'hui la petite ville est bien défigurée, mais il y reste
encore assez du passé pour qu'on puisse, par la pensée, en tenter
la reconstitution. Bornons-nous à rappeler que c'est sur la place
du Miroir (7) et aux alentours que se concentrait presque toute
son activité commerciale.
* * *
Les Féger.
Renan se plaisait à expliquer les contradictions de sa nature
par des considérations ethniques qu'il ne faut pas toujours
prendre très au sérieux. N'aventura-t-il pas une fois que sa
formule ethnique pourrait être « un Celte, mêlé de Gascon,
mâtiné de Lapon? (8) » Mais il était convaincu qu'il y avait
dans la famille de sa mère « des éléments de sang basque et
bordelais (9). » Et déjà a-t-il précisé : « Ma mère qui, par un côté,
était gasconne - (mon grand-père materne] était de Bor
deaux)... (10) »
René d'Ys, à la perspicacité duquel on doit ce livre précieux
Ernest Renan en Bretagne, a admis sans méfiance cette affirma
tion. Parlant de la mère de son personnage, il écrit : « Mlle Féger
appartenait à la bourgeoisie de Lannion. Son père, qui était
capitaine au long cours, était de Bordeaux, et s'était allié, à
Lanni

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents