La famille pasteurienne en observation : histoire et mémoire - article ; n°3 ; vol.20, pg 339-354

Sandra Legout

Description

Histoire, économie et société - Année 2001 - Volume 20 - Numéro 3 - Pages 339-354
Abstract The Pasteur Institute is one of those scientific organizations which exist as place of memory, moulding and shaping their own history. Those who work at The Pasteur Institute build up a past which is adapted to needs of successive scientific generations. Therefore, they confirm and legitimize their identity and the life of their Institute. The gap between Pasteurians mythical memory and their real History allows us to distinguish their originality. With this theme in mind comes an innovative look on the way Pasteuriens speak of themselves and of their scientific and prof essionnal experiences, based on a study of archives, from 1889 to 1914.
Résumé L'Institut Pasteur fait partie des institutions scientifiques dont la lecture s'apparente à celle d'un « lieu de mémoire » ; il génère une « autohistoire » constamment remodelable. Les pasteuriens se fabriquent un passé adapté aux attentes de générations scientifiques successives, affirmant et légitimant ainsi leur identité et la permanence de leur institution. C'est le décalage entre la mémoire mythique et l'histoire réelle des pasteuriens qui permet de dégager ce qui fait ou non leur originalité. De la sorte, un regard novateur est alors porté grâce à un travail d'archives (1889-1914), sur le discours que les pasteuriens entretiennent sur eux-mêmes en étudiant l'itinéraire scientifique et professionnel des locuteurs.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: HISTOIRE-_ECONOMIE_ET_SOCIETE
• Publié le: 01 janvier 2001
• Nombre de lectures: 26
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Sandra Legout
La famille pasteurienne en observation : histoire et mémoire
In: Histoire, économie et société. 2001, 20e année, n°3. pp. 339-354.
Résumé L'Institut Pasteur fait partie des institutions scientifiques dont la lecture s'apparente à celle d'un « lieu de mémoire » ; il
génère une « autohistoire » constamment remodelable. Les pasteuriens se fabriquent un passé adapté aux attentes de
générations scientifiques successives, affirmant et légitimant ainsi leur identité et la permanence de leur institution. C'est le
décalage entre la mémoire mythique et l'histoire réelle des pasteuriens qui permet de dégager ce qui fait ou non leur originalité.
De la sorte, un regard novateur est alors porté grâce à un travail d'archives (1889-1914), sur le discours que les pasteuriens
entretiennent sur eux-mêmes en étudiant l'itinéraire scientifique et professionnel des locuteurs.
Abstract The Pasteur Institute is one of those scientific organizations which exist as "place of memory", moulding and shaping
their own history. Those who work at The Pasteur Institute build up a past which is adapted to needs of successive scientific
generations. Therefore, they confirm and legitimize their identity and the life of their Institute. The gap between Pasteurians
mythical memory and their real History allows us to distinguish their originality. With this theme in mind comes an innovative look
on the way Pasteuriens speak of themselves and of their scientific and prof essionnal experiences, based on a study of archives,
from 1889 to 1914.
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Legout Sandra. La famille pasteurienne en observation : histoire et mémoire. In: Histoire, économie et société. 2001, 20e
année, n°3. pp. 339-354.
doi : 10.3406/hes.2001.2230
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_2001_num_20_3_2230LA FAMILLE PASTEURIENNE EN OBSERVATION
HISTOIRE ET MÉMOIRE
par Sandra LEGOUT
Résumé
L'Institut Pasteur fait partie des institutions scientifiques dont la lecture s'apparente à celle d'un
« lieu de mémoire » ; il génère une « autohistoire » constamment remodelable. Les pasteuriens se
fabriquent un passé adapté aux attentes de générations scientifiques successives, affirmant et l
égitimant ainsi leur identité et la permanence de leur institution. C'est le décalage entre la mémoire
mythique et l'histoire réelle des pasteuriens qui permet de dégager ce qui fait ou non leur originalité.
De la sorte, un regard novateur est alors porté grâce à un travail d'archives (1889-1914), sur le dis
cours que les pasteuriens entretiennent sur eux-mêmes en étudiant l'itinéraire scientifique et profes
sionnel des locuteurs.
Abstract
The Pasteur Institute is one of those scientific organizations which exist as "place of memory",
moulding and shaping their own history. Those who work at The Pasteur Institute build up a past
which is adapted to needs of successive scientific generations. Therefore, they confirm and legit
imize their identity and the life of their Institute. The gap between Pasteurians mythical memory and
their real History allows us to distinguish their originality. With this theme in mind comes an inno
vative look on the way Pasteuriens speak of themselves and of their scientific and prof essionnal ex
periences, based on a study of archives, from 1889 to 1914.
Toute institution, surtout lorsqu'elle s'avère prestigieuse, se dote d'une mémoire.
Une culture d'entreprise légitime sa puissance et ses actions. L'Institut Pasteur de
Paris n'échappe pas à cette règle. Il véhicule, depuis plus d'un siècle, une certaine
image de lui-même et de ses membres, au point de constituer l'image d'une famille
fortement teintée par le souvenir et par le culte rendu au père fondateur, à son esprit, à
sa méthode et à son idéologie.
Une histoire mythique se crée pour lors qui n'a pas perdu aujourd'hui de sa pré-
gnance. Elle sert à se reconnaître entre eux les descendants, les héritiers d'un grand
ancêtre dont les « pasteuriens » perpétuent la tradition tout en l'actualisant. De la sorte,
est assurée l'identification à une institution qui entend sécréter sa propre histoire pour
en faire un instrument de pouvoir et un fondement identitaire, à dépasser les
aléas de la conjoncture et à lui assurer une permanence, une stabilité qui la conforte.
En contrepoint de cette fabrication d'une autohistoire de type mythique et
légendaire, l'historien a pour coutume de distinguer avec soin le locuteur, soit ici la
famille pasteurienne, de son discours sur elle-même. Dès lors, il revient à l'historien
de travailler à partir des sources (écrites) que l'institution a fabriquées au cours du
temps et de reconstituer ainsi, autant que faire se peut, l'histoire des personnels de
HES 2001 (20e année, n° 3) 340 Histoire Économie et Société
l'Institut Pasteur de Paris, entre 1889 (date de sa création) et 1914, et cela en deux
temps : tout d'abord, par une analyse du discours des pasteuriens sur eux-mêmes ,
ensuite par l'étude de leurs caractéristiques sociales et professionnelles. L'objectif du
travail consiste alors à mettre en regard le discours de la mémoire pasteurienne et
l'histoire du personnel qui le tient.
La famille pasteurienne : un travail de mémoire
Or, si l'on considère, d'un point de vue sociologique, la famille entre autre pasteu
rienne comme un ensemble de personnes qui possèdent des caractères communs, reste
à savoir en quoi elle consiste en ce cas.
À la fin du XIXe siècle, les membres de l'Institut Pasteur de Paris ont défini ce que,
selon eux, devait être un Pasteurien. Voici résumés les leitmotivs idéologiques que
nous retrouvons régulièrement dans leurs écrits. Être pasteurien, c'est avant tout être
l'héritier et dès lors le garant d'une méthode expérimentale, en l'appliquant selon des
principes de conduite édictés par Louis Pasteur : enthousiasme, précision, esprit crit
ique, désintéressement et «foi» scientifique. Les Pasteuriens se sentent investis d'une
mission : celle de soutenir la réputation scientifique que l'Institut doit à son fondateur
en continuant à respecter les objectifs que ce dernier lui a assignés: la recherche, le
traitement des maladies infectieuses et l'enseignement. Ils se considèrent comme les
héritiers des volontés et des espérances du Maître. À ce titre, ils continuent à explorer
le monde des microbes, afin d'améliorer la condition humaine partout où cela s'avère
nécessaire. Leur champ d'intervention ne se limite pas à la France mais s'étend au
monde entier. C'est pourquoi, ils vont «en mission», implantent des dispensaires et
des laboratoires. Respectant la méthode et les idées directrices du Père fondateur, ils
définissent et intègrent une partie de leurs préoccupations scientifiques pour les déve
lopper. Ainsi, il leur revient de ne pas se cantonner dans la connaissance d'un savoir
mais de le perfectionner, de le partager et de le faire connaître. À cette époque, c'est
cela être Pasteurien, avec un petit «supplément d'âme» qui fait le reste.
La «famille pasteurienne » se caractérise donc par l'adoption, génération après
génération, d'un esprit et d'une méthode scientifique légués par Louis Pasteur. Aussi
la notion de transmission et celle d'apprentissage restent centrales. L'héritage du Père
se transmet en principe grâce au «Grand cours» de microbiologie fondé par Emile
Roux en 1889 et, de façon pratique, dans les laboratoires de l'Institution. L'aide entre
travailleurs, l'éducation mutuelle, sont très fortement ancrées chez les Pasteuriens. Ils
se transmettent un esprit et un savoir comme les générations familiales se transmettent
un capital culturel ; ce que les sociologues de la famille appellent «la fonction de
reproduction». Les parents aident les enfants à intérioriser des règles de vie, de comp
ortement, de savoirs culturels. Pareil processus existe en ce qui concerne le personnel
pasteurien. Les similitudes sont claires entre la relation père-fils et la relation profes
seur-élève. Un sentiment de respect appuyé se manifeste à l'égard des «aînés». Certai
nes ententes entre confrères peuvent être assim