La mesure de Tabourot des Accords - article ; n°1 ; vol.51, pg 73-90
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Description

Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 2000 - Volume 51 - Numéro 1 - Pages 73-90
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Noël Dazord
La mesure de Tabourot des Accords
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°51-52, 2000. pp. 73-90.
Citer ce document / Cite this document :
Dazord Noël. La mesure de Tabourot des Accords. In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la
renaissance. N°51-52, 2000. pp. 73-90.
doi : 10.3406/rhren.2000.2380
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_2000_num_51_1_2380mesure de Tabourot des Accords La
S'il est un mot qu'on ne s'attend guère à lire dans l'œuvre
d'Estienne Tabourot, et pris dans un sens positif, c'est bien mesure,
dont la notion ne paraît pas devoir particulièrement s'appliquer à celle
de bigarrures, et être plutôt apte à caractériser un auteur compassé
que celui qui affirme : « i'ayme à me chatouiller pour me faire rire »1.
De fait, le terme n'apparaît qu'une fois dans le premier livre, folio 180
A, qui plus est dans une citation de Jacques Peletier, qui « descrit
ainsi des batteurs de bled » :
Consequemment vont le bled batre
Avecques mesure et compas,
Coup après coup, et quatre à quatre,
Sans se devancer d'un seul pas,
mais il fait à lui seul la matière du troisième chapitre du quatrième
livre, où le rhétoricien compilateur à sauts, adjonctions et gambades
se fait docte et... plus « montaignien », et remplace la glane2 par
l'« observation » :
Particulières observations sur les vers François,
« II n'y a pas douze ans que ie me suis apperceu que tous nos Poètes
François gardent & observent à la composition de leurs vers vne mesure, si
proportionnée en la liaison des masculines & féminines, qu'outre la purité de
leurs dictiôs bien choisies, & l'ornement de leurs paroles, cela faict encor
remarquer insensiblement ie ne sçay quoy, qui faict admirer la douceur d'iceux,
& contente fort agréablement les oreilles plus délicates^. »
Mesure appelle ici l'attention, dans un emploi qu'il faut préciser, et
surtout parce qu'il est inattendu, ou plus justement, problématique,
1. Estienne Tabourot, Les Bigarrures du Seigneur des Accords, Premier livre, Fac-
similé de l'édition de 1588, Notes et variantes par Francis Goyet, Droz, 1986, f 121
H.
2. Autre métaphore de Tabourot lui-même, Big I, /"230 C, à propos d'épitaphe : « Ce
suivant a esté pesché des antiques monumens de Hotoman ». Je souligne.
3. Big IV, III, f39. Je souligne.
RHR 51-52 - décembre 2000-juin 2001 74 NOËL DAZORD
pour parler de vers français, voire non « mesurés », non « métrifiés »,
ainsi qu'on l'entendait au XVIe siècle, c'est-à-dire scandés à l'antique,
sur les modèles latin ou grec.
Il s'agit moins de s'étonner que Tabourot s'intéresse à quelque
chose qui vise à ordonner un type de discours, à le régler, car il
prétend décrire une figure de versification, comme il a répertorié
d'autres figures, faisant œuvre de rhétoricien, dans le premier livre ;
que de percevoir la nouveauté de son attitude critique, plus
« stylistique » que rhétorique ici, non plus la compilation joyeuse de
gaillardises langagières, à l'abri de concepts préexistants, mais l'illu
stration attentive d'un phénomène littéraire particulier, dû au plaisir
de la lecture. Le mot de mesure ne semble pas appartenir à un réper
toire préalable, à exemplifier, mais être le produit d'une expérience
d'un lecteur (ie me suis apperceu), qui propose le mot mesure pour la
définir, mais mot à définir lui-même, qui ne paraît pas renvoyer à une
figure connue, comme le ferait la mesure, mais une mesure, qui, à pro
pos de vers, faict admirer la douceur d'iceux, & contente fort agréable
ment les oreilles plus délicates. Tabourot est bien lecteur plus que
faiseur de préceptes, même si la figure perçue tend à se fixer en règle,
et malgré la fière modestie qu'il met à se citer lui-même, même si à la
fin du chapitre4 il s'ajoute à une liste de doctes : Aristarque, Scaliger,
Pelletier, Ronsard et le « Quintil Censeur »5. Mais il ne s'agit pas d'
« entreprendre la censure sur les escrits d'autruy », et Tabourot laisse
en suspens sa réflexion par ces mots : « reservant d'en dire plus
amplement mon opinion, au recueil que ie fais des arts Poétiques
François » ; même si d'autres « ont desja deffriché les espines », le
concept - ou le mot, laissé vacant dans le métalangage par l'absence
d'une scansion française — ne paraît pas encore suffisamment établi
pour entrer immédiatement en dictionnaire, cette « suite du
Dictionnaire des rimes Francoises de nostre oncle Monsieur le Feure,
que, dit Tabourot, je feray voir vn de ces iours ». On notera, sinon
une contradiction, du moins une tension6 dans ce texte entre la
4. Folio 60 v° et 61 r°. La graphie Pelletier est de Tabourot.
5. Évidemment Barthélémy Aneau.
6. Peut-être est-ce le propre de toute stylistique que cette tension, par laquelle le
stylisticien se situe dans une instabilité chronique entre la lecture et la
rhétorique, l'expérience propre (armée évidemment de sa culture littéraire et
linguistique) et l'universel..., le sentiment esthétique et sa tendance à s'ériger en LA MESURE DE TABOUROT 75
naïveté affichée de l'expérience personnelle, — expérience esthétique
dite au début du chapitre, et de façon hyperbolique et jubilatoire, où
s'exprime le bonheur du lecteur qui vient de découvrir une beauté et
l'objet d'une jouissance littéraire (il n'y a pas douze ans que ie me suis
apperceu [...] tous nos Poètes François [...] une mesure si proportionnée
[...] que [...] ; cela ajouté au style binaire : gardent et observent, la
purité [...] et l'ornement etc..) —et le désir, exprimé en fin de chapitre,
de se situer à la suite des meilleurs auteurs, faiseurs d'arts poétiques
et poètes, Peletier, Ronsard. Car le mot de mesure en la matière n'est
pas une invention de Tabourot, il appartient déjà à une tradition
critique. Tabourot s'y insère, prend parti, en choisissant ses
« auteurs », le parti de la Pléiade. De Du Bellay à Ronsard, le goût du
lecteur de poèmes (« Du Bellay, la veine duquel me plaist autant que
de Poète de nostre siècle »7) tendrait à la doctrine des arts poétiques
(« Pelletier fort doctement & laborieusement, Ronsard divinement &
fort à propos »8). Mais justement, le mot mesure ne va pas de soi, en
appelle à une réflexion ultérieure. Il convient donc d'en apprécier la
propriété pour la description du vers français, en disant ce qu'il
désigne pour Tabourot, et en le situant déjà dans une histoire.
Le mot
Mesure est ancien dans la langue française. Tous les dictio
nnaires9, qui en sont redevables au FEW, le font remonter à la
Chanson de Roland au sens de « évaluation d'une grandeur ou d'une
quantité », au XIIe siècle dans ceux d'« étalon », et de « modération
dans le comportement ». Mais c'est au XVIe siècle qu'il entre dans les
domaines musical et littéraire, traduisant le latin modulatio en 1538
dans le dictionnaire de Robert Estienne (en musique, division de la
durée en parties égales), réempruntant (d'après le TLF et Alain Rey,
Dictionnaire historique de la langue française) le latin mensura en 1557
dans les Divers Jeux Rustiques de Du Bellay, pour la versification :
Tu ne sçais que c'est de mesures,
D'apostrophes, ny de caesures
règle de l'art. Le XVIe siècle s'inscrit particulièrement dans cette dynamique de la
règle. C'est le siècle des Scaliger, de Juste Lipse, de Casaubon...
7. Folio 45 r°.
8.61 r°.
9. TLF, Grand Robert, Grand Larousse de la langue française. NOËL DAZORD 76
Ny de ces préceptes divers
Qui monstrent à faire des vers***.
Mais, pour le FEW, ce serait enfin dans Montaigne, en 1580, qu'il
s'appliquerait à la structure du vers, passage fameux à propos de
Plaute, et beau portrait du philologue : « En nos actions accoutumées,
de mille il n'en est pas une qui nou

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