La place de l idéologie - article ; n°6 ; vol.17, pg 1050-1061
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Description

Revue française de science politique - Année 1967 - Volume 17 - Numéro 6 - Pages 1050-1061
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jean-Yves Calvez
La place de l'idéologie
In: Revue française de science politique, 17e année, n°6, 1967. pp. 1050-1061.
Citer ce document / Cite this document :
Calvez Jean-Yves. La place de l'idéologie. In: Revue française de science politique, 17e année, n°6, 1967. pp. 1050-1061.
doi : 10.3406/rfsp.1967.393058
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1967_num_17_6_393058La Place de l'Idéologie
JEAN-YVES CALVEZ
L'Union soviétique apparaît aujourd'hui à beaucoup comme un
Etat parmi les Etats, ou une nation parmi les nations, au
sein d'un monde pluraliste et « multipolaire ». De ces diverses
entités — Etats ou nations — , non pas homogènes mais suscept
ibles d'être classées ensemble dans une commune catégorie, il est
possible de donner une description selon des canons reconnus.
Cette description passe par l'analyse comparée d'un certain nombre
d'éléments. Pour ne nommer que quelques-uns des chapitres prin
cipaux : la géographie, la démographie, les institutions politiques,
l'économie, la structure sociale, les idéologies peuvent ainsi être
passées en revue. Or, si l'on peut écrire la plupart de ces chapitres
à propos de l'Union soviétique, des difficultés sérieuses commenc
ent quand on aborde l'idéologie. A plusieurs égards, le cas de
l'U.R.S.S. mérite ici d'être distingué.
Difficulté d'appréhender les idéologies
en Union soviétique
Si l'on comprend l'idéologie comme l'entend une science sociale
positive, analyser ou les idéologies, c'est faire appar
aître un ensemble d'idées ou de convictions, plus ou moins cohé
rentes objectivement, mais subjectivement liées entre elles, qui ani
ment les actions des hommes, des groupes, par exemple des partis
politiques, ou bien des peuples entiers. Telles sont, dans la France
contemporaine, l'idéologie libérale ou néo-libérale, l'idéologie social
iste ou l'idéologie de gauche, ou encore l'idéologie laïque. Telle est
aussi panarabe ou panislamique qui anime aujourd'hui
des peuples entiers du Proche-Orient. Or, il est très malaisé de
décrire l'idéologie du peuple soviétique ou les idéologies des diver
ses couches qui le constituent : non par absence d'objet, mais parce
que l'objet demeure difficilement accessible au chercheur comme à
l'observateur étrangers. La Place de l'Idéologie 1051
La multiplication des relations de tourisme, de certains types
d'échanges intellectuels, n'a pas encore modifié radicalement une
situation d'isolement qui rend difficile l'accès — en tout cas l'accès
statistique et sociologique — de ces cantons assez secrets de la
vie que constituent les éléments idéologiques réels (les convictions
et les représentations effectives). Cantons assez secrets pour
l'étranger dans un pays comme l'Union soviétique. Ici, en effet, le
chercheur est encore obligé de deviner, par exemple à travers les
expressions d'une littérature qui franchit au compte-goutte les
barrages de la censure et qui, de ce fait, reflète sans doute assez
mal les représentations effectivement répandues. Pour quoi vit le
peuple soviétique ? Nous avons eu la certitude, pendant la deuxième
guerre mondiale, qu'il était animé d'un profond patriotisme de la
terre russe. Nous sommes désormais convaincus, aussi, qu'il existe,
dans de larges couches de la population soviétique, un goût de la
science, de la technique, de la construction industrielle, qui appa
rente probablement l'idéologie soviétique aux idéologies des sociétés
industrialisées et urbanisées. d'Occident. Mais que savons-nous,
par-delà ces similitudes probables, des différences sans doute non
moins importantes? Nous ignorons encore presque tout des. autres
éléments de l'idéologie soviétique concrète ; du moins nous n'avons
guère de certitudes.
L'étranger n'est pas privé seulement de possibilités d'exploration
et d'analyse directes — au-delà du regard touristique, d'ailleurs
moins favorisé lui-même qu'en d'autres pays - — . mais il ne peut
s'appuyer sur ces sources indirectes que constituent ailleurs les
analyses effectuées et publiées par les chercheurs autochtones.
Un Français peut découvrir quelque chose de l'idéologie du peuple
américain en lisant la Civilisation américaine de Max Lerner et
bien d'autres analyses analogues, certaines plus rigoureusement
scientifiques. Il n'existe pas d'équivalent soviétique à de tels tr
avaux à propos de l'U.R.S.S. Les récents congrès internationaux
de sociologie ont certes révélé que la sociologie s'éveille enfin en
Union soviétique. Elle s'éveille seulement. L'analyse positive de
la société y est demeurée jusqu'ici une discipline vierge : proba
blement une discipline tabou. Paradoxe certes, si l'on admet que
Karl Marx, le père des doctrines qui ont formé l'U.R.S.S., est
aussi l'un des fondateurs de la sociologie moderne. En fait toute
« sociologie » soviétique a longtemps consisté en une sociologie
des autres pays, « capitalistes » et « impérialistes ». D'ailleurs une livresque, privée de l'observation et de l'observation
directe. Aussi bien, les Soviétiques ne donnaient pas à leurs ana
lyses du reste du monde le nom de sociologie. 1 052 UU.R.S.S. Etat Révolutionnaire ?
L'idéologie dans l'Etat soviétique
Or c'est en raison même du rôle de l'idéologie en Union sovié
tique que cette situation a pu se développer. Qui d'ailleurs, depuis
1917, n'a pas associé Union soviétique et idéologie? Mais le mot
idéologie prend alors un autre sens que celui que cherche à lui
donner le sociologue ou l'analyste des idéologies dans la science
politique contemporaine.
Le sens auquel nous devons maintenant nous attacher n'est pas,
il est vrai, celui que connaissait Marx, occupé à dénoncer les
systèmes de justification honteux de classes sociales privilégiées,
bénéficiaires d'une situation d'injustice à laquelle il fallait mettre
fin. Dans cette perspective, l'approche des idéologies est fonda
mentalement critique. La critique des constitue une
étape, insuffisante mais nécessaire, de la critique pratique qui
s'attaque à l'injustice sociale ambiante.
Dans une optique différente mais complémentaire, le marxisme à l'autonomie ou à la prééminence des idéologies — des
idées — , qu'il classe au rang des superstructures et dont il veut
expliquer la dépendance radicale par rapport aux infrastructures.
Ainsi, l'exploitation capitaliste de l'homme par l'homme entraîne,
au niveau mental, des représentations et des justifications diverses,
entièrement dérivées, qui servent à consolider le système d'injustice
établi au niveau de l'infrastructure. Le monde ouvrier lui-même
peut participer à des idéologies de ce type, y compris les idéo
logies pseudo-socialistes, qui assurent sa résignation : elles ne font
que refléter sa condition d'impuissance, son aliénation par rapport
à l'outil de production, par rapport à son travail, par rapport à la
nature, par rapport à lui-même.
Effectivement, les dirigeants et les penseurs officiels de l'Union
soviétique n'ont pas cessé — et ne cessent pas — , dans les discours
politiques comme dans les manuels d'économie politique, de dénon
cer l'idéologie capitaliste, bourgeoise, qu'ils imputent au monde
occidental. Très tôt, toutefois, ils ont donné aussi une acception
non péjorative, au contraire favorable, au terme idéologie, appliqué
à une part de la superstructure de la société socialiste. Le rôle de
Lénine fut décisif dans cette mutation. Très tôt donc, le bolche-
visme fit une place de choix à l'idéologie (et à la « théorie ») dans
sa conception du processus social (et révolutionnaire). La rectitude
idéologique — puis l'orthodoxie — devint une qualité première du
révolutionnaire, du membre du Parti, et bientôt du citoyen sovié
tique. C'est ce sens du terme idéologie que nous avons en vue dans
la suite de notre propos. Place de l'

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